La 26e conférence sur le climat répondra-t-elle aux immenses attentes pour contenir le réchauffement planétaire à 1,5 °C ? De nouveaux engagements ont été annoncés, mais les signaux d’alarme sont toujours au rouge. Retour sur la première semaine de la COP26.

La Barbade sonne l’alarme

PHOTO DANIEL LEAL-OLIVAS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Mia Amor Mottley, première ministre de la Barbade, prononçant une allocution à la COP26, mardi

« Code rouge. Code rouge aux pays du G7, code rouge, code rouge au G20 », a lancé la première ministre de la Barbade, Mia Amor Mottley, lors de son allocution devant les dirigeants mondiaux réunis à l’ouverture de la COP26, lundi. Un discours percutant de huit minutes qui a donné le ton dès le départ de cette conférence tant attendue. « Combien d’images et de voix supplémentaires devons-nous voir sur ces écrans sans être capables d’agir ? Sommes-nous à ce point aveugles et obstinés que ne nous ne sommes plus capables de comprendre les pleurs de l’humanité ? »

Voyez l’allocution de Mia Amor Mottley (en anglais) 

Les bonnes nouvelles

Quelques annonces ont particulièrement retenu l’attention pendant la semaine. Plus de 80 pays, dont le Canada, se sont entendus pour réduire leurs émissions de méthane de 30 % par rapport au niveau de 2020, et ce, d’ici 2030. Le Canada et 22 autres nations ont aussi signé un accord pour mettre fin au financement public international des énergies fossiles. « Ce qui me frappe le plus jusqu’à présent, c’est qu’on commence enfin à parler de l’éléphant dans la pièce : les énergies fossiles, note Caroline Brouillette, analyste aux politiques climatiques au Réseau action climat. C’était nécessaire et urgent qu’on le fasse. »

La moins bonne nouvelle

Une centaine de pays, dont le Canada, ont annoncé mardi un accord pour mettre fin à la déforestation d’ici 2030. Les forêts, rappelons-le, jouent un rôle essentiel pour absorber une quantité importante de CO2 relâché par les activités humaines. Or, l’équivalent de 27 terrains de football de forêts serait détruit chaque minute à l’échelle mondiale. Les groupes environnementaux demeurent néanmoins sceptiques face à ces engagements qui avaient déjà été pris par le passé. Et coup de théâtre, l’Indonésie a récusé jeudi l’accord annoncé deux jours plus tôt. « Le développement massif de l’ère du président Jokowi [Joko Widodo] ne peut pas s’arrêter au nom des émissions de carbone et de la déforestation », a écrit sur Twitter la ministre de l’Environnement et de la Foresterie de l’Indonésie, Siti Nurbaya Bakar.

La mauvaise nouvelle

Les émissions mondiales de CO2 sont reparties à la hausse cette année après un recul de 5,4 % en 2020 en raison de la pandémie. Mercredi, le Global Carbon Project a annoncé que les émissions de 2021 devraient rebondir de 4,9 %. À ce rythme, le budget carbone encore disponible afin de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C sera épuisé dans 10 ans. « Tout le monde veut maintenir vivant le rêve de [limiter le réchauffement à 1,5 °C]. Dans tous les sens du terme, vous vous moquez de vous-même si vous pensez que nous nous dirigeons vers 1,5 °C. Alors pourquoi cet optimisme ? », a écrit sur Twitter Glen Peters, directeur de la recherche au Center for International Climate Research. « Nous ne sommes pas alignés pour limiter le réchauffement à 1,5 °C », confirme Damon Matthews à La Presse. Au moment d’écrire ces lignes, il restait 10 ans, 5 mois, 16 jours et 21 heures avant d’épuiser le budget carbone toujours disponible, selon l’horloge climatique développée par le professeur de l’Université Concordia. M. Matthews soutient que la cible peut toujours être atteinte, mais il faudra rehausser les cibles et viser la carboneutralité en 2040, et non en 2050, comme prévu. « Il y a deux vérités que j’aime rappeler, ajoute Caroline Brouillette. On avance, mais trop tard et trop lentement. »

Consultez l’horloge climatique de Damon Matthews (en anglais)

Le chiffre à prendre avec un grain de sel

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les engagements pris jusqu’à présent à la COP26 permettraient de limiter le réchauffement à 1,8 °C d’ici 2100. Une annonce qui a suscité un certain scepticisme chez les scientifiques. Plusieurs de ces engagements doivent être ratifiés par les Parlements de nombreux pays, notent avec justesse les chercheurs de Climate Analytics. De plus, les calculs de l’AIE ont été effectués à partir des promesses d’atteindre la carboneutralité en 2050. Or, les cibles de réduction d’ici 2030 devront être relevées pour atteindre les objectifs de 2050. « C’est comme si quelqu’un disait qu’il s’en allait faire un marathon, mais qu’il ne s’y était jamais entraîné, illustre Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpace Canada. Ce sera difficile d’atteindre nos objectifs de 2050 si on n’en fait pas assez d’ici 2030. »

« Nos leaders ne montrent pas le bon chemin », déplore Greta Thunberg

Vendredi, des milliers de jeunes ont manifesté dans les rues de Glasgow pour protester contre l’inaction des dirigeants du monde face à l’urgence climatique. La Suédoise Greta Thunberg a affirmé que la COP26 était un « échec », décrivant la conférence comme « une célébration du business as usual et du blabla ». « Nos leaders ne montrent pas le bon chemin. Voici à quoi ressemble le leadership », a-t-elle ajouté en désignant la foule. Une deuxième manifestation est également au programme ce samedi.

Les pays vulnérables

Mercredi, les pays les plus vulnérables aux changements climatiques ont réclamé à nouveau l’aide des nations les plus riches. En 2009, les pays industrialisés s’étaient engagés à fournir un financement de 100 milliards par année à partir de 2020 pour aider les pays en développement. Or, cet objectif serait seulement atteint en 2023. Dans l’intervalle, les nations les plus pauvres plaident que la somme de 100 milliards sera nettement insuffisante et réclament un nouvel accord. Selon Caroline Brouillette, du Réseau action climat, ce sont des milliers de milliards de dollars qui devront être débloqués pour les pays qui seront les plus durement frappés par les changements climatiques.

Un nouvel accord en vue ?

Il reste encore une semaine à la 26e conférence sur le climat et celle-ci sera cruciale. Si la conférence de 2015 a débouché sur l’accord de Paris, celle de Glasgow devrait permettre en principe de rédiger le manuel d’instructions de cet accord. Car une fois les cibles fixées, il faut déterminer comment les atteindre. « Je m’attends à ce que les négociations se poursuivent jusqu’à la dernière minute, précise Caroline Brouillette. La COP26 devra démontrer comment les parties vont s’y prendre pour garder l’objectif de 1,5 °C en vie. » Le professeur Damon Matthews convient que la situation est « très frustrante ». « Nous aurions pu agir avant, nous ne l’avons pas fait. C’est encore possible d’y arriver, mais ça va prendre plus que des paroles. »

Avec l’Agence France-Presse

Consultez la programmation de la COP26