Pour se rendre au bout du rang de la Barbotte, à Lacolle, il faut 15 minutes de marche et 30 minutes de kayak. Une poignée de résidants, dont les maisons ont été parmi les premières inondées, y habitent toujours. Ils sont littéralement coupés du monde.

«On n'a pas d'aide. On est juste oubliés de tous», dit Pierre Robidoux, 80 ans, rencontré hier.

C'est une résidante de Lacolle qui a signalé à La Presse l'existence de cette rue isolée. «Essayez d'aller au bout du rang de la Barbotte. Les gens y sont seuls», a dit Collette Richard.

Après avoir roulé au sec sur quelques kilomètres, on arrive à la portion inondée du rang de la Barbotte, longue d'environ 3 km.

Nous marchions depuis 15 bonnes minutes dans l'eau jusqu'aux genoux lorsque Marie-Hélène Thibault nous a arrêtés. «Si vous allez au bout, je vous prête mon kayak. Il y a au moins 4 pieds d'eau par endroits. Et c'est loin!», a dit cette enseignante à l'École polytechnique.

Quelques résidants ont été évacués du rang de la Barbotte la semaine dernière. Des pompiers patrouillent parfois. Mis à part cela, les sinistrés affirment qu'ils ont reçu très peu d'aide.

La route est longue et a des airs de fin du monde. L'eau est partout, charriant avec elle de multiples débris. On croise une épave de bateau. Puis une marina abandonnée. Un rat musqué nage devant le kayak. Les oiseaux chantent fort.

Après avoir passé un bois, on aperçoit quelques résidences. La maison de Karine Boivin est une perte totale. Elle s'est réfugiée chez sa voisine, Josée Vaillancourt. «On reste quand même pour protéger le peu qui nous reste. On n'a plus d'eau courante. C'est très pénible, se rendre ici. On aimerait avoir des navettes le matin et le soir pour venir dans nos maisons. Ils font ça à Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix. On aimerait aussi avoir un peu d'eau», a dit Mme Boivin.

Chaque nuit, le père de Mme Boivin s'en va travailler. «Il marche tout ce chemin seul, dans le noir. C'est effrayant!», dit la jeune femme.

Au bout du rang, les frères Pierre et Gérard Robidoux, âgés respectivement de 80 et 82 ans, viennent à la rencontre de la journaliste en kayak. «On a de la visite!», dit Gérard, qui porte une longue barbiche et fume la pipe.

Les sous-sols des maisons des deux frères, qui sont voisins, sont inondés, mais les rez-de-chaussée sont intacts. La municipalité de Lacolle leur a demandé à plusieurs reprises de quitter leurs maisons. «Mais si on part, il faut couper l'électricité. Et à ce moment, on perdrait tout», dit Pierre.

Gérard estime être «mis de côté» par la municipalité. «On fait des tournées pour voir si ça va, mais on ne nous aide pas vraiment.» Pierre, lui, trouve le temps long. «Il n'y a rien à faire. Juste pour aller faire une commission, c'est très compliqué! On est isolé. On s'ennuie. Le pire, c'est que je pense que l'eau ne se retirera pas avant deux semaines au moins», dit-il.

M. Robidoux étire la conversation. Il ne veut pas nous laisser partir. Il parle des agriculteurs d'à côté, qui, mystérieusement, ne sont pas inondés. Dis que Lacolle a été parmi les premières villes inondées, mais que l'aide a été très longue à venir. Quand les représentants de La Presse repartent, il crie: «Revenez quand vous voulez! On n'est pas sorteux!»

La municipalité de Lacolle n'a pas rappelé La Presse, hier.