La réputation des barbecues coréens n'est plus à faire... et n'est pas surfaite si l'on choisit les bonnes adresses. Virée avec un professionnel à la tombée de la nuit dans les rues de Séoul.

Joe McPherson a beau être américain, le barbecue coréen n'a plus de secret pour lui. Depuis son arrivée à Séoul, il y a un peu plus de 10 ans, il ne s'écoule pas une semaine ou presque sans qu'il arpente les rues de la ville à la recherche des meilleurs et des plus authentiques bouis-bouis qu'il pourra ensuite faire découvrir aux clients de ses visites guidées à la tombée de la nuit. Son terrain de jeu favori est à la sortie de la station Mapo, dans le sud-ouest de Séoul, loin des sentiers normalement battus par les touristes.

Dans le dédale de rues gravelées, bordées de gargotes et de petites échoppes aux enseignes lumineuses, il ne faut pas chercher d'indications en anglais - elles sont souvent bourrées de fautes (au point d'en être incompréhensibles). Pour trouver les restaurants spécialistes du barbecue, il faut chercher du regard les femmes en tablier s'affairant déjà, bien avant l'heure du premier service, à réchauffer les charbons qui seront placés au centre des petites tables rondes des clients qui viendront fêter ici la fin de leur journée de travail.

Le menu classique comprend de fines tranches de boeuf maigre et d'épais morceaux de flanc de porc à cuire soi-même sur une grille circulaire posée sur des charbons ardents, autour de laquelle l'on verse, dans une petite rigole, un mélange d'oeufs battus qui cuira doucement avec le jus de la viande s'y écoulant. «On ne voit pas ça partout, c'est assez ingénieux et surtout très, très bon, dit Joe McPherson. C'est en partie pour ça que j'aime tant ce secteur.»

Sur la table, après un énième passage de la serveuse, c'est à peine si l'on trouve de la place pour poser un verre d'eau sur la table remplie des condiments d'usage: kimchi, gousses d'ail crues, poireau ciselé, sauces à base de soya, de haricots ou de piments forts, sans compter les bols de soupe et de riz pour chacun des convives. Pas de couteau, pas de fourchette, on récupère avec les baguettes en métal coréennes un morceau de viande pour le déposer au creux d'une feuille de sésame sauvage (aussi appelé perilla ou shiso) au goût très parfumé. On la garnit à sa guise, puis la replie et l'engloutit en une seule bouchée. Comme les voisins des tables adjacentes, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, qui ne sont visiblement pas ici pour le décor - quel décor? -, ni pour le service attentionné. C'est l'odeur de la viande qui attire les amis après le boulot.

La virée est loin d'être terminée. «Les Coréens se limitent rarement à un seul arrêt lorsqu'ils sortent le soir», explique Joe McPherson. Le prochain permettra de découvrir un autre classique inimitable de la cuisine coréenne: le makguksu. Faute d'avoir été prévenu, l'étranger pourrait croire à une mauvaise blague en recevant son plat. Les nouilles de sarrasin reposent dans un bol de bouillon tout juste sorti du congélateur, une sorte de slush au boeuf. Il y a un peu de daikon râpé, des algues sèches ciselées, mais le plat - ultra rafraîchissant en été - est d'une simplicité désarmante et son intérêt repose essentiellement sur la qualité du bouillon et des pâtes. Fraîches, elles sont un peu élastiques, légèrement coriaces sous la dent. Heureusement qu'on fournit les ciseaux pour les couper dans le bol!

Pour finir la soirée en prenant quelques verres, c'est dans un bar surplombant le marché Bindaeddeok que le guide culinaire aime aller. Il commande du maegkuli, un alcool des campagnes à base de riz, non filtré, aromatisé différemment selon les régions (au sarrasin ou à la châtaigne, par exemple), légèrement sucré et effervescent. Avec ses 4 à 6% d'alcool, le maegkuli est plus agréable à siroter que le soju dépassant souvent les 20% d'alcool. Le hic? Il faut - encore! - commander à manger pour pouvoir boire. Chaque bar a ses «tapas», petits plats en tous genres à partager et, ici, ça signifie tout, mais alors absolument tout ce qui entre dans une friteuse: des rondelles de courgette aux huîtres fraîches en passant par des tranches de foie et même des sandwichs de pain blanc!

Pour explorer le secteur des barbecues du Mapo: sortir à la station de métro du même nom, sur la ligne 5, Tojeong-ro-37-gil.

Les frais de transport ont été payés par l'Office du tourisme coréen.

Photo Violaine Ballivy, La Presse

Des aubergines, des saucisses, des fruits de mer et même des grilled cheese entiers! Rien n'échappe à la friture dnas ces kiosques du secteur Mapo. 

Démystifier le kimchi

Impossible d'y échapper, même au petit déjeuner, le kimchi est aux Coréens ce que le ketchup est aux Américains et la moutarde aux Allemands: le fidèle allié qui rehausse tous les plats.

Inventé par nécessité pour préserver les légumes pendant l'hiver avant l'invention du réfrigérateur, le kimchi est obtenu par la fermentation de légumes - le plus souvent du chou chinois, mais tout y passe au fil des récoltes: concombre, daikon, courgettes, aubergines, etc. - avec du piment fort et du sel.

«Il y a plus de 100 types de kimchi, et autant de recettes que de familles», explique Jia Choi, professeure de cuisine à l'école O'ngo Foods, à Séoul. On le consomme cru, mais aussi cuit, en crêpes ou en ragoût. «Même si l'on en trouve prêt à manger dans les supermarchés, les Coréens continuent d'en faire à la maison. Ma mère et moi en avons fait une centaine de pots l'automne dernier!», dit-elle. Les Coréens disposent même très souvent d'un petit réfrigérateur séparé où ranger leur précieux condiment et assurer une fermentation optimale.

Pour apprendre à préparer et cuisiner quelques spécialités coréennes: ongofood.com.

Photo Violaine Ballivy, La Presse

Parce que tout le monde n'a pas le temps de préparer son kimchi à la maison, on en trouve facilement en vente dans les marchés publics, préparés avec une multitude de légumes différents. 

5 coups de coeur culinaire à Séoul

Joshua Foreman, 31 ans, a passé la dernière décennie à Séoul. Originaire du Mississippi, il a d'abord travaillé à l'instar de tant d'autres étrangers comme professeur d'anglais, avant de passer à la rédaction de chroniques culinaires pour le magazine anglais Groove Korea. Il nous livre ses incontournables.

Noryangjin 

Inauguré en 1937, le marché de poisson de Noryangjin est le plus grand du pays, et certainement l'un des plus spectaculaires. Pas moins de 800 kiosques y écouleraient quelque 800 produits de la mer: ça sent fort, ça parle fort, ça surprend et ça dépayse sérieusement. C'est l'endroit idéal pour manger sur le pouce des poissons et des crustacés d'une fraîcheur irréprochable, servis crus, grillés ou frits pour une bouchée de pain. «Les prix varient beaucoup d'une saison à l'autre, mais il y a toujours de bonnes affaires à faire», dit Joshua Foreman. N'oubliez pas votre appareil photo.

Station de métro Noryangjin, sortie 1

Kolmok Naengmyeon

Une adresse minuscule, où l'on mangerait, paraît-il, les meilleurs bibimbaps en ville, plat incontournable s'il en est un de tout séjour en Corée. Le secret? «Une grande variété de légumes frais», explique Joshua Foreman. Des algues, des courgettes, des fèves germées, du chou, de la laitue, des champignons, des carottes, du concombre, des graines de sésame, le tout surmonté d'un oeuf et de boeuf bien assaisonné sur un lit de riz collant. On mélange le tout avec l'inimitable pâte de chili coréenne en prenant soin d'écraser le riz avec sa cuillère pour que se mélangent bien les saveurs. «À 5$, on a un excellent repas santé», remarque Joshua Foreman. Testez la version «dolsot» servie dans un bol en pierre brûlant pour goûter la galette de riz chaud qui se forme au fond du plat.

Dobong-ro 13-gil,  Kangbuk-gu

Damotori Heeut 

En France, on en parlerait comme d'une chouette buvette pour prendre l'apéro: Heeut est l'un de ces petits troquets où il fait bon se réunir après le boulot où, au lieu de trinquer au vin rouge, l'on déguste du maegkuli, un alcool traditionnel des campagnes à base de riz non filtré, légèrement sucré et effervescent. «Ce bar, chaleureux et authentique, en sert une vingtaine de variétés», dit Joshua Foreman. Un endroit de choix pour faire une dégustation et tester les subtilités de la boisson telle que préparée d'une région à l'autre. D'autant plus que plusieurs variétés sont difficiles à trouver en épicerie.

44-18 Yongsan-dong 2-ga, Yongsan-gu

Omori Chiggae 

Tous les kimchis ne s'équivalent pas, et celui servi dans ce restaurant entre dans une classe à part, fermenté pas moins de 24 mois avant d'atterrir dans l'assiette des clients! «Sa saveur est riche, complexe, plus vinaigrée que piquante», explique Joshua Foreman. On en prépare, ici, un ragoût agrémenté de tranches de flanc de porc, mélange de saveurs acides et salées, piquantes et grasses, qui rassasie pour 7$. À goûter aussi:  le jajangmeyon, un plat de nouilles nappé d'une épaisse sauce soya, très foncée, arrivée de Chine avec des immigrants en Corée au début du siècle dernier, mais toujours très populaire aujourd'hui.

183-2 Seokchon-dong, Songpa-gu

O'Kitchen 

Chouchou des expatriés, Itaweon est de ces quartiers où s'entremêlent pour le mieux les cultures du monde entier, enfilade bigarrée de restaurants et cafés de toutes origines: Chine, Moyen-Orient, Japon, Europe, alouette. O'Kitchen ne détonne pas dans ce décor, mariant cuisines française et italienne, avec quelques accents coréens. «Le résultat est très créatif, unique, et très fin à la fois, assure Joshua Foreman, visiblement conquis. C'est un peu cher, mais c'est l'un des meilleurs restaurants que j'ai testés de ma vie.» L'assortiment de sushis, avec du maquereau, un poisson très prisé des Coréens, est à tester sans hésiter, assure-t-il.

168-14 Itaewon-dong, Yongsan-gu