Un Québécois aux fourneaux à Doha? Oui! Et qui plus est dans un hôtel tout à fait accessible en plein coeur d'une ville où le luxe ne semble pas avoir de limites.

Avec son accent à mi-chemin entre celui de la France et du Québec, Hugo Coudurier se dévoile dès qu'il parle. Né d'une mère québécoise et d'un père français, il a grandi à Québec, travaillé aux côtés de Daniel Vézina avant de partir pour la France à 17 ans afin de parfaire sa formation de chef.

En France, il a officié avec le chef Guy Savoy, qui lui a par la suite confié les cuisines de son établissement de Las Vegas. Au fil des rencontres, le jeune chef de 32 ans s'est retrouvé à Doha il y a plus d'un an. Le restaurant qu'il dirige aujourd'hui, le Yum Yum, loge au 10e étage de l'hôtel K-108.

Le menu qu'il propose varie, mais lors de notre passage en février, tant des résidants de l'hôtel que des Qataris vêtus des habits traditionnels s'y attablaient. Soupe au saumon et au fenouil, foie gras au torchon et mérou (appelé "hammour" au Moyen-Orient) avec sauce à la vanille et au pamplemousse s'affichaient sur le menu.

C'est toutefois avec de l'eau ou du jus qu'il faut déguster ces plats. En accord avec les principes des propriétaires qataris, aucun alcool n'est servi. «C'est le seul truc qui m'a fait hésiter à venir, dit Hugo Coudurier. Mais c'était leur décision. Je croyais au restaurant et les propriétaires m'ont fait comprendre que si on avait des difficultés à cause de ça, c'était leur problème, pas le mien.»

Jusqu'ici, le pari a payé. Le site TripAdvisor classe Yum Yum parmi les trois meilleurs restaurants de Doha, un tour de force quand on sait que Gordon Ramsay et Alain Ducasse se sont déjà installés en ville.

Il faut dire que dans une cité où les Bentley côtoient souvent les Mercedes, manger aussi bien à moins de 50$ relève de l'exploit.

Un hôtel sans but lucratif

Le Yum Yum ne se trouve pas dans un hôtel ordinaire. Ouvert en 2012, l'hôtel K-108 donne la totalité de ses profits à un organisme de charité. Le propriétaire de l'hôtel, également ministre des Finances du Qatar, a hérité du terrain de son père, qui souhaitait qu'il serve à une bonne oeuvre.

«Chaque musulman croit que l'on doit redonner aux autres, explique Marius Abbouchy, directeur de la société qui gère l'établissement. Les profits vont pour la construction d'une école au Yémen.»

L'hôtel-boutique compte 108 chambres louées à environ 108$ CAN la nuit. «C'est le même prix 365 jours par année. Je m'en fiche si c'est la haute saison et que Doha est plein, le prix ne change pas», souligne Marius Abbouchy, qui déplore le manque d'hôtels abordables dans la ville.

Situé à deux pas du souk de Doha, l'établissement est au coeur de ce que Marius Abbouchy appelle le «vieux Doha»... un secteur construit dans les années 50!

«Je n'oublie jamais où je suis, dit-il. Le quartier où le Ritz est situé a été construit récemment. Ici, le quartier existait et on a mis l'hôtel dessus.»

Vrai que le quartier Old Al Ghanim a quelque chose d'authentique dans ce Doha où tout est neuf et poli. C'est ce quartier, dit Hugo Coudurier, qui rend la ville particulièrement intéressante.

Pour en faire la démonstration, le chef quitte la salle à manger de son restaurant et nous entraîne quelques portes plus loin, dans son bureau. Il se penche à la fenêtre ouverte et nous invite à jeter un coup d'oeil en bas, où on voit des matelas posés sur le sol et des gens qui discutent dans une rue mal éclairée.

C'est le Doha que les touristes ne voient presque pas, celui des travailleurs immigrants venus de l'Inde, du Pakistan, de l'Afghanistan et du Népal.

Pour un chef qui fréquente les bouis-bouis du coin et qui croit que l'avenir en restauration ne passe pas seulement par la haute gastronomie, l'endroit est bien choisi.

Les frais de ce reportage ont été payés par Qatar Airlines.