Au lendemain de la stupéfaction causée par son contre-la-montre supersonique, Jonas Vingegaard a tué mercredi les dernières parcelles de suspense qui subsistaient quant à l’issue du Tour de France.

Profitant de surcroît d’une fringale inédite de son principal rival Tadej Pogačar, le Danois de Jumbo-Visma peut déjà penser à l’endroit où il installera le cadre de son deuxième maillot jaune dans sa résidence de Glyngore, dans le nord-ouest du Danemark.

Vingegaard a assommé la concurrence en terminant quatrième de l’étape reine, où même un bouchon dans le col de la Loze, provoqué par un trop-plein de spectateurs, n’a pas stoppé son élan vers l’altiport de Courchevel, où l’Autrichien Felix Gall (AG2R) s’est imposé sur cette 17étape.

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Felix Gall

L’ordre des quatre premiers au classement n’a pas changé, mais l’écart entre le meneur et son plus proche poursuivant se compte maintenant en minutes, alors qu’il n’était que de 10 secondes mardi matin.

Vingegaard a franchi la ligne 5 min 45 s avant Pogačar (22e), gonflant son avance à 7 min 35 s, du jamais vu à ce stade de la course depuis 1981.

« C’est dur à décrire », a réagi l’homme en jaune, plus souriant que jamais devant le micro de Sébastien Piquet, responsable des entrevues d’après-course. « Avoir une priorité de plus de sept minutes est juste vraiment incroyable. Mais bien sûr, le Tour de France n’est pas encore terminé. »

Ce bout-là, il l’a dit sans rire, même si son directeur sportif, à l’approche de la ligne, lui a crié dans l’oreillette qu’il avait « gagné le Tour ».

De cela, plus personne ne doute, surtout pas Tadej Pogačar, qui a rendu les armes en plein cœur de l’étape avec ce constat implacable diffusé en ondes : « Je suis parti. Je suis mort. »

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Tadej Pogačar

Maillot blanc grand ouvert, le Slovène d’UAE venait de craquer à un peu plus de 8 km du sommet de la Loze, alors qu’une douzaine de coureurs s’accrochaient encore au groupe maillot jaune mené par les Ineos de Carlos Rodríguez, 15e à l’arrivée et toujours quatrième au général.

Du jamais vu pour le double vainqueur de 2020 et 2021. Après avoir lâché un blasphème au micro, Pogačar ne s’expliquait pas ce que l’on peut qualifier d’écroulement pour un coureur de sa trempe.

« Je ne sais pas [ce qui est arrivé]. J’ai essayé de manger le plus possible, mais c’est comme si rien ne se rendait à mes jambes. Tout est resté dans mon estomac et je me suis senti vraiment vide après trois heures et demie de course, au pied de la montée. Si je n’avais pas eu un tel soutien, j’avais déjà commencé à penser perdre le podium aujourd’hui. »

« Je ne pouvais pas y aller »

Rescapé par son coéquipier Marc Soler, éjecté de l’échappée, Pogačar s’est néanmoins « battu jusqu’au finish » pour préserver sa deuxième place. Son lieutenant Adam Yates, qui a suivi Vingegaard pendant un moment, a consolidé sa troisième position (+ 10 min 45 s) avec un appui du Polonais Rafał Majka, lui aussi membre de l’échappée.

Pogačar a refusé l’excuse de sa chute au kilomètre 15, un bête accrochage avec un cycliste d’AG2R dans une montée, pour expliquer sa déconvenue plus tard.

« Ça n’a pas fait si mal, un peu c’est sûr, et ça a peut-être affecté mon corps. Mais je ne pouvais pas y aller aujourd’hui. Je n’étais pas bon. »

Pogačar a confirmé qu’il venait de vivre l’une de ses « pires journées sur un vélo », beaucoup plus difficile que celle du Granon l’an dernier, où il avait lâché un peu moins de trois minutes à Vingegaard.

Que peut-il espérer d’ici l’arrivée à Paris dimanche ? Remporter une victoire d’étape samedi au sommet du Markstein et conserver son podium avec Yates. Un maigre tribut pour un champion de cette envergure.

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Qu’est-ce qu’une fringale ?

C’est un moment redouté par tout coureur cycliste, celui où il perd soudainement toutes ses forces, son énergie, sa capacité à « avancer », à maintenir le rythme de la course. Son origine est parfois mystérieuse, parfois causée par une mauvaise alimentation (hypoglycémie), un phénomène plus rare de nos jours avec le développement poussé des connaissances en matière de nutrition sportive.

Le top 10 de la 17étape

  • 1. Felix Gall (AUT/ACT) les 165,7 km en 4 h 49 min 8 s (moyenne : 34,4 km/h)
  • 2. Simon Yates (GBR/JAY) à 34 s
  • 3. Pello Bilbao (ESP/TBV) à 1 min 38 s
  • 4. Jonas Vingegaard (DEN/TJV) à 1 min 52 s
  • 5. David Gaudu (FRA/GFC) à 2 min 9 s
  • 6. Tobias Johannessen (NOR/UXT) à 2 min 39 s
  • 7. Chris Harper (AUS/JAY) à 2 min 50 s
  • 8. Rafał Majka (POL/UAD) à 3 min 43 s
  • 9. Adam Yates (GBR/UAD) à 3 min 43 s
  • 10. Wilco Kelderman (NED/TJV) à 3 min 49 s
  • 43. Hugo Houle (CAN/IPT) à 25 min 16 s
  • 100. Michael Woods (CAN/IPT) à 36 min 33 s
  • 117. Guillaume Boivin (CAN/IPT) à 37 min 31 s

Le classement général après la 17étape

  • 1. Jonas Vingegaard (DEN/TJV) 67 h 57 min 51 s
  • 2. Tadej Pogačar (SLO/UAD) à 7 min 35 s
  • 3. Adam Yates (GBR/UAD) à 10 min 45 s
  • 4. Carlos Rodríguez (ESP/IGD) à 12 min 1 s
  • 5. Simon Yates (GBR/JAY) à 12 min 19 s
  • 6. Pello Bilbao (ESP/TBV) à 12 min 50 s
  • 7. Jai Hindley (AUS/BOH) à 13 min 50 s
  • 8. Felix Gall (AUT/ACT) à 16 min 11 s
  • 9. Sepp Kuss (É.-U. /TJV) à 16 min 49 s
  • 10. David Gaudu (FRA/GFC) à 17 min 57 s
  • 41. Michael Woods (CAN/IPT) à 2 h 30 min 12 s
  • 48. Hugo Houle (CAN/IPT) à 2 h 41 min 34 s
  • 122. Guillaume Boivin (CAN/IPT) à 4 h 39 min 32 s