« Peut-être que je n'aurais pas gagné Génies en herbe », reconnaît François Legault au sujet des réponses qu'il a données samedi aux questions portant sur le système d'immigration au Canada. Or il s'est fourvoyé de nouveau 24 heures plus tard sur le même sujet.

Le chef caquiste a par ailleurs justifié que les nouveaux arrivants seraient tenus de résider jusqu'à six ans au Québec pour obtenir la citoyenneté canadienne sous un gouvernement caquiste, au lieu de trois ans dans les autres provinces.

M. Legault promet de réformer le système d'immigration actuel en demandant aux nouveaux arrivants de réussir un test de français et un test de connaissance sur les valeurs québécoises pour obtenir le certificat de sélection du Québec. Ils devraient le faire dans un délai de trois ans après leur arrivée. Un gouvernement caquiste leur remettrait d'ici là un nouveau « certificat temporaire », élément qui devrait faire l'objet de négociations avec Ottawa.

Samedi, il a donné des réponses hésitantes, voire erronées au sujet du système d'immigration actuel.  Il a entre autres répondu qu'un résident permanent doit avoir été « quelques mois » au pays pour devenir citoyen canadien. C'est en fait au moins trois ans au cours des cinq ans qui précèdent la demande. Il a également eu beaucoup de mal à identifier les conditions à remplir pour devenir citoyen. Il les a résumées en parlant d'une enquête de sécurité et en disant que « c'est un peu flou ».

Dimanche, François Legault a commenté sa performance de la veille : « Peut-être que je n'aurais pas gagné Génies en herbe », a-t-il dit, reconnaissant qu'il s'agissait de « bonnes questions ». Le chef caquiste a ajouté qu'il aurait dû prendre ces questions « en délibéré ». Il dit avoir pris du temps samedi pour revoir le fonctionnement du système d'immigration.

Or il s'est trompé de nouveau en réponse à des questions sur le sujet dimanche. Les questions tournaient autour du statut de résident permanent, statut qu'un immigrant obtient après avoir obtenu le certificat de sélection du Québec, et le statut de citoyen canadien.

« Entre la résidence permanente et la citoyenneté, la seule chose qui est faite, qui est obligatoire, c'est (une enquête de) sécurité et un test médical, pour être sûr qu'il n'y ait pas de maladie. Donc l'étape importante pour les immigrants économiques, c'est avant le certificat de sélection, puis avant le certificat pour la résidence permanente », a-t-il affirmé.

On lui a alors rappelé que pour obtenir la citoyenneté canadienne, un résident permanent doit passer un test de connaissance du Canada (sur les droits, les libertés, les responsabilités, l'histoire et la géographie) et également un examen pour s'assurer qu'il a une « connaissance suffisante » de la langue (le français ou l'anglais selon le cas).

François Legault a répondu que ces examens ne sont faits pas faits au moment de la demande de citoyenneté, mais bien « avant ». « C'est pour avoir la résidence permanente » qu'un immigrant doit les passer, a-t-il déclaré, ce qui est inexact.

« Je vais vérifier pour être certain, a ajouté M. Legault. On va prendre votre question en délibéré. »

Il a indiqué par la suite que les examens du fédéral sont des « bons tests » et que « ça vient comme montrer que ce n'est pas si effrayant que ça ce qu'on demande, que ce n'est pas si loin que ça de ce qui existe déjà ».

Lorsqu'on lui a demandé si ses deux tests seraient « comparables » à ceux du fédéral pour la citoyenneté, il a répondu qu'« il y a une partie qui est comparable, et il y a une partie qui est nouvelle. On veut vraiment des questions donc sur les valeurs, un test de français, ça n'existe pas vraiment actuellement. En tout cas, ce n'est pas obligatoire. Les tests de français, ce n'est pas obligatoire. La preuve, l'année dernière, 58 % des immigrants ne parlaient pas français. Oui, (la connaissance du français) est un critère qui donne des points, mais ce n'est pas obligatoire. »

Le chef caquiste a répondu par la suite qu'il maîtrise « pour ce qui est de l'essentiel » le dossier de l'immigration.

Selon sa proposition, un immigrant devrait attendre jusqu'à trois ans pour obtenir un certificat de sélection, puis résider ici trois années supplémentaires à titre de résident permanent pour obtenir la citoyenneté. Il y a un total de six ans. À l'heure actuelle, un immigrant qui a son certificat de sélection à son arrivée au Québec obtient ensuite du fédéral le statut de résident permanent. Il y a un délai de trois ans pour obtenir la citoyenneté, comme dans le reste du Canada.

M. Legault a justifié que ce serait désormais plus long pour un nouvel arrivant au Québec d'obtenir la citoyenneté par rapport à celui qui résiderait dans une autre province.

« On a un défi additionnel au Québec, a-t-il plaidé. Le français sera toujours vulnérable au Québec, en Amérique du Nord. Donc, oui, il y aura des exigences plus grandes au Québec que dans le reste du Canada. Et je pense que c'est ce que souhaite la grande majorité des Québécois. » Les immigrants « ont toujours le choix d'aller à Toronto, ou à Montréal ou au Québec. C'est leur choix », a-t-il ajouté.

Legault échoue à son propre test de compétence, dit Couillard 

De passage à Québec, dimanche, le chef du Parti libéral, Philippe Couillard, a de nouveau martelé que François Legault ne comprenait pas le système d'immigration, un enjeu sur lequel il souhaite « créer de la chicane [pour] diviser ». 

« M. Legault veut faire un test d'expulsion, mais il échoue au test de compréhension [des règles actuelles]. Il ne comprend pas lui-même le sujet dont il parle. Comment les Québécois pourraient-ils lui faire confiance ? » s'est questionné M. Couillard.

Selon lui, le plan caquiste d'abaisser les seuils d'immigration pourrait mener Ottawa à utiliser le droit de regard qui lui est attribué dans l'entente le liant à la province. Qui sait, le gouvernement fédéral pourrait même « [choisir] plus de nouveaux arrivants », ce qui irait à l'encontre même du souhait de la CAQ. 

« M. Legault ouvre la porte [...] à une intervention du fédéral ou à la perte de l'entente. C'est pour ça [qu'il] faut être excessivement prudent », a dit le chef libéral. 

« [Le plan Legault] ouvre la porte à ce qu'ils [augmentent notre seuil d'immigration]. C'est très facile pour que ça n'arrive pas : ne diminuons pas le nombre d'immigrants », a-t-il conclu.

- Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse