Nintendo s'est choisi comme nouveau patron un ex-banquier tout ce qu'il y a de moins joueur mais entouré de deux vétérans du secteur, une troïka censée sortir le pionnier du divertissement numérique du trou où l'ont précipité les téléphones intelligents.

«Expérience de jeu zéro»: les journaux japonais ne s'embarrassent pas de mots pour qualifier Tatsumi Kimishima, 65 ans, nommé lundi PDG de la célèbre entreprise de Kyoto.

Sans patron depuis début juillet après le décès soudain du charismatique développeur Satoru Iwata, Nintendo n'avait pas de potentiel successeur tout désigné. M. Iwata, qui n'avait que 55 ans, n'avait pas prévu la relève.

M. Kimishima a été appelé chez Nintendo par le prédécesseur de M. Iwata, Hiroshi Yamauchi, qui a dirigé la maison pendant un demi-siècle de 1949 à 2002. Il a une longue expérience aux États-Unis où il a notamment été à la tête de la filiale locale.

Chef des affaires générales et des ressources humaines de Nintendo jusqu'à ce jour, il en deviendra officiellement PDG mercredi.

«Il est impossible de diriger une société de jeux simplement avec des chiffres», a-t-il déclaré lundi soir lors d'une conférence de presse, montrant ainsi que tout ex-banquier qu'il est, il n'est pas obnubilé par les comptes mais a conscience des particularités du secteur.

C'est en fait un trio qui va désormais présider aux destinées de Nintendo, avec derrière M. Kimishima le célèbre créateur de jeux et personnages Shigeru Miyamoto, père entre autres de Mario qui vient de fêter ses 30 ans, et Genyo Takeda, une autre tête pensante versée dans la technique.

Quelle stratégie face aux téléphones intelligents ? 

M. Kimishima a promis lundi de «réaliser les projets» initiés par son prédécesseur, parmi lesquels une nouvelle console dont on ne sait encore rien si ce n'est qu'elle est baptisée du nom de code NX.

Mais c'est surtout sur le terrain des téléphones intelligents que M. Kimishima est attendu. Peu de temps avant de disparaître, et alors qu'il était déjà atteint du cancer qui l'a emporté, M. Iwata avait assoupli sa position vis-à-vis des jeux pour mobiles.

Il avait ainsi consenti à engager Nintendo dans un partenariat avec la société japonaise DeNA, afin de développer des applications pour les téléphones intelligents, tout en insistant sur le fait qu'il n'était pas question de proposer pour ces appareils les mêmes titres que pour consoles.

Le but de cette entente est en fait d'exploiter tout ou partie des célèbres personnages de Nintendo, Mario, Pikachu et d'autres encore, dans des applications, ainsi que de gérer en commun un service d'utilisateurs et un programme de fidélité.

L'action du pionnier japonais des jeux vidéo s'était envolée de 21% au lendemain de l'annonce de ces développements.

Nintendo avait quasi quadruplé ses revenus et dégagé des profits records croissants entre 2002 et 2007, grâce aux consoles portables DS et fixes Wii imaginées sous la houlette de M. Iwata, mais depuis tout va de mal en pis à mesure que grossit le marché des contenus et divertissements sur téléphones intelligents.

Même si la société s'est décidée à franchir le Rubicon pour («enfin», disent analystes et actionnaires) proposer des dérivés de ses jeux pour les mobiles, la priorité reste la stratégie sur les consoles.

La nomination de M. Kimishima, annoncée lundi après la fermeture de la Bourse de Tokyo, a été accueillie sans enthousiasme par les investisseurs. Le titre gagnait 1% à l'ouverture du marché mardi matin mais est vite passé ensuite en territoire négatif.

«La nouvelle direction va très probablement suivre les récents plans pensés par M. Iwata», a commenté l'institut Nomura, un avis partagé par quasiment tous les analystes cités dans la presse, selon lesquels les attributions seront bien partagées entre les trois personnes de tête, M. Kimishima laissant à MM. Miyamoto et Takeda les rôles créatifs.