Le Parti libéral les recycle, le Bloc les donne, le Parti vert les garde pour la prochaine campagne, le NPD fait un peu tout ça à la fois et le Parti conservateur ne répond pas ; le sort réservé aux affiches électorales varie d’un parti à l’autre.

Les affiches électorales de Sam Fairbrother ont été soigneusement rangées… dans son sous-sol !

Le candidat défait du Parti vert dans Notre-Dame-de-Grâce – Westmount, à Montréal, en était à sa première campagne, mais il compte bien se présenter à nouveau.

« C’est important de les réutiliser, c’est vert, mais il y a aussi que ça coûte beaucoup d’argent », explique-t-il à La Presse, évaluant que ses 300 affiches lui ont coûté quelque 3000 $.

Réutiliser les affiches d’une campagne électorale à l’autre est d’ailleurs la norme au Parti vert, explique le directeur de la mobilisation de la formation, Robin Marty.

« On a des candidats qui se présentent à plusieurs reprises », dit-il, mais la réutilisation a ses limites.

Généralement, trois élections, c’est le maximum qu’on peut faire.

Robin Marty, directeur de la mobilisation du Parti vert du Canada

Et c’est moins dans le cas de campagnes électorales hivernales, qui mettent les affiches à rude épreuve.

Quand une candidate ou un candidat met fin à sa carrière politique ou change de circonscription, les affiches sont données à des groupes communautaires qui leur donnent une deuxième vie.

C’est d’ailleurs ce que fait le Bloc québécois, dont les candidats offrent leurs pancartes à qui en veut bien : garderies ou écoles pour du bricolage, groupes communautaires, particuliers, etc.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

« Les affiches, on leur donne une seconde vie », indique à La Presse Josée Beaudin, directrice générale du Bloc, qui a utilisé environ 35 000 affiches lors de la dernière campagne électorale.

« On sait que les gens aiment beaucoup ça, les réutiliser », ajoute-t-elle, estimant qu’il serait difficile de les réutiliser d’une campagne à l’autre en raison des changements de slogans et de graphisme, notamment.

Les libéraux recyclent

Le Parti libéral du Canada (PLC) opte quant à lui pour le recyclage de ses affiches.

« On fait une collecte et on les achemine dans les centres de tri qui les prennent un peu partout au Québec », explique à La Presse le député Steven Guilbeault, réélu dans Laurier – Sainte-Marie.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Les affiches électorales sont faites en Coroplast, plastique qui se recycle très bien, explique Éric Fradette, président d’Exxel Polymers, l’une des trois entreprises du Québec qui le traite (voir encadré). « On prend toutes les pancartes, peu importe leur couleur ! », lance-t-il.

Les libéraux ont utilisé 20 000 affiches au Québec lors de la dernière campagne électorale, un nombre moins élevé que par le passé, principalement parce qu’elles sont recto verso depuis 2019, souligne Steven Guilbeault.

Mais l’affichage tend à diminuer, ajoute-t-il, un constat partagé par le Parti vert.

Il y a beaucoup de gens qui décident d’en faire moins qu’avant. Ç’a été le cas chez nous. On a commandé moins de pancartes que ce qu’on avait commandé en 2019.

Steven Guilbeault, député du Parti libéral du Canada

Au Nouveau Parti démocratique (NPD), « la plupart » des affiches sont conservées pour les élections suivantes ou recyclées, a indiqué une porte-parole du parti, Mélanie Richer.

Le Parti conservateur du Canada (PCC) n’a pas donné suite aux nombreux appels et courriels de La Presse.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Gestes représentatifs

Le sort réservé à leurs affiches électorales « représente bien les options politiques des partis sur les enjeux environnementaux », constate avec amusement le sociologue de l’environnement René Audet, professeur au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

« Le Parti vert et le NPD sont plus écolos, le Bloc a de bonnes "valeurs", le PLC a la solution mainstream et le PCC ne répond pas ! », explique-t-il.

La réutilisation des affiches est selon lui écologiquement plus intéressante que le recyclage, puisqu’elle ne nécessite pas de nouvelle utilisation d’énergie et n’émet pas de nouveaux polluants.

Plus on utilise longtemps et souvent un même objet, plus l’investissement énergétique et matériel est "rentable" sur le plan écologique.

René Audet, professeur à l’UQAM

Lorsqu’une affiche ne peut plus être réutilisée, le recyclage devient alors « probablement la meilleure option », estime M. Audet.

C’est aussi l’avis de Recyc-Québec, qui « recommande aux partis politiques d’envisager le réemploi, la réutilisation et, finalement, le recyclage » de leurs affiches, a indiqué à La Presse la porte-parole de l’organisme, Brigitte Geoffroy.

Mais ce qui serait encore plus écologique, ce serait de repenser complètement notre façon d’afficher, estime le Parti vert.

« On affiche encore comme dans les années 1960 », déplore Robin Marty.

« On aimerait un affichage réglementé, comme en Europe, avec des posters [de papier] collés à certains endroits précis, dit-il. Ça serait déjà beaucoup mieux, écologiquement, et plus intéressant. »

Faciles à recycler

Les affiches en Coroplast, comme les pancartes électorales, sont facilement recyclables au Québec. « C’est de la bonne matière, c’est du polypropylène », explique Éric Fradette, président d’Exxel Polymers, à Bromont. Les affiches sont hachées, granulées, fondues et transformées en billes revendues à des fabricants de produits variés, comme des bacs, des pelles, des poubelles, des étagères, des bacs à fleurs. Ce plastique recyclé se vend aussi très bien, indique Manon Tremblay, présidente de Plastimum, à Sherbrooke. « Il y a beaucoup de gens qui en demandent », dit-elle. Mais le Coroplast a un inconvénient : son poids très léger, souligne Jean-Frédérick Soucy, technicien en plasturgie chez Re-Plast, à Notre-Dame-du-Bon-Conseil. « Ça va me coûter 500 $ pour un voyage d’à peine 1000 kg, contre 15 000 kg pour d’autres matières », explique-t-il.