La paternité a sans doute des conséquences négatives sur la testostérone, mais elle pourrait éviter bien des ennuis aux hommes... Une étude publiée lundi soir montre en effet que les pères ont moins de risques de mourir d'une maladie liée au coeur que les hommes n'ayant pas eu d'enfant.

L'étude, réalisée conjointement par l'Association américaine des retraités (AARP), le gouvernement fédéral américain et plusieurs universités, est la plus importante jamais menée sur la fertilité et la mortalité masculine. Elle porte en effet sur près de 138 000 hommes.

De précédentes enquêtes ont montré que le mariage, le fait d'être entouré d'amis et même d'avoir un animal domestique pouvaient réduire les risques cardiaques. De la même manière, les enfants peuvent constituer une bonne raison de prendre soin de soi. En outre, il faut plutôt de bons gènes pour avoir un enfant: la stérilité peut être liée à une faiblesse génétique susceptible d'avoir des conséquences sur l'état du coeur.

«Il y a de plus en plus de preuves montrant que l'infertilité masculine est une fenêtre sur la santé future d'un homme, explique le docteur Michael Eisenberg, urologue à l'université de Stanford et spécialiste des questions de stérilité, qui a dirigé l'étude. Cela nous dit peut-être qu'il y a quelque chose d'autre dans leur impossibilité à avoir des enfants». L'enquête a été publiée lundi sur le site Internet de la revue «Human Reproduction».

La semaine dernière, une étude menée par des chercheurs philippins sur 600 hommes avait montré que la testostérone chutait lorsqu'un homme devenait père. Les hommes affichant le plus fort taux d'hormones étaient ceux qui avaient le plus de chances de devenir pères, suggérant qu'un faible taux pourrait refléter un problème de santé sous-jacent empêchant la reproduction, observe le docteur Eisenberg.

En général, il vaut mieux avoir un fort taux de testostérone, mais trop ou trop peu n'est pas bon signe non plus: cela peut entraîner une chute du bon cholestérol, le HDL, ce qui est un facteur-clef de développement des maladies cardiaques, explique le docteur Robert Eckel, ancien président de l'Association américaine de cardiologie (AHA) et professeur de médecine à l'université du Colorado à Denver.

«J'aime cette étude parce que j'ai cinq enfants», plaisante-t-il, avant de rappeler que de nombreux facteurs, comme le stress au travail, peuvent influer sur la santé et la décision d'avoir ou non des enfants.

Les chercheurs reconnaissent qu'ils n'ont pas pu mesurer d'autres facteurs, comme le stress, mais ils ont fait leur possible pour que l'étude soit la plus objective possible. Ainsi, ils ont commencé par étudier les dossiers de plus de 500 000 membres de l'AARP âgés de plus de 50 ans qui ont répondu à des enquêtes depuis les années 1990 pour un projet de recherche à long terme de l'Institut national du cancer.

Pour leur étude, ils ont exclu les hommes qui ne s'étaient jamais mariés, pour se concentrer sur ceux qui avaient le plus de chances de vouloir des enfants et d'en avoir. Ceux qui étaient atteints d'un cancer ou d'une maladie cardiaque ont également été écartés, pour ne conserver que les candidats en bonne santé au début de l'enquête.

Sur les 137 903 hommes restants, 92 pour cent étaient devenus pères. La moitié avait trois enfants, voire plus. Après une dizaine d'années de suivi en moyenne, environ 10 pour cent étaient morts. Les chercheurs ont calculé le taux de mortalité selon le nombre d'enfants et ont ajusté les résultats, en fonction du tabagisme, du poids, de l'âge, des revenus et d'autres facteurs. Ils n'ont constaté aucune différence dans les taux de mortalité des hommes avec ou sans enfant. En revanche, les papas avaient 17 pour cent de risques en moins de succomber à une maladie cardiovasculaire, que les hommes sans enfant.

Reste que les chercheurs ignorent combien d'hommes n'avaient pas d'enfant par choix ou parce qu'ils n'avaient pas pu en avoir. Ils ne savent pas non plus si leurs compagnes avaient un problème de stérilité pouvant expliquer l'absence d'enfant. Et ils n'avaient pas d'information sur la présence ou non de cholestérol ou de tension artérielle chez les sujets, des facteurs de risques importants.

Toutes ces interrogations mises à part, d'éminents cardiologues ont salué le large échantillon de l'étude, ainsi que les mesures prises par les chercheurs pour ajuster leurs résultats.

«Je pense que nous tenons là quelque chose» et les sciences sociales vont dans le même sens, souligne le docteur Eric Topol, cardiologue et généticien en Californie. «Que ce soit avec un animal, une épouse, ou par interaction sociale (...) toutes ces choses sont liées» à une meilleure espérance de vie.

«Il est biologiquement plausible qu'il y ait une connexion», note également le docteur Daniel Rader, directeur de cardiologie préventive à l'université de Pennsylvanie. Mais selon lui, le risque réduit attribué au fait d'avoir des enfants «est plutôt modeste». Et il n'est pas encore prêt à conseiller de faire des enfants aux hommes qui lui demanderaient des conseils pour éviter toute affection cardiaque...