Depuis des mois, le Parti conservateur met tout en oeuvre pour éviter que le comité de l'éthique convoque des témoins pour étudier ses dépenses électorales. Mais, lundi, le responsable de la campagne nationale des conservateurs s'est d'abord présenté sans invitation pour ensuite être expulsé du comité parce qu'il refusait de quitter volontairement la salle.

Doug Finley, le directeur de la campagne nationale des conservateurs, a été escorté hors de la salle du comité par des agents de sécurité du Parlement, du jamais vu dans l'histoire récente des Communes.

Devant le regard ahuri des députés, M. Finley est demeuré silencieux et impassible devant les demandes répétées du président du comité, le libéral Paul Szabo, qui lui demandait poliment de quitter les lieux comme l'en avait décidé la majorité du comité.

Les députés conservateurs ont eu beau s'objecter vivement et réclamer à grands cris le témoignage de M. Finley, ils ont dû s'incliner devant la majorité formée par l'opposition.

Les députés d'opposition ont expliqué qu'ils tenaient à entendre les candidats de l'élection de 2006 et leurs agents officiels avant de pouvoir poser des questions aux organisateurs.

Le responsable de la campagne électorale du Parti conservateur avait été invité à témoigner ce mercredi, au même moment où d'autres organisateurs conservateurs ont été convoqués.

Mais rien n'indique maintenant que les organisateurs conservateurs se plieront à la volonté du comité. En sortant du comité, M. Finley a expliqué qu'il n'était pas disponible le reste de la semaine et qu'il «doutait fortement» de pouvoir se présenter à nouveau devant le comité.

Dans la déclaration qu'il avait préparée et qui a été distribuée aux médias, M. Finley note de plus que «les témoins du Parti conservateur ne répondront donc à aucune question» portant sur les dépenses électorales puisque ces questions sont actuellement devant les tribunaux.

Lundi, le président du comité ne savait toujours pas si les futurs témoins convoqués allaient se montrer le bout du nez, bien que la plupart ait reçu un document parlementaire similaire à une citation à comparaître.

«D'une part, il faut leur envoyer des «subpoenas» pour les amener ici, d'autre part il y en a qui arrivent ici et il faut leur donner des sergents d'arme pour les sortir. Vraiment, ils (les conservateurs) ont l'air d'être au-dessus des lois et de se moquer des règlements de la Chambre et ça, c'est dommage», a résumé la députée bloquiste Carole Lavallée.

Le comité étudie le stratagème de transfert de dépenses qui aurait permis au Parti conservateur d'excéder le plafond des dépenses électorales admises lors de l'élection de janvier 2006.

Soixante-sept candidats, dont 17 ont été élus et siègent actuellement aux Communes, ont fait l'objet de transferts de dépenses avec leur maison mère, des transferts totalisant environ 1,3 million $. L'argent a servi à défrayer les coûts de publicités nationales des conservateurs lors de la dernière campagne électorale.

Le stratagème, qui est sous enquête par Elections Canada, aurait pu permettre au Parti conservateur de dépasser le plafond des dépenses électorales permises d'environ 1,3 million $.

Tout le brouhaha entourant le coup d'éclat de M. Finley a eu pour effet de faire oublier les témoignages d'anciens candidats conservateurs qui avaient accepté d'offrir leur version des événements aux parlementaires.

Gary Caldwell explique que c'est un organisateur du parti qui a offert de transférer un montant d'argent dans le compte de sa campagne, montant qui est ressorti quelques jours plus tard. Jamais le candidat ou son agent officiel n'ont eu de contrôle sur l'argent et ils n'ont pas dépensé un sou de cette somme.

Joe Goudie, un ancien ministre provincial de Terre-Neuve, a offert un témoignage similaire.

Les deux hommes ont aussi indiqué avoir été contactés par le Parti conservateur qui souhaitaient que les anciens candidats limitent leurs commentaires aux médias lorsque toute cette affaire s'apprêtait à devenir publique.

M. Caldwell n'a visiblement pas avalé ce mot d'ordre, lui qui n'hésite pas à raconter son histoire dès que l'occasion se présente. Après son témoignage, lundi, l'ex-candidat de Compton-Stanstead s'est dit «accablé» par le spectacle offert lundi par les députés conservateurs, qui ont multiplié les rappels au règlement afin de retarder les travaux.

«Aujourd'hui, on s'est retrouvé devant une situation où il y a eu un sérieux manque de respect de nos institutions parlementaires», a déploré M. Caldwell.

Les conservateurs soutiennent pour leur part que le comité ne devrait pas étudier une question qui se trouve devant les tribunaux.

«C'est une vraie farce, a lâché le député conservateur Gary Goodyear. C'est un malhonnête simulacre de tribunal.»