Après avoir pris leur retraite de la Ville de Montréal, les ingénieurs Gilles Surprenant et Luc Leclerc - qui va bientôt donner sa version des faits à la commission Charbonneau, a appris La Presse - ont tous deux été embauchés par des firmes privées qui reçoivent de nombreux contrats publics, dont plusieurs de leur ancien employeur.

Du 20 juin 2011 au 14 septembre 2012, Gilles Surprenant était chargé de projet en génie civil pour l'entreprise québécoise Cegertec WorleyParsons, qui fait affaire avec plusieurs villes, ministères et sociétés d'État. Durant son mandat, celui que l'on surnomme monsieur TPS a notamment été responsable d'un projet de réfection et de réaménagement de l'île Sainte-Hélène et du circuit Gilles-Villeneuve. «Nous avons gagné le contrat dans les règles par appel d'offres avec prix, affirme André Tousignant, directeur des communications de l'entreprise. Il est toutefois probable que le curriculum vitae de M. Surprenant ait figuré dans la proposition, comme c'est généralement le cas pour les chargés de projet.»

Embauché à cause d'un surplus de travail, l'ex-ingénieur de la Ville de Montréal a été remercié à la mi-septembre «parce que plusieurs projets étaient terminés», explique M. Tousignant. «Sur le plan des compétences, nous n'avons rien à lui reprocher. Nous savions qu'il était un ancien de la Ville, mais il a respecté les normes d'éthique et les délais de prescription», assure-t-il.

Luc Leclerc va témoigner

En ce qui concerne Luc Leclerc, La Presse a appris qu'il a été embauché par Construction Soter, de Laval. Il travaillait sur un chantier d'asphaltage de l'autoroute 520 à Montréal en 2011. Construction Soter avait remporté ce contrat attribué par le ministère des Transports du Québec. Luc Leclerc agissait à titre de représentant de cette entreprise qui obtient de nombreux contrats d'infrastructures, notamment à la Ville de Montréal.

Hier, personne n'était disponible chez Soter pour commenter l'affaire. Joint en soirée, Luc Leclerc a affirmé n'y avoir travaillé que trois mois et être désormais à la retraite. Il a aussi précisé qu'il a travaillé pendant 18 ans à la Communauté métropolitaine de Montréal, puis pendant 20 ans à la Ville de Montréal. Il a toutefois refusé de confirmer ou de nier les propos de Lino Zambito. Il a seulement démenti le fait que la famille Catania aurait construit sa maison. «C'étaient mes voisins, c'est tout. Mais je vais réserver mes commentaires pour la Commission», a-t-il dit, en indiquant au passage qu'il demeure serein malgré la tempête qui le secoue.

Gilles Surprenant et Luc Leclerc ne sont pas les seuls à avoir été repêchés par des firmes privées. Robert Marcil, leur ancien patron à la Ville de Montréal, s'est retrouvé à la firme d'ingénieurs-conseils Groupe SM quelque temps après sa démission de son poste de directeur de la réalisation des travaux. M. Marcil avait fait les manchettes à la suite d'un voyage en Italie à l'invitation de l'entrepreneur Joseph Borsellino (Garnier Construction) en compagnie de Jocelyn Dupuis, ex-DG de la FTQ Construction, et d'Yves Lortie, alors chez Génivar. Robert Marcil avait aussi embauché Caterina Milioto à la Ville de Montréal en 2006, selon les recommandations de son père Nicolo Milioto. Devant la commission Charbonneau, M. Milioto a été décrit comme un intermédiaire entre la mafia et les entrepreneurs qui font des affaires à Montréal. Caterina Milioto a aussi quitté son emploi de fonctionnaire en octobre 2010 pour la même firme, Groupe SM.

Cette longue liste d'employés ou de responsables de la Ville embauchés par des firmes privées comprend aussi Jacques Gagnon (Cima "), Robert Cassius de Linval (Béton Brunet), Frank Zampino (Dessau, dont il a démissionné peu après), Yves Provost (BPR) et Jacques Beaudry (Dessau).

La Presse a tenté en vain à plusieurs reprises de joindre Gilles Surprenant.