Trois associations ont porté plainte mardi à Bobigny contre le fabricant sud-coréen Samsung, l'accusant de ne pas respecter ses engagements sur les conditions de travail dans les usines de ses sous-traitants chinois et d'induire ainsi en erreur les consommateurs.

Les ONG Peuples Solidaires, Sherpa et Indecosa-CGT ont déposé plainte pour «pratique commerciale trompeuse», estimant que Samsung a violé ses règles éthiques en particulier sur le travail des enfants, ou sur les règles de sécurité au sein des usines de ses fournisseurs chinois.

«Cette plainte est une première et vise à sanctionner un double langage entre une communication planétaire éthique qui se veut irréprochable et une réalité à l'envers de cette communication éthique à 10 000 km de Paris», a dit Me William Bourdon, président de Sherpa, lors d'une conférence de presse.

Les plaignants estiment qu'une enquête préliminaire doit être immédiatement ouverte et que les investigations passeront à terme par la désignation d'un juge d'instruction et une demande d'entraide judiciaire à la Chine.

Pour leur plainte, les associations se sont appuyées sur les enquêtes de l'ONG China Labor Watch (CLW), basée à New York, réalisées par des personnes infiltrées chez les fournisseurs de Samsung en Chine et les ont confrontées au code éthique du groupe. L'enquête a duré plusieurs mois en 2012.

Le directeur de CLW, Li Qiang, a décrit le cas d'un fournisseur de Samsung, HEG, implanté à Huizhou (sud de la Chine) où au moins sept mineures de moins de 16 ans ont été identifiées dans une usine de 3000 personnes.

«L'une d'elle a demandé à prendre des congés parce qu'elle était épuisée. Cela lui a été refusé et elle a été renvoyée sans être payée», a dit Li Qiang.Dans une autre usine, l'ONG dit avoir prouvé que des mineurs travaillaient avec une fausse pièce d'identité.

«En dépit des promesses de l'entreprise de prendre en charge ces mineurs, Samsung a nié les avoir employés», a dit Li Qiang.

CLW a aussi fait part «d'heures supplémentaires très fréquentes et non rémunérées», en particulier durant les périodes de forte activité, ainsi que du non respect des règles de sécurité.

Consommateurs attentifs

Or pour les trois associations plaignantes, ces pratiques violent les engagements pris par le groupe sud-coréen dans son code de conduite et celui de la filière électronique auquel elle a adhéré.

Ainsi Samsung écrit dans son code que «la société n'emploiera pas de personnes en dessous de l'âge légal, conformément au droit international et local».

Fin novembre, en réaction aux enquêtes de CLW, Samsung avait assuré qu'une investigation menée par ses soins n'avait pas trouvé de preuve sur l'emploi d'adolescents dans ses usines, mais avait révélé des pratiques «inappropriées» sur les heures supplémentaires et les amendes en cas de retard ou d'absence.

Cet audit conduit entre septembre et décembre 2012 par Samsung «n'a pas permis d'identifier des mineurs employés dans ces usines. Nous avons cependant demandé à nos usines que soient mises en place de nouvelles mesures dans le cadre du recrutement pour vérifier l'âge des salariés», a réagi mardi une porte-parole de Samsung France auprès de l'AFP.Pour Fanny Gallois, responsable de campagnes à Peuples Solidaires, «Samsung, en tant que donneur d'ordre, doit changer ses pratiques d'approvisionnement en allongeant ses délais de commandes et en augmentant ses prix d'achat».

«Le groupe doit aussi exiger de ses fournisseurs qu'ils mettent en place des hotlines anonymes et indépendantes pour recevoir les demandes des ouvriers et prévoir la tenue d'élections syndicales libres», ajoute-t-elle.