Le sport, c’est bien. Mais la natation, c’est mieux ? C’est du moins ce que suggèrent plusieurs études, qui confirment les bienfaits de ces quelques longueurs, non seulement sur le corps, mais aussi sur l’esprit et le cerveau. Vous avez compris : la nage stimulerait les neurones. À l’heure des résolutions, voilà une inspirante matière à réflexion.

Santé cardiovasculaire et autres bienfaits

La natation, en plus d’être bénéfique pour les articulations et tout le corps, contribue aussi à muscler le cœur. La nage augmente en effet le rythme cardiaque et accroît la circulation sanguine. En plus de renforcer le système immunitaire, à titre d’activité physique complète. « La natation fait appel à presque tous les muscles du corps, tout comme la course, mais on ajoute ici un facteur de résistance », souligne en entrevue la neurobiologiste Seena Mathew, de l’Université Mary-Hardin-Baylor, au Texas, à qui l’on doit un puissant plaidoyer en faveur de la natation, publié dans The Conversation. C’est dire que si le sport est évidemment bénéfique, la nage l’est encore plus : « Il y a différents facteurs : la respiration rythmée, l’effet d’être submergé, puis cette résistance, résume la chercheuse, qui mettent l’esprit dans un état particulier. »

La « drogue » de la bonne humeur

Le sport en général – et la nage en particulier – permet la sécrétion de sérotonine et d’endorphines, « des neurotransmetteurs impliqués dans la dépression. Nager fait qu’on se sent mieux », poursuit la chercheuse. Parlez-en à Alex Dela Cruz, croisé un matin à la piscine du Centre Yvon-Deschamps, à Montréal, où il s’entraîne quotidiennement. « Ça m’a vraiment étonné à quel point ça m’a aidé avec ma santé mentale », dit celui qui a traversé une dépression, puis reçu un diagnostic de cancer, dans les cinq dernières années. Même au plus creux, « nager a été comme une drogue […], ça m’a calmé, mis dans un état d’esprit, pour accomplir quelque chose pour moi ». Quoi ? Nager de mieux en mieux, explique l’homme. « Toute ma rage est passée dans la nage, ça a été aussi fort que ça, et ça m’a permis de traverser des moments vraiment difficiles. C’est incroyablement positif. »

Une protéine en cause

Retenez ces lettres : bdnf (pour brain derived neurotrophic factor ou facteurs neurotrophiques dérivés du cerveau). Il s’agit d’une protéine unique qui favorise les connexions et leurs croissances, bref, le fonctionnement du cerveau. C’est pourquoi on lui attribue des pouvoirs en matière de santé cognitive (aptitudes d’apprentissage, mémoire), une santé qui a malheureusement tendance à décliner avec l’âge. Or, la pratique régulière d’un sport, tout particulièrement de la natation, permettrait de contrer ces effets naturels du temps, en faisant perdurer la sécrétion de cette fameuse protéine, et en réactivant les connexions. « La natation ralentit le processus de vieillissement [du cerveau] », résume Seena Mathew. Nager aiderait donc à maintenir nos capacités en matière de mémoire et d’apprentissage, même à les améliorer !

Les rats à l’étude

Comment ? Pour évaluer les pouvoirs de la nage en matière de mémoire, des chercheurs ont fait des études sur des rats avec un labyrinthe aquatique. Les petites bêtes ont été entraînées dans une piscine 60 minutes chaque jour. Verdict ? « Cela leur a pris une semaine pour se faire une mémoire à court terme » et retrouver leur chemin, explique la neurobiologiste, qui cite aussi cette étude (publiée dans Physiological Reports) dans son article. Accroissement de ce bdnf inclus. À noter que des tests empiriques en sont venus à des conclusions semblables sur les personnes âgées : les nageurs auraient une meilleure mémoire à court terme.

Les enfants également

Les enfants aussi gagneraient à barboter davantage. C’est la conclusion à laquelle sont arrivés des chercheurs (dans le Journal of Speech, Language and Hearing Research), qui ont testé la mémoire de jeunes de 6 à 12 ans en leur demandant de mémoriser de nouveaux mots compliqués. Les enfants ont ensuite effectué trois activités : coloriage, CrossFit ou natation. « Et les enfants qui ont nagé ont mieux performé ! », s’émerveille la chercheuse, qui se mord chaque fois les doigts quand elle voit des parents surveiller leurs enfants à la piscine, de loin et au sec. « Nager est si bon pour le cerveau ! »

Une « fontaine de jouvence » ?

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Johanne Boisvert

Seena Mathew n’hésite pas à le dire : « Si on peut ralentir les effets du vieillissement du cerveau, c’est comme trouver une fontaine de jouvence ! La natation aide à réparer les dommages des neurones et à créer de nouvelles connexions. » Et Johanne Boisvert ne la contredira pas. La dame de 73 ans, qui nage religieusement tous les matins au Complexe aquatique de Brossard, se fait dire régulièrement qu’elle a une mémoire « phénoménale » pour les noms. « Mais pour les chiffres, c’est autre chose ! », pouffe notre convertie depuis plus de 30 ans. Qu’importe, la nage lui apporte tellement de bien. « Quand tu vas nager, tous les soucis […] s’évaporent. Tu te concentres sur les longueurs, les mouvements. Ton esprit est occupé à autre chose. […] Tout rentre dans l’ordre. Tout se place. » Et elle sait que ça la dynamise, pas à moitié.

Pourquoi si peu d’adeptes ?

Pourquoi si peu de convertis à la natation ? Notamment à cause des soucis associés au chlore, en matière de maladies de la peau ou des voies respiratoires. Tout le monde n’a pas non plus accès à une piscine (ou à un plan d’eau). Et le temps froid n’y est sans doute pas étranger. Certains ne savent pas non plus nager. Mais il n’est jamais trop tard pour apprendre ! « Ma propre mère a commencé à apprendre en découvrant tous les avantages de la nage, signale Seena Mathew. Et elle apprend encore ! »