L’expérience de Stéphane Robidas comme entraîneur-chef d’une équipe M18 AAA s’est résumée à une seule saison. « Une super belle année », assure-t-il, au terme de laquelle les Cantonniers de Magog ont atteint la grande finale du championnat canadien.

Or, s’il y a un aspect de son travail dont il ne s’ennuie pas, ce sont les parents. « Une minorité » de parents, insiste-t-il. Mais qui « rend la job moins le fun, mettons ».

L’ex-défenseur de la LNH et actuel responsable des défenseurs chez le Canadien de Montréal a suivi l’histoire de Jean-Philippe Sansfaçon, qui a tiré sa révérence la semaine dernière après une unique campagne à la tête des Gaulois de Saint-Hyacinthe, dans la Ligue de développement M18 AAA du Québec.

L’entraîneur de seulement 31 ans a claqué la porte, épuisé de devoir composer avec la pression imposée par les parents des joueurs. Son témoignage a d’abord été rapporté dans le journal Le Courrier.

Les Gaulois de 2023, comme les Cantonniers de 2022, sortaient pourtant d’une saison exceptionnelle. « Je serais curieux de savoir comment ça se passe quand ça ne va pas bien », laisse tomber Robidas au bout du fil, pendant un entretien d’une trentaine de minutes avec La Presse.

Après avoir officiellement accroché ses patins en 2017, Robidas a passé quatre ans au sein du département du développement des joueurs des Maple Leafs de Toronto. Il n’avait donc pas eu de contact direct avec cette réalité, sinon dans son propre rôle de parent.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Stéphane Robidas derrière le banc du Canadien

Tout au long du parcours de son fils Justin, un ancien des Cantonniers qui vient de gagner la Coupe Memorial avec les Remparts de Québec, Robidas assure avoir gardé pour lui ses réflexions sur le travail de ceux qui ont dirigé fiston. Qu’il soit d’accord ou non avec les décisions qui étaient prises.

« On ne peut pas comprendre, comme parent, quand on est assis dans les gradins, dit-il. T’as pas vu la semaine de pratique, t’as aucune idée de la manière dont ton enfant s’est comporté, de son attitude… L’entraîneur, lui, il a des décisions difficiles à prendre. »

Il est le premier à assumer les erreurs qu’il a pu faire derrière le banc. « Tout le monde en fait, tu ne peux pas être parfait. Ça fait partie de coacher. C’est facile, dans les gradins, de regarder ça et de chialer. Extrêmement facile… »

« Le grand-père, l’oncle, la tante… »

Avant de prendre les rênes des Cantonniers, Robidas avait été averti de la présence grandissante des parents dans le travail des coachs. Des parents, oui… et des autres.

« T’as 20 joueurs, donc 20 parents, sinon le double, mais aussi le grand-père, l’oncle, la tante, l’agent, énumère-t-il. Tout le monde a une opinion sur la manière dont tu devrais faire les choses. »

Au cours d’une discussion tenue avant le début de la saison, les choses avaient été exposées clairement. Les communications entre les parents et l’équipe passeraient par le président du club. « Moi, je coache les jeunes. Je vais prendre soin d’eux, je suis là pour les aider, se rappelle Robidas. Si le jeune n’est pas content ou a besoin d’aide, ma porte est toujours ouverte. On va discuter. »

Cependant, dès le mois d’octobre, il a lui-même « changé [son] fusil d’épaule » et ouvert le canal de communication avec les parents. Et c’est à cet instant précis qu’il a découvert à quel point il est « impossible de faire plaisir à tout le monde ».

En début de calendrier, tous les joueurs sont employés dans toutes les situations – « tu roules ton banc » dans une optique de « développement », détaille le Sherbrookois de 46 ans. Des parents se plaignent alors qu’il faudrait « jouer pour gagner ».

Vers la fin de la campagne, alors que les enjeux augmentent, notamment en séries éliminatoires et à la Coupe Telus, l’entraîneur change d’approche. « On joue pour gagner ou on fait jouer tout le monde ? J’essaie d’envoyer la balle dans le camp des joueurs. Ils sont compétitifs, ils veulent gagner. »

Les meilleurs éléments voient donc leurs responsabilités augmenter. Nouvelle vague de mécontentement. Le chroniqueur Martin Leclerc, de Radio-Canada, a évoqué plus tôt cette semaine la création d’un groupe de discussion dans lequel « une poignée de parents [déblatérait] à sa guise contre les décisions de l’entraîneur ». Robidas n’a toutefois pas eu accès à ce contenu. Il n’empêche que l’« effet d’entraînement », il en était pleinement conscient.

Finalement, il a cessé de compter les courriels et les appels des mécontents. Il réitère que « la majorité » des parents l’ont appuyé. Certains se sont même cotisés pour lui offrir un petit cadeau une fois la saison terminée.

Mais le petit nombre, c’est ça qui prend de la place.

Stéphane Robidas

S’il n’est pas revenu à Magog, c’est parce qu’il s’est vu offrir une chance qu’il ne pouvait « pas tant refuser » comme entraîneur adjoint du Phœnix de Sherbrooke, dans la LHJMQ, équipe dont il est par ailleurs actionnaire. Avant même d’amorcer la saison là-bas, il a été embauché par le Canadien, aussi dans un rôle d’adjoint.

Il a « adoré » son année avec les Cantonniers, passée avec « un bon groupe de joueurs ». Avec le recul, il peut toutefois affirmer que « la gestion de ça [les parents], ce n’est pas quelque chose [qu’il] aime pantoute ».

« Tout le temps que je passe à faire ça, je ne fais pas du hockey. Alors que comme adjoint, en ce moment, je fais juste du hockey. Pas de la gestion de problèmes. Je fais quelque chose que j’aime vraiment. »

Encourager

Après que l’histoire de Jean-Philippe Sansfaçon eut été rendue publique, toutes sortes de solutions ont été suggérées ici et là pour assainir l’air dans les arénas.

Plusieurs observateurs ont suggéré de couper le lien entre les parents et les entraîneurs, par exemple, en passant exclusivement par une autre personne de l’organisation.

Stéphane Robidas, lui, lance un message simple : « Encouragez vos jeunes. That’s it. »

« Ma job, comme parent, c’est d’appuyer mon enfant dans son sport. Peu importent ses objectifs, ce ne sont pas mes objectifs à moi. On peut valider avec lui : ça se peut qu’il soit très à l’aise avec une situation, qu’il n’y ait pas de problème. Des fois, c’est le parent qui a le plus de difficulté à gérer cette situation-là. »

Du même coup, il rappelle que « tout, dans la vie, ne sera pas facile ». Un joueur de centre sera peut-être frustré d’être muté à l’aile, mais il pourra apprendre de nouvelles aptitudes à cette position.

Comme parent, voir son enfant avoir de la difficulté, c’est tough. Mais on peut l’aider, l’appuyer.

Stéphane Robidas

« Le hockey, c’est une belle école de vie où on peut apprendre plein de choses qui vont servir plus tard, dans une carrière professionnelle ou dans n’importe quel autre métier. Le travail d’équipe, la discipline, la rigueur, ce sont des valeurs qu’on apprend dans le sport. Je crois à ça. »

Plusieurs fois, au cours de la conversation, Robidas répète qu’il ne croit pas « posséder la science infuse ». Qu’il « parle avec [son] cœur. »

Or, il n’en démord pas : « Si les parents font juste encourager leur enfant, en prendre soin ; que les entraîneurs sont bien intentionnés et font bien leur travail ; que tout le monde pousse dans la même direction… Je pense que ça va être plus facile. »

Qui est Stéphane Robidas ?

  • Défenseur repêché au septième tour (164e au total) par le Canadien en 1995
  • A joué 16 saisons dans la LNH (Montréal, Dallas, Chicago, Anaheim et Toronto)
  • Directeur adjoint et directeur du développement des joueurs des Maple Leafs de Toronto de 2015 à 2021
  • Intronisé au Temple de la renommée de la LHJMQ en 2020
  • Entraîneur-chef de Cantonniers de Magog (M18 AAA) en 2021-2022
  • Nommé entraîneur adjoint du Canadien en juillet 2022