Alors que les chauffeurs de taxi dans plusieurs villes du pays multiplient les sorties contre l'arrivée du service UberX, le commissaire à la concurrence, John Pecman, plaide au contraire pour une plus grande concurrence dans ce secteur, qui aurait aussi avantage à subir une cure en matière de réglementation.

M. Pecman estime qu'une plus grande concurrence dans cette industrie du transport alimentera l'innovation et augmentera la qualité des services. Les consommateurs sortiront assurément gagnants de cette nouvelle dynamique, selon lui.

Le commissaire à la concurrence doit déposer aujourd'hui un «livre blanc» sur cette épineuse question qui fait les manchettes depuis quelques mois déjà, a appris La Presse. «Les deux modèles d'affaires, le traditionnel et le nouveau, peuvent coexister afin de répondre aux divers besoins des passagers payants. En fait, les organismes de réglementation devraient non seulement permettre les services de covoiturage, mais aussi alléger les règles applicables aux taxis traditionnels de manière à leur accorder toute la souplesse voulue pour livrer concurrence», écrit le commissaire fédéral dans une lettre à La Presse.

M. Pecman a précisé que l'organisme qu'il dirige depuis 2013 avait recommandé à l'ensemble des municipalités du pays de miser sur le cheval de la concurrence au lieu de mettre des bâtons dans les roues des entreprises telles qu'UberX ou encore Lyft qui, selon lui, sont susceptibles d'offrir aux Canadiens «du choix, de bons prix et des services de qualité».

Au lieu d'interdire la concurrence, les municipalités devraient alléger la réglementation «inutilement lourde» qui régit l'industrie du taxi, notamment les tarifications rigides et les restrictions sur le nombre de taxis en service.

«Il est souvent nécessaire de réglementer pour assurer la sécurité et la protection des consommateurs, mais les organismes de réglementation ne devraient pas réglementer outre mesure. Ils devraient se fier au libre jeu du marché autant que possible, afin que la concurrence soit le moteur de la croissance et de l'innovation», soutient le commissaire fédéral dans sa lettre publiée dans la section Débats.

«Heureusement, certaines municipalités ont choisi la voie de l'innovation. Elles innovent afin que leurs résidents puissent profiter des avantages concurrentiels des applications de covoiturage parallèlement aux services de taxi déjà en place. Elles sont sur la bonne voie.»

M. Pecman donne l'exemple de l'arrivée sur le marché des DVD. «Au début des années 2000, personne ne parlait d'interdire les DVD pour protéger les fabricants de magnétoscopes et de cassettes vidéo. Nous avons plutôt accueilli l'innovation et profité de la qualité supérieure des DVD. Mais alors, pourquoi certains organismes de réglementation prennent-ils des mesures pour interdire les applications de covoiturage?», s'interroge-t-il.

«Notre message se résume à ceci: fixez de nouvelles règles pour tous les joueurs. N'imposez pas la réglementation actuelle aux services de covoiturage», enchaîne-t-il.

Les commentaires du commissaire Pecman risquent d'alimenter le débat houleux qui a cours dans plusieurs villes du pays quant aux tentatives d'UberX de s'implanter dans les grands marchés. Encore hier, quelque 300 chauffeurs de taxi venant de plusieurs villes du Québec ont convergé vers l'hôtel du Parlement afin d'exprimer leur opposition à l'implantation du service UberX, déjà présent dans près de 40 villes au Canada, dont Montréal, Laval et Longueuil.

Le porte-parole du Comité provincial de concertation et de développement de l'industrie du taxi, Guy Chevrette, a fait valoir hier que le gouvernement du Québec, même s'il a déjà statué que ce service était illégal, n'avait pas encore adopté de mesures pour l'encadrer, voire l'interdire. «Il faut absolument une législation qui dirait que celui qui chauffe un taxi de façon illégale, qui n'a pas payé sa licence et les assurances responsabilité pour les citoyens et qui fait de l'évasion fiscale aussi, on suspend le permis», a-t-il soumis hier.

Pour sa part, le ministre des Transports, Robert Poëti, a répété que le service offert par UberX était illégal et constituait une concurrence déloyale. «Il s'agit d'un transport commercial rémunéré. J'ai toujours les mêmes propos, on va continuer à contrer cette façon de faire. On a été clairs, j'ai invité les gens d'UberX à venir demander ou acheter un permis d'intermédiaire de taxi, de faire des propositions qui rentrent dans la légalité.»

- Avec La Presse Canadienne

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Pour consulter le Livre blanc sur le taxi publié jeudi matin par le Bureau fédéral de la concurrence:

http://www.bureaudelaconcurrence.gc.ca/eic/site/cb-bc.nsf/fra/04006.html