(Séoul) C’est l’une des certitudes des épreuves de patinage de vitesse courte piste des JO-2022 : la Corée du Sud sera la nation dominante sur la glace pékinoise. Mais cette suprématie a un prix, comme l’ont révélé les affaires d’abus et violences qui ont écorné l’image de la discipline.

Depuis que le patinage de vitesse courte piste a rejoint officiellement le programme olympique, en 1992, la Corée du Sud fait la loi avec 48 médailles sur 168 décernées, dont 24 en or sur 56 !

Mais la puissante équipe sud-coréenne sera privée à Pékin de l’une de ses meilleures représentantes, Shim Suk-hee.

La quadruple médaillée et double championne olympique purge une suspension de deux mois infligée par sa fédération pour avoir menacé et harcelé ses… propres coéquipières pendant les JO-2018.

Il y a quatre ans à domicile à PyeongChang, Shim Suk-hee avait connu un désillusion en chutant dans la dernière ligne droite en finale du 1000 m après un choc avec sa compatriote Choi Min-jeong.

L’incident avait fait l’objet d’une enquête de la fédération sud-coréenne (KSU) qui avait conclu à l’époque que Shim n’avait pas intentionnellement fait tomber Choi. Mais en octobre dernier, la KSU a révélé que Shim avait harcelé des coéquipiers, dont Choi, avec des messages menaçants.

Dix ans de prison

L’affaire, passée devant les tribunaux — puisque Shim a tenté jusqu’au dernier moment d’obtenir l’annulation de suspension — a fait grand bruit en Corée du Sud, car la patineuse avait été au cœur d’un autre scandale, comme victime cette fois.

Elle avait révélé en 2019 que l’un de ses entraîneurs avait abusé d’elle sexuellement pendant trois ans alors qu’elle n’avait que 17 ans à l’époque du début des faits. En 2021, l’ancien entraîneur a été condamné à dix ans de prison.

Et ce n’est pas la seule affaire qui a terni la réputation du patinage de vitesse courte piste, devenu l’un des sports majeurs en Corée du Sud.

En 2019 toujours, un membre de l’équipe masculine a été suspendu un mois après s’être introduit secrètement dans le dortoir des femmes au centre d’entraînement national.

L’année suivante, le champion olympique 2018 du 1500 m Lim Hyo-jun a été inculpé d’agression sexuelle pour avoir baissé le pantalon d’un de ses coéquipiers devant un groupe de patineurs, toujours au centre d’entraînement national.

Si les méthodes d’entraînement sud-coréennes ont fait leurs preuves, elles sont aussi dénoncées pour leur sévérité qui ouvre la voie à des affaires de violences et d’abus qui ne se limitent pas du reste au patinage de vitesse courte piste.

Le patinage de vitesse courte piste déchaine aussi les passions des spectateurs et supporters sud-coréens.

Pendant les JO-2018, la Canadienne Kim Boutin, vice-championne olympique du 1000 m, a été la cible d’une campagne d’injures sur les réseaux sociaux pour avoir provoqué la disqualification de Choi Min-jeong.

« Synonyme de patinage de vitesse courte piste »

En 2010, durant les JO de Vancouver, un supporter sud-coréen, furieux après la disqualification d’un des favoris par un juge australien, a été arrêté après avoir menacé de faire exploser l’ambassade australienne à Séoul.

En 2002, c’est l’Américain Apolo Anton Ohno qui suscite l’ire des supporters sud-coréens après sa victoire sur 1500 m en profitant de la disqualification de Kim Dong-sung.

Ohno, considéré comme l’un des meilleurs patineurs de vitesse courte piste de l’histoire avec ses huit médailles olympiques, est alors « le sportif le plus détesté de Corée du Sud », proclame alors un journal sud-coréen, tandis qu’un fabricant de papier toilette produit un papier w.c. à son effigie.

La situation est alors tellement tendue que l’équipe des États-Unis décide de faire l’impasse en 2003 sur une étape de Coupe du monde en Corée du Sud après des menaces de mort visant Ohno.

À quelques jours du coup d’envoi des JO-2022, le climat est (pour l’instant) plus apaisé. Lee Yu-bin, membre du relais féminin en or en 2018, s’est dite optimiste pour la Corée du Sud à Pékin : « J’ai entendu dire que certains s’attendent à une ambiance délétère dans notre équipe, mais l’état d’esprit de notre équipe est très bon. »

« Je sais que les gens sont inquiets à propos des récentes contre-performances de l’équipe, a renchéri Choi Min-jeong. Mais nous voulons prouver que la Corée est synonyme de patinage de vitesse courte piste. »