Une application pour téléphones intelligents, propriété du géant d'internet Google, permet aux automobilistes de signaler avec précision et en temps réel les radars et les contrôles de police. Les professionnels du secteur dénoncent une activité illégale et une concurrence déloyale.

Créée en 2008 en Israël, cette application gratuite financée par la publicité, nommée Waze, associe la cartographie à un aspect communautaire: elle conseille des itinéraires routiers en tenant compte d'informations sur les accidents, les travaux ou les embouteillages, fournies par plus de 60 millions d'utilisateurs estimés dans le monde.

Mais ces derniers peuvent également informer la communauté de la présence d'un radar fixe ou mobile et même, comme l'écrit la société sur son site internet, «d'un contrôle de police».

Or, la détention d'un avertisseur de radars est interdite en France depuis un décret de janvier 2012. En cas de non-respect, les contrevenants risquent une amende de 1500 euros, un retrait de six points et la saisie de l'appareil.

Pour se conformer à la loi, les fabricants, comme TomTom, Garmin ou Coyote, ont mis à jour leurs logiciels et proposent un service payant «d'aide à la conduite» signalant des zones dangereuses, longues de 4 km sur autoroute, de 2 km sur route et de 300 m en agglomération, où peuvent se trouver des radars fixes, mais pas forcément.

«Waze ne respecte pas ce décret. Il indique des points fixes où il y a des radars, ainsi que des contrôles d'alcoolémie», peste Didier Quillot, PDG de Coyote.

«On trouve tout à fait regrettable que les pouvoirs publics n'aient rien fait depuis plusieurs mois pour faire respecter la loi», ajoute-t-il, disant avoir rencontré Frédéric Péchenard, ancien délégué interministériel à la sécurité routière, ainsi que les cabinets du premiers ministre Jean-Marc Ayrault et de la ministre déléguée à l'Économie numérique Fleur Pellerin.

«Parfaitement scandaleux!»

«C'est parfaitement scandaleux! Waze va beaucoup plus loin que tout ce qu'on a jamais fait», renchérit Loïc Rattier, directeur général de Wikango et président de l'Association française des fournisseurs et utilisateurs de technologies d'aide à la conduite (AFFTAC), qui regroupe dix constructeurs.

Son inquiétude est d'autant plus grande que Waze a été acquis par Google en juin, moyennant un montant de 1 à 1,3 milliard de dollars selon la presse israélienne, et que la firme californienne a indiqué deux mois plus tard qu'elle allait intégrer l'application à sa propre application de cartographie, Google Maps, notamment en France.

«Tant que Waze était une start-up israélienne, je la trouvais sympathique. Mais si elle est intégrée à Google et à sa stratégie planétaire, ça change la concurrence. Je suis d'autant plus choqué que Coyote est une entreprise française de 150 salariés», souligne Didier Quillot, dont la société revendique 800 000 utilisateurs actifs payants en France.

Waze - dont le nombre d'utilisateurs en France n'a jamais été précisé, mais qui évoque sur son site «un million de conducteurs» - essaye selon lui de «contourner la loi» en jouant notamment sur le fait que son siège est basé en Israël.

En outre, lors d'un contrôle, les policiers ne peuvent saisir les téléphones, considérés comme des objets personnels et non menaçants, sans avoir reçu l'autorisation préalable d'un magistrat dans le cadre d'une enquête, précise-t-on de source policière, ce qui dégage les utilisateurs de l'application de toute inquiétude.

Contacté par l'AFP, un porte-parole de Waze a indiqué que l'entreprise prévoyait de rencontrer les équipes ministérielles chargées de la sécurité routière, afin d'explorer la modification de sa fonctionnalité sur les radars et de la rendre compatible avec les autres systèmes de navigation en France.

«Un rendez-vous est fixé» avec Google France, confirme la Sécurité routière à l'AFP. «Certaines fonctionnalités de cette application sont évidemment illégales. Mais les démarches sont en cours».