Isabelle Brabant, elle-même sage-femme depuis plus de 30 ans, décrit son livre Une naissance heureuse comme «une sage-femme de poche». Vendu à plus de 40 000 exemplaires depuis 1991, l'ouvrage est la bible des nouvelles mamans québécoises. Dans la troisième édition, en librairie dès demain, l'auteure s'adresse aux filles de ses premières lectrices. Elle tente, avec une approche enveloppante, de répondre à leurs questions, de les accompagner, de susciter chez elles la réflexion, la créativité. Extraits d'entrevue en cinq mots.

Bonbon

«Il y a une commercialisation grandissante de la naissance. Les showers de bébé ont la cote. Repeindre une vieille commode ne se fait plus, on s'équipe à neuf. Pour un marketing efficace, la naissance devient donc un événement lisse et uniforme, heureux et bonbon. Où va la préparation de l'accueil d'un bébé à travers tout ça? Nulle part, on ne dit à quel point la naissance bouleverse. Plusieurs couples ne survivent pas à la première année de vie d'un bébé. La naissance s'inscrit dans la vie qui n'est pas un long fleuve tranquille.»

Échec

«Même si on souhaite un accouchement naturel, ce n'est pas toujours ce qui se produit. Ce n'est pas un échec pour autant, tout n'est pas noir ou blanc. L'important n'est pas d'avoir réussi son accouchement, à l'hôpital ou à la maison, avec ou sans péridurale. C'est la façon dont on est ensemble, dont on traverse les difficultés, qui compte. Il y a moyen de vivre un accouchement beau, qui corresponde à l'essentiel de ce qui nous importe, quelles que soient les conditions. Pour cela, on doit néanmoins s'engager.»

Douleur

«Pour les femmes qui travaillaient au champ, transportaient le bois pour le feu, l'effort de l'accouchement se fondait dans les exigences physiques de la vie. Aujourd'hui, tout est facilité. L'accouchement peut être considéré comme au-delà de nos forces. Or, il s'agit d'un effort extraordinaire tout à fait réalisable. La douleur peut être vue comme une agression, il faut plutôt y trouver un sens, un fil conducteur, visualiser la progression du bébé.»

Écologie

«L'arrivée du bébé n'est pas un phénomène uniquement biomédical, la naissance s'inscrit, se vit dans un tout: l'expérience de travail, la relation de couple, l'image de son corps, la famille, rien n'est séparé. On est de plus en plus sensibles à l'écologie, mais pour une raison que je m'explique mal, c'est comme si on avait retiré l'expérience humaine de notre réflexion. Si on vous disait que 80% des primates avaient besoin d'hormones pour mettre au monde leurs petits, vous seriez inquiet. C'est le cas des femmes et personne ne s'en formalise. Qu'est-ce qui s'est passé? Quel est l'impact sur les bébés? Qu'est-ce que ça annonce? Il faudrait au moins se questionner.»

Avenir

«On voit se dessiner un mouvement de réflexion dans le milieu de la santé [avec l'INESS* notamment] couplé à un mouvement général de femmes et d'hommes qui se réinvestissent pour faire en sorte que la naissance soit reconnue comme une question sociale. La façon dont la société traite et entoure les deux extrémités de la vie, soit la naissance et la mort, est très révélatrice et transformatrice. On doit se questionner ensemble sur le sens qu'on leur donne.»

*Institut national d'excellence en santé et en services sociaux.

Une naissance heureuse. Éditions Fides, 584 pages, 39,95$.