La junte militaire au pouvoir en Thaïlande est sous le feu des critiques des internautes, inquiets d'un projet de «Grande Muraille» de l'internet censurant, comme en Chine, ce rare espace de liberté.

Lundi, plus de 72 000 internautes avaient signé une pétition sur Change.org contre ce projet, discrètement annoncé la semaine dernière sur le site du gouvernement, de «mise en place d'une seule passerelle internet unique» entre le réseau mondial et le thaïlandais.

Internautes et militants de la liberté d'expression en ligne s'inquiètent de cette limitation à une passerelle unique, facilement contrôlable par l'État.

Le ministère de l'Information, des Communications et des Technologies a confirmé lundi à l'AFP travailler sur le sujet, avec des premières propositions qui devraient être rendues publiques cette semaine.

«S'il y a le moindre contenu critique ou 'inapproprié', il pourra être plus facilement bloqué», s'inquiète Saksith Saiyasombut, célèbre blogueur thaïlandais interrogé par l'AFP.

La junte, arrivée au pouvoir par un coup d'État en mai 2014, ne jure que par le développement de l'économie digitale, dont le modèle serait pourtant menacé par cette «Grande muraille» selon les spécialistes.

Dans le même temps, la junte a multiplié les poursuites contre les internautes, notamment pour toute publication jugée anti-monarchiste, dans ce royaume doté d'une des lois de lèse-majesté les plus drastiques au monde. Un homme a été ainsi condamné en août à 30 ans de prison pour des messages publiés sur Facebook jugés insultants pour la famille royale.

Les comparaisons avec la censure chinoise, surnommée le «Great Firewall», jeu de mot en anglais qui mélange les termes «Grande Muraille» («Great Wall») et pare-feu («firewall») se sont multipliées.

Pour l'heure, en Thaïlande, Twitter, Facebook et YouTube sont accessibles, contrairement à la Chine. La «cyberpolice» se contente d'empêcher au cas par cas l'accès à des sites au contenu jugé sensible. Le site du journal anglais Daily Mail est ainsi bloqué en Thaïlande depuis la publication d'une vidéo concernant la famille royale.

Au départ, la Thaïlande était reliée à l'internet mondial par une passerelle unique. Mais, avec la dérégulation du secteur en 2006, des dizaines de compagnies ont été autorisées à ouvrir leurs propres voies d'accès, contribuant au développement des entreprises de technologies de l'information (IT).

Cette dérégulation a eu également un impact sur la vitesse d'internet. Selon le classement Akamai, la Thaïlande bénéficie aujourd'hui d'une vitesse d'accès moyenne de 7,5 mégabits, le niveau de pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou la France.