Michael Woods, quatrième de la Flèche Wallonne, a goûté à la médecine de Tadej Pogačar…

« Tu ne te tannes pas de croiser la ligne le premier… »

Malheureusement pour ses adversaires, Tadej Pogačar n’est pas rassasié. Le Slovène de 24 ans a poursuivi sa fantastique série de succès en ajoutant la Flèche Wallonne à son palmarès, mercredi, en Belgique.

Largement favori après son attaque lointaine à l’Amstel Gold Race dimanche, Pogačar a usé de patience cette fois en décollant à moins de 200 mètres du fil d’arrivée dans le Mur de Huy pour s’adjuger sa 12victoire cette saison.

Avant de lever les bras, le diablotin de l’équipe UAE a eu le temps de se retourner pour voir mourir à ses pieds le jeune Danois Mattias Skjelmose (Trek) et le vétéran espagnol Mikel Landa (Bahrain), respectivement deuxième et troisième.

« Ce matin, j’ai dit à la télévision danoise que je serais plus que reconnaissant d’une deuxième place derrière Tadej, a admis Skjelmose, 18e l’an dernier. C’est ce qui est arrivé. Pour le moment, s’il participe à une course et qu’il ne souffre pas d’une malchance, [finir deuxième] est une victoire pour tous les autres. »

Landa partageait exactement le même constat : « Quelqu’un doit finir deuxième ou troisième, le premier des mortels… »

Michael Woods, quatrième à trois secondes, l’a trouvée très bonne. « C’est la vérité ! a reconnu le cycliste d’Ottawa. J’ai fini troisième ! »

PHOTO DAVID PINTENS, BELGA

Tadej Pogačar

Parfaitement positionné par son coéquipier Simon Clarke au pied de la troisième et ultime ascension du Mur de Huy, Woods a eu la délicate tâche de manœuvrer avec Pogačar accroché à sa roue. Quand le Britannique Magnus Sheffield (Ineos) s’est rangé, le représentant d’Israel-Premier Tech s’est retrouvé premier pendant quelques hectomètres.

Dans le plus à pic, Romain Bardet (9e) a cherché en vain à passer entre la barricade et lui. Le Français de DSM s’est repris à 200 m de la ligne, moment où Pogačar a choisi de décoller.

Woods n’a pas été en mesure de répondre, résistant néanmoins au retour de Giulio Ciccone, coéquipier de Skjelmose qui a terminé cinquième.

« À 300 mètres, j’ai cru être capable de gagner, mais quand Pogačar a attaqué, c’était impossible de suivre », a avoué le plus francophile des athlètes canadiens.

« Je n’étais pas surpris de me retrouver dans cette position. Simon est un des meilleurs coureurs au monde pour placer les autres. Il m’a donc déposé dans une position idéale. J’ai fait du mieux que j’ai pu avec ma forme et la place où je me trouvais. J’ai essayé de gagner, mais j’ai été battu par de meilleurs coureurs. »

Woods poursuit donc sa séquence heureuse à la classique belge. Après son troisième rang en 2020, il s’est classé quatrième en 2021, sixième l’an dernier et encore quatrième mercredi. « Je ne suis assurément pas déçu par ce résultat », a affirmé le cycliste de 36 ans, éprouvé dimanche à l’Amstel Gold Race, qu’il n’a pas terminée.

Woods a salué le travail « formidable » de ses équipiers durant la course de 194,3 km. À son ultime départ à la Flèche, le vétéran sud-africain Daryl Impey a fait partie de l’échappée à huit coureurs. Derrière, Guillaume Boivin a contribué au positionnement de son ami.

PHOTO @SPRINTCYCLING, FOURNIE PAR @ISRAELPREMIERTECH

Guillaume Boivin (à gauche) accompagne Michael Woods dans un passage du Mur de Huy.

« Après une Amstel un peu compliquée pour nous, on a fait une belle course, a noté Boivin, 131e à 11 minutes. On peut être contents de notre journée. »

Protégé par des gants pour une rare fois, le Longueuillois d’origine n’a pas souffert de ses sévères ampoules subies à Paris-Roubaix, 10 jours plus tôt. « Ça guérit bien », s’est réjoui celui qui s’attend à être du départ dimanche à Liège.

« Un printemps à oublier »

Malade, son coéquipier Hugo Houle a pour sa part vécu un deuxième abandon consécutif, rare occurrence pour le natif de Sainte-Perpétue. Après une accalmie à la Flèche brabançonne, la semaine dernière, et à l’Amstel, dimanche, la congestion nasale et les sinus obstrués l’ont rattrapé comme au début de la campagne des classiques flandriennes, le mois dernier.

« Je n’avais absolument rien, a-t-il résumé. Les jambes, ça allait encore, mais j’avais mal au visage à cause de l’inflammation des sinus et j’avais mal derrière les oreilles. C’est juste une journée catastrophique. J’ai donc essayé de placer les gars quand il y a eu du vent après 90 kilomètres, à l’approche du circuit [de trois tours]. C’est à peu près tout ce qui était dans mes capacités aujourd’hui. »

Houle n’a pas franchi une fois le Mur de Huy, bifurquant vers l’autobus avant le premier passage pour suivre le reste de l’épreuve à la télévision « avec les patrons ».

Il a pu apprécier la démonstration de Pogačar et de Woods. « Avec Pogačar, il n’y a pas grand-chose à faire en ce moment. Il était là, il a attendu son moment et placé son accélération. C’était clair et précis que personne n’allait l’embêter aujourd’hui.

« Mike a très, très bien couru. Simon Clarke l’a positionné de façon impeccable. À un certain moment, ce sont les jambes qui parlent dans cette situation-là. C’est le fun de voir que Mike est au sommet de son art juste avant Liège-Bastogne-Liège. C’est une belle journée. Ça donne le moral à l’équipe pour la suite. »

Dans un monde idéal, Houle ne prendra pas le départ de la « doyenne des classiques », dimanche, dans l’optique de se reposer « pour l’échéance la plus importante de la saison, le Tour de Suisse et le Tour de France ».

« J’ai déjà le regard tourné vers ça. J’ai prolongé ma saison des classiques pour essayer d’épauler Mike au maximum. Je ne devais pas faire l’Amstel Gold Race, mais on avait des gars malades et ça a eu un impact sur mon programme. J’ai peut-être atteint ma limite pour ce printemps dont je suis déçu, en fin de compte. Je n’avais pas la santé, j’ai fait mon possible, mais je veux plus que ça et je suis capable de faire mieux que ça. C’est un printemps à oublier, définitivement. »

Michael Woods souhaite « une course dure » dans l’espoir « d’être en mesure de faire quelque chose dans le final » de Liège-Bastogne-Liège, où il a fini parmi les dix premiers à ses six derniers départs, dont une deuxième place en 2018.

Le retour d’altitude du champion mondial Remco Evenepoel, tenant du titre, risque d’en faire la course « la plus compétitive de l’année » aux yeux de Pogačar, sacré en 2021.

« J’espère aussi que Pogačar et Evenepoel auront une journée compliquée parce que ce sera dur de les battre », a concédé Woods.

Pogačar tentera de devenir le troisième cycliste et le premier depuis Philippe Gilbert, en 2011, à réaliser le triplé ardennais.

Impériale Vollering

PHOTO GEERT VANDEN WIJNGAERT, ASSOCIATED PRESS

La Néerlandaise Demi Vollering

Impériale, Demi Vollering a dominé d’une tête et des épaules l’épreuve féminine disputée quelques heures plus tôt. La Néerlandaise de SD Worx a franchi l’interminable Mur en première place du début à la fin, sans jamais se lever de sa selle. Vollering a donc poursuivi sa saison magique après ses victoires aux Strade Bianche, à travers la Flandre et à l’Amstel Gold Race dimanche. Guidée par sa directrice sportive Anna van der Breggen, sacrée sept fois de suite à la Flèche, elle a largement devancé la championne allemande Liane Lippert (Movistar) et la minuscule Italienne Gaia Realini (Trek).

L’Abitibienne Olivia Baril (UAE), 64e, a épaulé sa coéquipière Silvia Persico, 8e. Avec une vingtaine de kilomètres à faire, Magdeleine Vallières-Mill (EF) a fait une visite sans gravité dans un caniveau. La Sherbrookoise de 21 ans n’a cependant pas été en mesure de revenir dans le peloton qui accélérait et a dû se contenter de la 80place. Ralentie par des allergies, Simone Boilard (St Michel-Mavic-Auber93) a fini 94e, tandis que Gabrielle Pilote Fortin (Cofidis) n’a pas terminé.

Simon Drouin, La Presse