Le bruit des sabots résonne moins qu'à l'habitude dans le Vieux-Montréal. Et la tendance pourrait se poursuivre. Non seulement les touristes américains sont-ils plus rares, mais la Ville est déterminée à réduire le nombre de calèches dans le quartier.

Il y a deux ans, une cinquantaine de calèches sillonnaient les rues de la vieille ville. Cet été, il n'y en a que 30. La Ville a racheté les permis de plusieurs à bon prix et, d'ici l'automne, elle espère réduire leur nombre à 20.

La Ville se défend de vouloir éliminer les cochers, dont la réputation n'a pas toujours été reluisante. «En réduisant le nombre de calèches dans le Vieux-Montréal, les salaires des cochers vont augmenter, soutient le porte-parole de la Ville de Montréal, Philippe Sabourin. Ils pourront offrir un meilleur service.»

La présidente de l'Association des résidants du Vieux-Montréal, Ginette Major, approuve. «Si on diminue le nombre de calèches, on minimise les problèmes. Les cochers étaient trop nombreux pour faire de l'argent. S'ils avaient plus de moyens, ils pourraient au moins mieux s'habiller. »

C'est que les cochers ont longtemps eu la réputation d'être de joyeux fêtards. Mme

Major affirme toutefois que leur attitude s'est grandement améliorée depuis deux ans.

«On avait des tonnes de plaintes. Maintenant, nous n'en avons plus.»

Partie du patrimoine

Le plan de la Ville ne fait pas l'unanimité. «Elles font partie du quartier. Elles devraient avoir bien plus de place, affirme un propriétaire de dépanneur de la rue de la Commune, qui s'insurge devant la diminution des calèches devant son commerce. La Ville n'arrête pas de parler de patrimoine, mais il y a de moins en moins de chevaux.»

Mais voilà, pour les nombreux cochers, le boulot manque. Particulièrement cet été, alors que le prix de l'essence et la valeur du dollar américain nuit grandement au tourisme. «Il n'y a plus d'Américains cette année! déplore Maxime, cocher stationné près de la basilique Notre-Dame. Ils ont une vraie culture de la calèche. Aussitôt qu'ils descendent de l'avion, ils viennent directement dans le Vieux-

Montréal.»

Jean-Sébastien fait partie de ceux qui soignent leur apparence et qui veulent briser les préjugés envers les cochers de Montréal. Avec son costume d'époque noir, il est souvent le premier choisi par les clients. «Les cochers qui prennent un coup, on n'en veut plus, dit-il en mangeant un sandwich. Maintenant, ceux qui restent, ce sont les meilleurs. Il n'y a presque plus d'ivrognes. Auparavant, c'était commun. Je suis écoeuré de la mauvaise presse.»

Mais la «guerre de cochers» n'est pas finie, selon la jeune cochère Carine Daoust. Elle se dit harcelée par certains collègues. « Au début, j'en braillais », dit-elle.

À deux reprises en un mois, elle affirme avoir été victime de sabotage de la part de ses confrères. «Ils faisaient exprès pour que j'attrape des tickets et pour que je brise ma calèche. Ce sont les cochers qui boivent ou qui ont un problème de jeu qui me causent des ennuis. Ils veulent plus d'argent.»

Au pied de la basilique Notre-Dame, assis dans sa calèche, Pierre attend un client. Durant l'année scolaire, il étudie les arts visuels. «Conduire un cheval dans le trafic, c'est un stress intense. Ça prend un caractère spécial pour faire ce travail. C'est un monde de gitans en marge de la société», soutient-il.