Une agence d'adoption québécoise qui fait affaire dans quatre pays de l'ancien bloc soviétique fait l'objet d'une enquête en raison de pratiques jugées «préoccupantes» par le gouvernement.

Pour les couples en pleines démarches d'adoption, c'est un coup dur: toutes les adoptions organisées par l'Alliance des familles du Québec sont suspendues jusqu'à la conclusion de l'enquête, qui porterait sur les pratiques financières de l'organisme.

«Une suspension, pas une révocation»

Le 21 avril, le ministre de la Santé et des Services sociaux a suspendu les agréments de l'Alliance des familles du Québec pour travailler au Kazakhstan, en Arménie, en Bulgarie et en République kirghize. «Des vérifications sont en cours concernant des informations préoccupantes sur les pratiques de l'organisme», se limite à dire la porte-parole du ministère de la Santé, Marie-Claude Lacasse.

Durant la période de suspension, l'Alliance des familles du Québec n'est pas autorisée à procéder aux démarches d'adoption pour ses clients. Une dizaine de couples seraient touchés. «On examine des pistes de solution pour ces familles», dit Mme Lacasse. Les dossiers seront transférés et pris en charge par le Secrétariat à l'adoption internationale (SAI) à partir du 29 avril.

«C'est une suspension, ce n'est pas une révocation», précise Brigitte Lapensée, présidente de l'Alliance des familles du Québec. Elle refuse pour le moment d'en dire davantage, sinon qu'elle est bénévole, tout comme les autres membres de l'agence. «En six ans, j'ai reçu un salaire pendant six mois. C'est totalement par passion que je fais ça, mais je vous dirais que ma passion commence à s'émousser...

«On fait ce qu'on peut avec les moyens qu'on a. On est un organisme à but non lucratif. On n'a pas de moyens et on n'a pas de soutien», ajoute-t-elle amèrement.

Surprise dans le milieu

Dans le milieu de l'adoption, la nouvelle de cette enquête a surpris. L'Alliance des familles du Québec n'est pas considérée comme la plus opaque ni la plus amatrice des agences d'adoption de la province, selon Jean-François Chicoine, directeur de la clinique d'adoption et de santé internationale du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.

«Mais le Kazakhstan, c'est un pays dans lequel il faut faire beaucoup plus attention que d'autres. Les bébés sont très problématiques», dit le Dr Chicoine. Bon nombre des enfants kazakhs offerts en adoption à l'étranger souffrent notamment du syndrome de l'alcoolisme foetal.

Selon Mme Lapensée, les choses ont toutefois changé - pour le mieux - depuis que le Kazakhstan a signé la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, en 2010. «Avant La Haye, les parents recevaient une proposition d'enfant sur place. Les autorités leur présentaient trois enfants et ils choisissaient.»

Cette pratique controversée n'a plus cours, assure Mme Lapensée, qui admet cependant qu'«il y a plein de diagnostics qui se retrouvent dans les rapports médicaux des enfants (offerts en adoption) au Kazakhstan et dans d'autres pays postsoviétiques qui n'ont pas de rapport» avec l'état de santé réel de ces enfants.

Cela dit, le ministère de la Santé tient à rassurer les parents adoptifs: la conformité des adoptions déjà effectuées avec l'Alliance des familles du Québec n'est absolument pas remise en cause. «Il n'y a pas d'adoptions qui vont être déclarées non valides», assure Mme Lacasse.