(Pékin) Devon Levi scrutait attentivement ses réseaux sociaux, comme tout étudiant universitaire qui dispose d’un peu de temps libre.

Des publications de ses amis et de ses proches défilaient probablement devant ses yeux, tout comme celles d’athlètes professionnels et de musiciens qu’il aime bien. Il a peut-être aussi vu une vidéo humoristique, ou quelqu’un qui a joué un tour hilarant.

Cette soirée-là, cependant, quelque chose de différent a retenu son attention – et son cœur s’est mis à battre la chamade.

Le jeune homme de 20 ans regardait sa photo dans la liste des candidats potentiels pour défendre la cage du Canada avec l’équipe masculine de hockey, peu après l’annonce de la décision de la LNH de se retirer des Jeux olympiques de Pékin.

« Je me disais : ‟Wow, c’est une blague ?”, a-t-il raconté. J’étais sous le choc. J’ignorais totalement – mais totalement – que je faisais partie des candidats.

« Je n’ai pas fermé l’œil… J’étais tellement fébrile », a-t-il ajouté.

La candidature de Levi a non seulement été envisagée, mais elle a été retenue. Et les amateurs de hockey canadiens pourraient bientôt ressentir des émotions semblables, alors qu’il se dressera devant le filet des Canadiens.

Au beau milieu d’une saison remarquable avec l’Université Northeastern dans les rangs universitaires américains (NCAA), Levi fera partie du trio de cerbères retenus parmi l’équipe de 25 joueurs qui se rendra en Chine sous peu.

Le hockeyeur originaire de Dollard-des-Ormeaux présente une fiche de 16-7-1 – y compris 9 jeux blancs – avec un taux d’efficacité de 94,8 % et une moyenne de buts accordés de 1,55 en 2021-2022.

Je ne jouais pas pour participer aux Jeux olympiques. Je joue au hockey parce que j’aime ça et que je veux m’améliorer.

Devon Levi

« Il accomplit des choses dans la NCAA qui n’ont jamais été faites », a ajouté Shane Doan, qui a joué pendant 21 saisons dans la LNH et qui sera le directeur général du Canada à Pékin.

« C’est difficile de ne pas s’en rendre compte », a-t-il reconnu.

Levi est donc peut-être le seul à être dans l’ignorance.

« Je n’ai jamais vraiment regardé mon taux d’efficacité ni mes statistiques, a indiqué le Québécois lors d’une récente visioconférence. Je l’ignorais avant qu’on m’en parle. »

« Le coéquipier idéal »

Puisque la LNH s’est retirée du tournoi olympique en raison de préoccupations associées à la COVID-19, la porte s’est ouverte pour des joueurs qui évoluaient dans des ligues mineures aux quatre coins du monde.

Cependant, la plupart des joueurs qui représenteront l’unifolié ont déjà évolué dans la LNH, ont connu de longues carrières en Europe ou été de premiers choix au repêchage.

Ce n’est toutefois pas le cas de Levi.

Avant les Jeux, avant l’université, avant d’être nommé joueur par excellence du Championnat du monde de hockey junior en 2021, avant même d’être repêché au 212rang par les Panthers de la Floride, Levi jouait pour les Canadiens de Carleton Place, au sud d’Ottawa, dans le circuit junior CCHL, lorsque la pandémie a frappé, en mars 2020.

Aujourd’hui, 23 mois plus tard, il pourrait devenir le gardien partant de son pays dans le plus grand évènement sportif de la planète. Le Canada entamera son parcours contre l’Allemagne, le 10 février.

« Toute cette expérience est complètement folle, a admis Levi. Si vous m’aviez demandé l’an dernier ou l’année d’avant si j’avais une chance de participer aux Jeux olympiques, j’aurais probablement dit non – encore moins dans une année ou deux.

« Je suis super reconnaissant », a-t-il conclu.

Toutefois, pour certaines personnes qui ont fait partie de son aventure vers Pékin, sa sélection n’est pas le fruit du hasard.

« Il essaie toujours de faire des activités qui peuvent l’aider au hockey, a confié Mike Condon, ancien joueur du Canadien de Montréal et actuel instructeur des gardiens de l’Université Northeastern. Il prend beaucoup de ses décisions en fonction des répercussions positives qui pourraient se manifester sur la patinoire.

« Il n’écarte jamais aucune option », a-t-il poursuivi.

Si Condon doit lui reprocher quelque chose, ce sont ses goûts en matière cinématographique. Jason Clarke, qui était son entraîneur, son directeur général et son propriétaire chez les Canadiens dans la CCHL, a cependant souligné le côté pince-sans-rire de Levi.

« La chose que les gens doivent savoir, c’est qu’il est probablement le coéquipier le plus apprécié dans ce vestiaire, a noté Clarke. Il est le coéquipier idéal. Ses coéquipiers lui tiennent à cœur, les succès de l’équipe aussi, et il veut que tout le monde joue de son mieux. »

Il se préoccupe autant de ses coéquipiers que de lui-même.

Jason Clarke, ancien entraîneur de Devon Levi dans la CCHL

Ainsi, pour Clarke, le destin de Levi aux Jeux olympiques ne fait aucun doute.

« Oui, il fait partie d’Équipe Canada, a-t-il rappelé. Mais il sera leur gardien n1 – c’est sûr à 150 % –, sans aucun doute. Il sera leur gardien n1 et il les mènera au match de la médaille d’or. »

« Je peux pratiquement assurer que ce sera ce qui va se produire », a-t-il ajouté.

Et si on se fie à son parcours, ce serait dangereux de parier contre Levi.

Équipe Canada comptera aussi sur le gardien torontois Edward Pasquale, qui joue pour le Lokomotiv de Yaroslavl, en KHL, et sur l’Albertain Matt Tomkins, qui porte les couleurs de Frölunda, en Ligue élite de Suède.