Les «Pirates» sont entrés pour la première fois dans un parlement régional allemand à l'issue du scrutin régional à Berlin dimanche, surfant sur le désintérêt des jeunes pour les partis établis, selon les analystes.

Créée en 2006, cette formation qui prône notamment la démocratie directe sur internet a bouleversé tous les pronostics: crédités de 6,5% dans les derniers sondages, ils ont atteint 8,9%, devenant le quatrième parti de la capitale allemande.

«C'est un vote contestataire à prendre au sérieux», a reconnu la chancelière chrétienne-démocrate (CDU) Angela Merkel, au lendemain du scrutin. Leur succès est «symptomatique de l'insatisfaction générale pour les partis établis», estimait Carsten Koschmieder, politologue de l'Université libre de Berlin.

De fait, ce petit parti au logo à voile noire sur fond blanc a non seulement su mobiliser des électeurs qui jusqu'ici ne se rendaient pas aux urnes, mais il a aussi grignoté des voix à pratiquement tous ses adversaires.

Aux Verts tout d'abord, qui se sont embourgeoisés selon certains, notamment parce qu'ils ont accepté de gouverner localement avec des conservateurs.

Au parti d'extrême gauche Die Linke ensuite, vivement critiqué récemment pour avoir dit son amour à Fidel Castro à l'occasion de son 85e anniversaire, et en raison de son attitude pour le moins ambiguë lors de l'anniversaire de la construction du Mur de Berlin.

Aux Libéraux enfin, petit partenaire de la coalition gouvernementale de la chancelière Angela Merkel qui ne sait plus comment donner de la voix et a disparu du parlement régional avec ses 1,8%.

Originaires de Scandinavie --ils ont deux députés au parlement européen pour la Suède-- et maintenant actifs dans plus de 30 pays, les Pirates berlinois se battent en vrac pour la transparence, la laïcité, l'égalité des droits et la gratuité des transports publics.

«La majeure partie de leurs électeurs sont des jeunes, des hommes et des grands utilisateurs d'internet», constate M. Koschmieder, «même s'ils ont su convaincre un petit pourcentage de soixantenaires».

À Berlin, «biotope à part avec son grand nombre d'étudiants, d'artistes et de créatifs dans les nouveaux médias», il leur est plus facile qu'ailleurs de marquer des points, juge Ulrich Sarcinelli, professeur de l'Université de Coblence-Landau.

Et là est toute la question: «Seront-ils plus qu'une start-up de court terme de l'époque internet ?», s'interrogeait le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung dans son éditorial lundi. «Tout dépendra s'ils réussissent, comme les Verts, à l'époque, à élargir leurs thèmes de campagne».

Plusieurs experts comparent en effet cette nouvelle formation aux écologistes allemands: «quand les Verts sont entrés pour la première fois au parlement local de Brême en 1979, leur seul cheval de bataille était la protection de l'environnement. Quatre ans plus tard, ils étaient au Bundestag (chambre basse du parlement), et deux ans après Joschka Fischer devenait ministre dans l'Etat régional de Hesse», notait le quotidien Berliner Zeitung.

«Nous avons maintenant la possibilité de montrer à Berlin que nous pouvons vraiment faire de la politique et pas simplement en discuter», s'est félicité le président des Pirates au niveau fédéral, Sebastian Nerz.

Il n'empêche: avec 15 députés au parlement berlinois, la formation semble dépassée par l'ampleur de son succès. «Ils reconnaissent qu'ils n'ont pas d'expérience en politique», constate M. Koschmieder.

Pour M. Sarcinelli, leurs chances d'entrer dans deux ans au Bundestag sont minces: «Ils n'ont aucun visage connu».

Dans leur pays natal, la Suède, ils ont récolté moins de 1%, aux deux élections législatives en 2006 et 2010.