(Tokyo) Où sont passées les mascottes ?

Dans ce pays où des mascottes ont un million d’abonnés Instagram, comment se fait-il que celles des Jeux olympiques de Tokyo soient pratiquement invisibles ?

C’est un peu la pandémie, qui éloigne les gens. C’est un peu la froideur face à l’évènement. On dit que leur nom est difficile à retenir.

D’autres critiquent carrément leur maigreur, qui invite moins spontanément à l’étreinte pelucheuse.

« Les gens ne les détestent pas, d’un point de vue design, elles fonctionnent ; elles inspirent plutôt l’indifférence », disait la semaine dernière au Japan Times le sociologue Rae Suter, de l’Université Shizuoka, spécialiste de ce qu’on appelle ici les yukukyara. Oui, il y a de la recherche universitaire là-dessus.

Aucun pays, pourtant, n’a embrassé le concept de mascotte comme le Japon. Les villes, les entreprises, les évènements doivent avoir leur ours dodu, leur écureuil rebondi, leur lapin bienveillant ou leur poussin joyeux.

Il y a d’immenses concours de mascottes, ça va de soi. Et il y a une école en banlieue de Tokyo, où l’on peut suivre une formation sérieuse pour faire la mascotte. Fondée par Choko Ohira, qui a elle-même connu une brillante carrière de souris à la télé. À l’école Choko de comédiens-mascottes, on vous apprendra qu’il ne suffit pas, en effet, d’enfiler le toutou géant, encore faut-il se mettre dans sa peau. Chorégraphie, technique d’approche, déontologie de la mascotte, tout y passe.

Il arrive cependant que des yukukyara non autorisées s’insinuent dans la communauté mascotte. Les autorités les perçoivent comme des imposteurs menaçant l’ordre public.

Depuis deux ans, une des plus populaires au Japon est précisément Chiiban, un bébé loutre unisexe avec une tortue sur la tête, vaguement délinquant. On l’a vu dans des vidéos faire des acrobaties dangereuses impliquant des voitures, se promener avec une batte de baseball… La municipalité de Susaki, qui a sa propre mascotte, n’aime pas du tout cette concurrence déloyale qui trouble la paix sociale.

Pourquoi les Japonais aiment tant les mascottes, un phénomène somme toute assez nouveau ? On avance que dans un pays où on ne se touche pas en public et où les démonstrations d’affection physique sont généralement encadrées de manière assez rigide, la mascotte offre des bras amicaux tendres, socialement acceptables et émotivement réconfortants.

PHOTO HAMAD I MOHAMMED, REUTERS

Accompagné d’une peluche de la mascotte Miraitowa, un spectateur solitaire assiste à un match de badminton.

Mais c’est peut-être juste du marketing efficace.

La mascotte olympique, Miraitowa (« futur et éternité »), et sa collègue paralympique, Someity, ont été choisies soigneusement dans une courte liste établie par un jury d’enfants, dans laquelle le comité organisateur a fait sa sélection finale. Le concept très fouillé du designer Ryo Taniguchi fait appel à l’iconographie de l’ère Edo, au XVIIe siècle, avec une touche Pokemon.

Peut-être ne faut-il pas les blâmer pour leur insuccès. Les nombreuses médailles nippones réjouissent le Japon, mais les Jeux restent mal aimés.

C’est un sale temps pour les mascottes.