Meili Faille s'assied sur un chaise installée au fond du gymnase et s'accote doucement sur le dossier incliné tandis qu'une infirmière d'Héma-Québec lui pose un cathéter dans le bras. La candidate bloquiste de Vaudreuil-Soulanges n'est pas malade, loin de là. «J'ai du sang rare, lance-t-elle fièrement. Je viens en donner tous les 56 jours.»

Ce jour-là, Héma-Québec organise une grande collecte de sang à l'école secondaire Vaudreuil. «Les gens me voient ici et se disent que je suis une femme pleine de bon sang», rigole Mme Faille, alors que le liquide rouge (tirant sur le bleu) emplit rapidement un petit sac.

Élue en 2004, la députée du Bloc a accompli un petit exploit dans cette circonscription de l'Ouest-de-l'Île en mettant fin à un long règne libéral entamé en 1917 et interrompu une seule fois par les conservateurs pendant un bref mandat (de 1958 à 1963).

Pour son deuxième mandat, en 2006, c'est par plus de 9000 voix que Mme Faille a écrasé l'astronaute Marc Garneau, pourtant un des grandes vedettes du Parti libéral. Son succès, dit-on ici, elle le doit largement à son long engagement dans la région. «Elle est très connue. Cela fait longtemps qu'elle milite, qu'elle s'implique auprès d'une foule d'organismes et qu'elle organise toute sortes d'événements dans la région», explique Suzanne Vallée, enseignant au service d'animation spirituelle et pastorale de l'École secondaire Vaudreuil.

Sur le terrain, sa proximité avec les gens est remarquable. «Je ne crois pas aux poignées de mains et je hais les tables d'honneur dans les soirées bénéfice», lance Mme Faille. Son truc, c'est plutôt la conversation. La députée peut facilement passer une dizaine de minutes à discuter avec un électeur qui l'accoste, a constaté La Presse.

Mais cette fois-ci, la lutte pourrait être plus difficile qu'en 2006 pour Mme Faille. La vedette à laquelle elle se confronte n'est plus libérale, mais bien conservatrice. Et contrairement à l'astronaute défait, Michael Fortier, un des personnages-clés de l'équipe de Stephen Harper au Québec, peut se targuer de ne pas avoir été parachuté dans la région. Depuis plus de deux ans, le sénateur (poste duquel il a démissionné au déclenchement des élections) et ministre du Commerce international mène activement campagne dans la circonscription. Grâce à de généreux dons provenant du milieu des affaires, faits alors qu'il était ministre des Travaux public, il s'est ouvert deux bureaux dans l'immense circonscription de 900 km carrés. Un geste mal perçu, tant par Mme Faille que par la candidate libérale, Brigitte Legault (âgée de 27 ans), qui l'accuse d'avoir «joué au député». Mais cette accusation, M. Fortier la rejette du revers de la main. «Je n'ai pas porté ombrage à la députée, lance-t-il À titre de ministre responsable de la grande région montréalaise, c'était mon devoir de m'engager dans les enjeux locaux», dit-il. Le candidat conservateur affirme s'être notamment battu pour que la formation en maniement d'arme des agents de douane se déroule dans un centre de formation de Rigaud plutôt qu'ailleurs au pays. «Mme Faille ne m'a jamais appelé pour que nous travaillions à ce dossier ensemble», affirme M. Fortier.

Croissance fulgurante

Tant du côté du Bloc que chez les conservateurs et les libéraux, tout les candidats s'entendent pour dire que les problèmes d'infrastructures sont l'enjeu principal dans la circonscription. Depuis une dizaine d'années, la région a connu un boom démographique majeur (17% d'augmentation entre 2001 et 2005, selon Statistique Canada). Le flux migratoire en provenance de Montréal a fait de Vaudreuil-Soulanges une des 10 régions qui connaît la plus forte croissance démographique au Canada. Pour les résidants du coin, cela se traduit par d'immenses bouchons de circulation aux heures de pointe sur les artères trop petites de Vaudreuil-Dorion et des villes avoisinantes.

Devant ce problème éminemment local, Brigitte Legault et Michael Fortier vantent sans réserve les accomplissements de leurs partis, qui, au cours des dernières années, ont investi à coups de millions dans différents programmes d'infrastructures. Les électeurs n'ont toutefois aucun avantage réel à voter pour le parti qui formera le gouvernement, affirme Mme Faille. «Il faut rendre à César ce qui revient à César, lance la candidate bloquiste. Les demandes de financement pour les programmes d'infrastructures sont faites par les représentants municipaux et ce sont des fonctionnaires qui évaluent les dossier. Le rôle du député, c'est de les aider dans ces démarches. Et ça, je sais très bien le faire. Affirmer qu'un député membre du parti au pouvoir obtiendra plus d'argent, c'est dire que les vieilles pratiques de favoritisme ont encore cours.»