Assise aux côtés de deux de ses fils, Pan Xianying, une vieille femme fragile et ridée, ne ressemble pas de prime abord à une attraction touristique.

Et pourtant. La mère de sept enfants, âgée de près d'un siècle, est l'une des trois survivantes du Détachement féminin rouge, un groupe de femmes originaires de l'île de Hainan (sud) qui participa, dans la Chine des années 1930, à la lutte armée contre le Guomindang, le parti nationaliste au pouvoir.

Cette grande épopée féminine sert aujourd'hui à attirer les touristes dans un circuit mêlant Histoire et propagande révolutionnaire sur cette île tropicale, d'habitude plus connue pour ses plages et hôtels de luxe.

On peut voir Mme Pan dans sa maison très simple située dans une palmeraie de Hainan. En l'absence de registres de naissances fiables, sa famille estime son âge à 95 ans. Elle n'avait que 15 ans quand elle a rejoint le Détachement rouge, fort de 140 combattantes à l'heure de sa gloire.

L'ancienne soldate s'exprime dans un dialecte local, avec de brusques hausses de ton donnant l'impression qu'elle est confuse. «Elle ne se sent pas trop bien aujourd'hui», explique en s'excusant un de ses fils.

Aux visiteurs, ils racontent comment Mme Pan, la plus jeune recrue du Détachement, s'est une fois battue une journée et une nuit, perdant autour d'elle de nombreuses camarades.

Le récit met l'accent sur l'esprit de sacrifice et de camaraderie, ainsi que sur le sens de l'égalité qui régnaient dans le Détachement.

Le bataillon 100% féminin a été contraint de se dissoudre quand l'avancée des nationalistes a forcé les communistes à la clandestinité. Mais ses membres ont par la suite été qualifiées d'héroïnes, après la prise du pouvoir en 1949 par Mao Zedong.

Le Détachement féminin rouge a ensuite inspiré un célèbre ballet devenu une des «huit oeuvres modèles», les seules pièces, opéras et ballets tolérés par le pouvoir communiste.

Probablement la plus connue de ces oeuvres, le ballet fut notamment joué devant le président Nixon lors de sa visite historique en Chine en 1972.

Les autorités locales de Qionghai ont décidé de tirer parti de la renommée du Détachement féminin rouge en organisant ce circuit touristique, qui a attiré 360 personnes en avril.

Le «tour» passe par des sites «révolutionnaires» qui ont été parcourus par la jeune Armée rouge, l'un d'entre eux se limitant à un champ où des personnalités communistes se réunirent il y a fort longtemps.

«Quand les événements sont rapportés dans des livres, cela ne vous permet pas de sentir les choses», explique Zhao Kexin, un étudiant universitaire âgé de 20 ans qui a déboursé 138 yuans (20$) pour l'excursion sur les traces du Détachement rouge.

Les guides qui encadrent les visiteurs portent une casquette verte arborant l'étoile rouge, que l'on peut acheter pour 10 yuans (1,48 $). Les passionnés peuvent même investir dans l'uniforme révolutionnaire complet pour 100 yuans (14,79$).

Le tourisme révolutionnaire n'est pas une chose nouvelle en Chine: Shaoshan, ville natale de Mao dans la province du Hunan ou la base communiste de Yan'an dans la province du Shaanxi en sont déjà des hauts lieux.

Le 1er juillet la Chine célèbrera les 90 ans de la fondation du parti communiste chinois, cet anniversaire amplifiant le phénomène de «revival».

La municipalité de Chonqging, dans le centre-ouest de la Chine, a par exemple ordonné à la télévision et à la radio publiques de promouvoir l'enseignement à grande échelle de «chansons rouges» à la louange du parti communiste.

Chen Doushu, patron de l'agence qui organise le circuit de visite sur l'île de Hainan, affirme répondre à un besoin du public.

«Les Chinois ne peuvent pas oublier leur Histoire, et la meilleure façon de le faire est de se déplacer et de l'étudier. Voilà l'origine du tourisme rouge», déclare-t-il à l'AFP.