Les groupes Le Monde et Le Figaro ont annoncé jeudi qu'ils allaient commercialiser leurs espaces de publicité numérique dans le cadre d'une alliance inédite, appelée Skyline, conçue pour résister aux Gafa, les géants d'internet comme Google et Facebook.

Les deux concurrents historiques dévoilent cette alliance deux jours après l'annonce par le groupe SFR et une centaine de médias français de la création d'une grande plateforme, Gravity, qui va centraliser les données de leurs utilisateurs et la vente de leurs espaces publicitaires numériques pour, là aussi, résister aux géants américains qui récupèrent une part immense des revenus en forte croissance de la publicité en ligne. 

Les régies du Monde et du Figaro, qui rassemblent de leur côté une vingtaine de médias et touchent chaque mois 35 millions de Français, vont commercialiser des offres conjointes dans leur «guichet unique» Skyline, ont précisé leurs directeurs généraux.

«Nos régies vont vendre les mêmes produits sur une même base technologique, dans les mêmes environnements, avec le même format», a souligné Marc Feuillée, directeur général du groupe Le Figaro, propriété de Serge Dassault. 

Cette alliance déployée à partir du mois de septembre doit être, selon lui, «un signal pour le marché publicitaire», montrant qu'il y a «des alternatives puissantes pour la publicité premium dans les médias».

Le Monde et Le Figaro «sont deux marques très haut de gamme, avec des valeurs communes, qui ont réussi leur transformation digitale et qui ont décidé de s'allier», a ajouté Louis Dreyfus, directeur général du groupe Le Monde, propriété du trio Bergé-Niel-Pigasse.

Si cette alliance doit offrir plus de «transparence» et de «simplicité» aux annonceurs, chaque régie continuera à vendre aussi ses propres offres et les deux médias restent concurrents dans l'information, affirment leurs directeurs. «L'enjeu n'est pas de croiser les rédactions», a souligné Louis Dreyfus.

Exit les intermédiaires

Le Monde et Le Figaro ont fait le choix de ne pas partager les données de leurs utilisateurs, contrairement à ce qu'ont prévu les partenaires de Gravity (Lagardère, Prisma Media, SoLocal ou encore Fnac Darty). «On a une relation de confiance très particulière avec notre audience d'abonnés. Basculer les datas de mes internautes dans une espèce de marmite qui les commercialiserait sans que j'en aie la maîtrise, c'est une erreur», a estimé Louis Dreyfus.

Les clients annonceurs de Skyline auront notamment la possibilité de cibler les utilisateurs des sites des deux groupes selon leur profil, leurs intentions d'achat, leur localisation, mais aussi dans six «contextes de diffusion», qui comprennent les «actualités» (Le Figaro, Le Monde, Courrier International, le Huffington Post en français ou encore L'Obs) et le «lifestyle»-féminin (Le journal des femmes, Madame Figaro ou le magazine «M» du Monde).

Cette alliance devrait surtout permettre aux groupes de récupérer la part des revenus qui transitait par des intermédiaires. «Les sous-régies qui captaient 80% de la valeur, et qui étaient utiles au moment où le marché était en construction, nous semblent désormais capter une part trop importante», a lancé Louis Dreyfus.

Développée en trois mois dans le plus grand secret, Skyline devrait réunir environ 200 salariés du marketing des deux groupes. Il y a dix ans, «cette alliance aurait été compliquée au regard de l'Autorité de la concurrence, car nous sommes très puissants», a souligné Louis Dreyfus. «Aujourd'hui le marché publicitaire a explosé et est contrôlé massivement par les GAFA».

Si Gravity est présentée comme une alliance ouverte à tous les acteurs du web français, Skyline pourrait s'élargir après son lancement d'abord «à des acteurs internationaux», a-t-il indiqué.