Magasiner une chaussure de course est parfois toute une aventure. La concevoir n'est pas simple non plus. En fait, créer la chaussure idéale  pour votre pied n'est pas un art, c'est une science de plus en plus évoluée.

Dans le monde de la course, il y a deux grands courants à propos des chaussures: les minimalistes préféreront des composants hyper légers et ultraminces, afin de créer l'illusion de courir pratiquement pieds nus. L'autre courant est à l'opposé: la bonne chaussure doit aider à garder le bon mouvement du corps et des jambes. Ce que les spécialistes appellent «le patron moteur».

Pour satisfaire tout le monde, les fabricants offrent des souliers dont le différentiel de la semelle, la variation de hauteur entre les orteils et le talon, change d'un modèle à l'autre. L'acheteur doit ensuite trouver celui qui lui convient le mieux. «C'est le plus important. Quand on court, l'idéal est d'atterrir sur la partie avant du pied. Quand on marche toute la journée dans des souliers avec des talons, passer à un soulier à différentiel neutre pourrait provoquer des blessures», explique Amélie Poirier, kinésiologue. À l'opposé, un différentiel trop grand (un talon surélevé) peut créer l'illusion qu'on a le bon patron moteur, mais ce ne sera pas nécessairement le cas.

De la piste au sentier, il y a un (grand) pas...

Le poids de la chaussure est aussi un détail important. Dans ce cas, il faut souvent faire des compromis, selon l'usage auquel le soulier est destiné. La marque Arc'teryx, plutôt reconnue pour ses vêtements et accessoires de plein air dépouillés de tout élément superflu, a dû en faire quelques-uns afin de concevoir sa nouvelle gamme de souliers de course en sentier.

«Contrairement à la course sur route, il y a plusieurs obstacles sur les sentiers. Il faut protéger les orteils contre les racines, et le dessous du pied contre les roches pointues», indique Pete Cameron, directeur des chaussures pour la marque Arc'teryx.

Forcément, ces ajouts augmentent le poids des souliers.

Paradoxalement, les fabricants sont donc à la recherche de matériaux à la fois souples et rigides, minces et robustes. Chez Arc'teryx, ça donne un produit comme le Norvan VT, dont la semelle combine un dérivé du vinyle appelé EVA, une mousse dense mais déformante qui absorbe bien les coups, à une très fine couche (0,4 mm) d'un polyuréthane qui protège la plante du pied des crêtes de roches qu'on rencontre souvent en forêt.

«Tous les fabricants doivent tracer une ligne dans le sable éventuellement et se définir selon l'usage ciblé par leurs produits : pour la compétition ou l'exploration? Pour le sentier ou la piste?», ajoute M. Cameron. Cette décision déterminera aussi la forme et la composition de l'ensemble de la chaussure: les flancs, l'empeigne, les lacets... même la languette!

Pour les quatre saisons

La météo modifie aussi la façon dont les souliers de course sont conçus. Naturellement, on ne court pas sur la neige comme on le fait sur un pavé chaud et sec. Les besoins en adhérence et en isolation ne sont pas les mêmes en hiver et en été!

Dans le premier cas, certaines chaussures proposent des semelles pourvues de blocs aux pointes métalliques rappelant les pneus d'hiver pour le vélo ou même la voiture. C'est le cas de la gamme Snowcross CS de Salomon, des chaussures très techniques qui ne manquent pas de mordant. Pratiques dans les sentiers l'hiver, elles ont les défauts de leurs qualités: elles ne servent plus une fois l'hiver fini.

À ceux qui trouvent que les concepteurs s'emportent un peu trop en créant des modèles de chaussures un peu trop pointus, justement, les spécialistes recommanderont de faire preuve d'ingéniosité en ajoutant eux-mêmes des crampons à des chaussures de course traditionnelles. Comme ils sont amovibles, on n'a qu'à les enlever à la sortie des sentiers pour poursuivre son chemin, explique Sabrina Duhamel, responsable des chaussures pour la boutique Sportium, à Saint-Hubert.

«Tout ce qu'il reste à trouver, ensuite, est une membrane Gore-Tex qui protégera du froid, de la neige et de l'eau», ajoute-t-elle. Ça concernera aussi le budget des coureurs, puisque toutes ces innovations ont un prix.

Ce qui ramène tout le monde à la base: «Peu importe le soulier, l'important est avant tout d'être à l'aise», conclut Mme Duhamel. La science n'est là que pour aider.

Photo François Roy, La Presse

Pete Cameron, directeur des chaussures pour la marque Arc'teryx