Dans un 200 m libre où Summer McIntosh, 14 ans, a surpris Penny Oleksiak, Katerine Savard et Mary-Sophie Harvey, respectivement quatrième et cinquième, les deux Québécoises se sont donné de sérieux arguments pour représenter le Canada au relais aux Jeux olympiques de Tokyo.

(Toronto) Depuis deux ans, Katerine Savard et Mary-Sophie Harvey se tirent la bourre à l’entraînement. Six jours par semaine, à 6 h du matin ou en fin d’après-midi, elles se mesurent à la piscine du complexe sportif Claude-Robillard.

L’entraîneur a beau ménager les susceptibilités, ce duel constant, exacerbé par le huis clos de la pandémie, peut parfois devenir pesant, même s’il a ses avantages. L’une tire l’autre, l’une pousse l’autre, et vice-versa.

Aux Jeux olympiques de Tokyo, tout indique que les deux coéquipières du club CAMO auront enfin l’occasion de nager ensemble pour le même but : monter sur le podium.

Rien n’est coulé dans le béton – la composition de l’équipe ne sera entérinée que mercredi soir à la fin des Essais canadiens –, mais Savard et Harvey, respectivement quatrième et cinquième au 200 m libre dimanche soir, semblent en avoir fait assez pour intégrer le relais qui représentera le Canada dans la capitale japonaise.

« Je me dis que c’est positif, mais on dirait que je ne nous permets pas de célébrer tant qu’on ne le sait pas, a prévenu Savard à la sortie du Centre sportif panaméricain de Toronto. Moi, j’ai tellement peur d’être déçue. »

À la suite de sa sélection surprise au 100 m papillon, la médaillée de bronze de Rio avait exprimé le souhait que sa coéquipière de 21 ans l’accompagne à Tokyo.

Si on fait cette équipe-là ensemble, pour une fois, on ne sera pas l’une contre l’autre. On va être l’une avec l’autre. Ce serait merveilleux.

Katerine Savard

PHOTO FRANK GUNN, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Katerine Savard au 100 m papillon, samedi

Lunettes fumées sur le nez et masque sous le menton, Harvey ne pavoisait pas même si elle est toute proche de ses premiers JO.

« Je suis assez confiante, a-t-elle souligné. Mon objectif était d’être dans le top 5. Maintenant, c’est à leur tour de décider. C’est sûr que ça va se jouer politique, et pas nécessairement en notre faveur. Mais on a fait ce qu’on avait à faire, Kat et moi. »

Nouvelles épreuves

Croisé un peu plus tôt, le directeur de la haute performance John Atkinson, double masque sur le visage, est allé aussi loin qu’il le pouvait dans ses déclarations. Son plaidoyer sera celui qui aura le plus de poids devant le comité de sélection.

La densité du programme olympique – le relais mixte et le 1500 m féminin seront deux nouvelles épreuves à Tokyo – et la fatigue potentielle des nageuses sont deux facteurs considérés dans le choix des relayeuses, a-t-il expliqué en substance.

« Elle est dans une très bonne position », a dit Atkinson au sujet de Mary-Sophie Harvey.

« Ils devraient en prendre six pour le relais, les deux devraient donc passer », avisait pour sa part l’entraîneur Claude St-Jean, qui se réjouissait d’une première pour CAMO (la médaillée de bronze Sandrine Mainville représentait le club montréalais à Rio, mais elle s’entraînait alors à Toronto).

Annoncée depuis longtemps comme le grand espoir de la natation québécoise, Harvey a été inspirée par la prestation de sa coéquipière au 100 m papillon la veille. Légèrement déçue par sa quatrième place au 100 m dos, elle a pleuré de joie en tombant dans les bras de Savard. Elle s’est alors dit : « Hé, je veux y aller aussi ! Là, c’est à mon tour. »

Le relais serait un bon départ, « mais je ne suis pas encore satisfaite », a lancé Harvey, qui s’alignera au 200 m quatre nages individuel (QNI) lundi.

C’est sûr qu’un petit stress est enlevé, mais je veux faire d’autres belles courses. Je ne veux pas être là juste pour faire le 4 X 200. J’aimerais nager individuellement aux Jeux. Je peux faire un petit crochet, mais il en manque encore et il reste trois jours pour y arriver.

Mary-Sophie Harvey

Savard, elle, a déjà coché deux objectifs, dont un inattendu. À la lumière des deux premières journées de compétition – et de la déconvenue de certaines concurrentes –, elle sent que sa coéquipière a une belle carte à jouer au QNI.

« Ça fait deux ans qu’on n’a aucune comparaison. Ni elle ni moi. La seule comparaison qu’on a, c’est l’une et l’autre. Des fois, c’est dur. Dur pour elle, dur pour moi. En même temps, on remercie la vie d’avoir l’autre parce que moi, je ne serais pas là sans elle. Juste le fait de vivre ça ensemble, ça rend cela spécial. »

À Tokyo, elles devraient donc être ensemble, pour une fois.

L’été de Summer ?

PHOTO FRANK GUNN, LA PRESSE CANADIENNE

Summer McIntosh

Summer McIntosh. Retenez bien ce nom, car vous risquez de l’entendre souvent à Tokyo cet été. À 14 ans, l’Ontarienne a battu nulle autre que Penny Oleksiak en finale du 200 m libre. À la lumière de ses résultats des derniers mois et de son engagement apparemment hors-norme à l’entraînement, la communauté de la natation canadienne était à moitié surprise de cette victoire devant la quadruple médaillée de Rio. « Honnêtement, ça ne semble même pas réel en ce moment », a réagi McIntosh, qui a réalisé un temps de 1 min 56 s 9 pour s’installer au deuxième rang de l’histoire au Canada. Grosse serviette sur la tête, Oleksiak, qui était préqualifiée, a rendu hommage à McIntosh, une partenaire d’entraînement au centre national de Toronto. « J’adore Summer, a-t-elle dit. Elle a toujours le gaz au fond et ne touche jamais aux freins. J’adore son éthique de travail et elle est tellement forte mentalement dans la piscine et à l’extérieur. » L’émergence de McIntosh, fille d’une nageuse olympienne en 1984, est la bienvenue compte tenu de la déconvenue de la détentrice de la marque nationale, Taylor Ruck, qui a raté la finale par deux rangs.

Ce lundi

800 m féminin, 1500 m masculin, 200 m QNI féminin et masculin, 50 m libre féminin et masculin.

McIntosh, sorte de Katie Ledecky en puissance, tentera d’ajouter le 800 m libre à son programme tokyoïte.

Au 50 m libre, le vétéran Brent Hayden, 37 ans, cherchera à devenir le plus vieux nageur canadien à se qualifier à des JO.

Finales à partir de 17 h 30 en webdiffusion sur Radio-Canada et CBC.