Le colonel à la retraite Michel Drapeau, avocat spécialisé en droit militaire, appelle l'armée à déclencher une enquête indépendante sur la mort soudaine, en moins de quatre mois, de quatre jeunes élèves ou récents diplômés du Collège militaire royal du Canada (CMRC).

L'ancien officier estime que la situation est trop grave pour la laisser entre les mains des instances habituelles des Forces armées, qu'il juge peu transparentes. « C'est une crise, c'est littéralement une crise », a-t-il évalué.

« Quatre cas en quatre mois, je trouve ça extrêmement troublant. Il faut absolument trouver des réponses », a dit Me Drapeau à La Presse en entrevue téléphonique. « Je ne m'attends pas à ce que les autorités militaires nous donnent ces réponses-là. »

Seule solution, selon lui : « Ça prend un examen externe, avec des experts, qui vont [...] parler à des jeunes en toute confidence. »

L'avocat représente régulièrement des familles d'élèves-officiers qui ont maille à partir avec le CMRC. Certains ont de la difficulté à quitter l'établissement après avoir décidé de changer de voie ou pour des raisons médicales. Pour les ressources humaines de l'armée, l'élève qui fait une telle demande, « pour eux, c'est un militaire. On ne s'attarde pas à dire que c'est un militaire en formation académique qui a 19 ans », a déploré l'avocat.

La détresse psychologique entre les murs du Collège militaire, donc, « ça ne me surprend pas, mais ça me choque éperdument », a-t-il dit.

« TROUVER LA CAUSE VÉRITABLE »

Deux groupes de militaires - réunis en « commissions d'enquête » - ont été chargés de faire la lumière sur ces morts. Le premier doit éclaircir la mort de Harrison Kelertas, Brett Cameron et Matthew Sullivan, tous élèves-officiers à Kingston. Le second se penche sur le suicide d'Éric Leclerc, qui avait obtenu son diplôme en janvier dernier. Il a été retrouvé sans vie en juin dernier à la base militaire Borden.

La semaine dernière, le grand patron du Collège a affirmé en entrevue s'en remettre à ces enquêtes pour comprendre ce qui s'est passé entre les murs de son établissement.

Mais ces commissions sont pleines de défauts, a dit Me Drapeau. Elles sont souvent longues, et la participation des familles des défunts y est limitée. Le rapport n'est pas toujours transmis dans son entièreté aux proches endeuillés.

D'où la nécessité de confier une enquête à une personne ou un groupe de personnes qui n'évoluent pas dans l'armée. « Tout comme on fait dans une enquête du coroner », a-t-il comparé, « afin de trouver la cause véritable du décès d'une personne et, dans un deuxième temps, de faire des recommandations qui pourraient prévenir d'autres décès ».

« Si on n'est pas capables de sonner l'alarme après quatre, quand allons-nous le faire ? Au cinquième ? Au sixième ? », a dit Me Drapeau. « Qu'est-ce qu'il y a à Kingston qui est si troublant, qui mène certains jeunes à commettre cet acte-là ? Il faut se poser la question. Ce n'est pas un accident. Ce n'est pas une coïncidence. »