Parler de ménopause ? Encore ? Oui. Car malgré les sorties publiques de personnalités comme Michelle Obama, Naomi Watts, Emma Thompson, Véronique Cloutier et bien avant, avec humour, Clémence DesRochers, les femmes ménopausées sortent à peine du placard.

Mirella Di Blasio souligne qu’on en parle plus, grâce notamment au documentaire Loto-Méno, mais au bureau, on ne veut pas être la femme ménopausée. Pourquoi ? « Parce que c’est lié à un autre problème de société : l’âgisme. On n’a pas envie d’être la vieille de service ni la ménopausée du bureau ! Dès qu’on vieillit, on est marqué au fer rouge dans certains milieux professionnels, et c’est terrible. On a cette pression de performance, et la ménopause est un autre obstacle auquel les femmes doivent faire face... Il y a encore un sentiment de honte lié à l’âge », estime la présidente de l’agence Lulu Évènements et autrice de Préménopause, guide de survie pour rester zen.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Mirella Di Blasio

Un avis que partage la sociologue Cécile Charlap, autrice de La fabrique de la ménopause. Elle estime qu’on vit encore dans un système où le vieillissement a deux poids, deux mesures. « D’un côté, on a la prise de maturité chez les hommes qui est valorisée et, de l’autre, on est dans une représentation du vieillissement féminin qui est décliniste, explique-t-elle. On associe la ménopause à une perte, une carence, une involution. »

Elle constate toutefois une certaine évolution des mentalités. « Il y a des questionnements sur le sujet, des prises de parole par des femmes comme Michelle Obama qui parlent de ménopause, Salma Hayek, Naomi Watts, et surtout ce ne sont plus des professionnels de la santé qui en parlent, mais des artistes, des journalistes, ça donne une visibilité et ça démédicalise la ménopause. C’est un sujet qui ne relève plus seulement du registre médical, mais d’une expérience sociale, ce qui est positif. »

PHOTO CHRISTOPHER YOUNG, FOURNIE PAR RACHEL WEISS

Rachel Weiss organise les « Menopause Cafes ».

Des cafés pour en parler

Rachel Weiss a créé les « Menopause Cafes » en 2017 à Perth, en Écosse, une idée qui obtient un vif succès puisqu’ils se sont multipliés dans toute la Grande-Bretagne, mais aussi en Belgique, en France, en Australie et même à Toronto. « La ménopause concerne la moitié de la population [à un moment de sa vie], mais on n’en parle pas et beaucoup de femmes n’y sont pas préparées ! C’est pour cette raison que j’ai créé ces cafés pour qu’il y ait des espaces où l’on puisse parler librement de ménopause, ce qui est très utile, d’où le succès », explique-t-elle.

« On invite tout le monde, autant les femmes que les hommes, de tous les âges. C’est important que les hommes fassent partie de la discussion, car ils vivent avec nous autant dans la sphère privée que publique. Au travail, les hommes [souvent dans des postes de direction] doivent être informés, comprendre les symptômes et permettre des horaires flexibles. D’ailleurs, il existe désormais dans certaines grandes entreprises britanniques des politiques spécifiques sur la ménopause. Il y a une vraie évolution, plus de compréhension, même s’il y a encore des progrès à faire, évidemment. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Caroline Codsi

Caroline Codsi, présidente et fondatrice de Gouvernance au féminin, rappelle que la ménopause est une réalité incontournable. « Ça arrive à des femmes au sommet de leur carrière, à un âge où elles atteignent un certain niveau exécutif, et on ne peut pas se permettre de les laisser de côté, dit-elle. Je viens d’avoir 55 ans, j’ai la chance d’avoir une ménopause qui se passe bien, mais je suis entourée de femmes qui ont des symptômes plus forts. Il faut sensibiliser sur ce sujet, reconnaître cette réalité, sous l’angle de la diversité, de l’équité et de l’inclusion. »

Caroline Codsi pense qu’il faut trouver le juste milieu entre être ouverte et authentique sur le sujet, car les femmes ménopausées vont peut-être vivre des moments plus difficiles, et ont besoin d’être soutenues. Elle met aussi en garde contre le fait qu’on ne veut pas qu’un recruteur hésite à engager une femme de plus de 50 ans.

À 30 ans, on craint que les femmes partent en congé de maternité, et à 50 ans, c’est la ménopause ! Quand on compare à un homme dans son cycle d’emploi du début de sa carrière à la retraite, on ne se pose pas de question sur sa testostérone, est-ce qu’il va perdre ses cheveux, est-ce qu’il sera de mauvaise humeur ? Tout comme les tempes grisonnantes, c’est beau pour un homme, mais pour une femme ? Ça évolue, mais pas si vite que ça !

Caroline Codsi, présidente de Gouvernance au féminin

Sophie Dancourt fait partie en France du collectif All for Menopause et travaille à la production d’un manifeste sur le sujet. « Plus on parle de ménopause et plus on fera progresser sur la question, car il faut s’adapter. C’est la porte d’entrée dans la vieillesse, et certaines femmes ont honte de ce qu’elles deviennent, de leur aspect physique, et elles ne savent pas toujours à qui en parler sereinement », dit-elle.

« On cache encore son âge, car la ménopause est synonyme de déclin, alors qu’à plus de 50 ans, on est super actives, plus libres que jamais parce que nos enfants sont grands [pour celles qui en ont], pleines d’expérience et de potentiel. » Elle évoque la commission des AAFA-Tunnel de la femme de 50 ans qui comptabilise tous les rôles principaux tenus à l’écran par des comédiennes de plus de 50 ans en France, qui ont représenté 7 % en 2021. « Il faut avoir plus de représentations de femmes de 50 ans, modernes, actuelles, épanouies et qui font plein de choses, ce qu’on voit beaucoup sur les réseaux sociaux », dit-elle.

  • L’actrice Andie MacDowell au Festival de Cannes, le 6 juillet 2021

    PHOTO VALERY HACHE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    L’actrice Andie MacDowell au Festival de Cannes, le 6 juillet 2021

  • Helen Mirren en octobre 2019

    PHOTO MAGDALENA WOSINSKA, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

    Helen Mirren en octobre 2019

  • Jamie Lee Curtis au 78e Festival de Venise, le 8 septembre 2021

    PHOTO MARCO BERTORELLO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Jamie Lee Curtis au 78e Festival de Venise, le 8 septembre 2021

  • Glenn Close au Gala de l’Academy Museum of Motion Pictures de Los Angeles, le 15 octobre dernier

    PHOTO ROBYN BECK, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Glenn Close au Gala de l’Academy Museum of Motion Pictures de Los Angeles, le 15 octobre dernier

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Le début d’un coming out

Rachel Weiss pense aussi aux femmes aux cheveux blancs qui s’affirment et sont fières de leur chevelure argentée, comme Lisa LaFlamme, Andie MacDowell, Helen Mirren, Jamie Lee Curtis, Glenn Close. « On a besoin de ces images positives, de voir que c’est bien de vieillir, et qu’on ne fait pas semblant que ça n’arrive pas. »

Mirella Di Blasio admet qu’on est aux balbutiements du coming out des femmes ménopausées. « On a envie que tout le monde en parle, pas seulement des stars d’ici ou d’ailleurs, mais nos amis, collègues, patrons et patronnes, et que dans le monde du travail, on propose des outils pour aider les femmes ménopausées. »

La sociologue Cécile Charlap est optimiste. « On est train de construire de nouvelles représentations sociales. Ce qui change la donne, ce sont les réseaux sociaux, où le partage de l’expérience est possible, il y a des comptes Instagram qui se sont créés sur la ménopause, tout comme des communautés qui s’échangent des informations. Un réseau se construit entre femmes, ce qui n’existait pas il y a 20 ans. La ménopause n’est plus une expérience solitaire, sans passage d’expériences entre les générations, on en parle avec ses enfants, son conjoint, ce qui est encourageant. »

Ce qu’elles ont dit

Michelle Obama

PHOTO JOSE LUIS MAGANA, ASSOCIATED PRESS

Michelle Obama au lancement de son livre The Light We Carry : Overcoming in Uncertain Times à Washington, le 15 novembre dernier

« Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas sur la ménopause. Je suis en train de la vivre, et je sais que toutes mes amies sont en train de la vivre. Et les informations sont rares. J’ai dû changer ma façon de considérer ma santé. C’est en partie lié à la ménopause, en partie au vieillissement, mais j’ai remarqué que je ne pouvais plus pousser aussi fort qu’avant, ça ne fonctionne pas pour moi. J’ai dû adoucir ma routine sportive, moins de cardio, plus d’étirements, et trouver un équilibre entre rester en forme et être assez bienveillante avec son corps pour ne pas se blesser. »

People Magazine, novembre 2022

Naomi Watts

PHOTO VALERIE MACON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Naomi Watts à Los Angeles, en octobre dernier

« Tout n’est pas si sombre. C’est effrayant quand on n’a pas assez d’information et qu’on n’a pas de communauté. Les changements physiques sont si nouveaux pour notre corps que ces transitions sont vraiment difficiles. J’aimerais que tout le monde soit bien informé, car la plupart du temps, les femmes vivent cette expérience sans savoir ce qui se passe. Si elles avaient cette information, les choses seraient beaucoup plus faciles. C’est quand on ne sait pas que l’on se retourne contre soi et que l’on pense devenir folle. »

Forbes Magazine, 18 octobre 2022

Salma Hayek

PHOTO MICHAEL TRAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Salma Hayek au 11e Annual LACMA Art+Film Gala à Los Angeles, le 5 novembre dernier

« Les questions des médecins étaient terrifiantes. Ils me demandaient : “Est-ce que vos oreilles ont grandi et est-ce qu’il y a des poils qui en sortent ? Votre moustache et votre barbe se développent-elles ? Êtes-vous plus facilement irritable ? Pleurez-vous sans raison ? Avez-vous pris du poids que vous n’arrivez pas à perdre ? Rétrécissez-vous ?” Et puis ils vous demandent : “Avez-vous des sécheresses vaginales ?” Je vais vous dire ce qu’ils ne nous disent pas : nos seins grossissent. Beaucoup. »

Émission Red Table Talk, juin 2021

Hélène Bourgeois Leclerc

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Hélène Bourgeois Leclerc en avril 2019

« Ce qui me sauve pour le moment, c’est l’humour — entre mon chum et moi, entre moi et mes enfants. Le fait de dédramatiser, d’alléger un peu les choses, de les désamorcer, surtout. L’humour fait toute la différence, parce qu’à travers ça, il y a de l’acceptation, de l’ouverture, de l’amour, de la générosité. Et surtout un lien, ce lien avec soi-même qu’il ne faut jamais perdre, et celui avec l’autre aussi. Étonnamment, je trouve qu’il y a quand même de bons côtés à la ménopause. Je sais, on parle d’envahissement. Mais moi, ça m’oblige à prendre du recul et à essayer de faire régulièrement un petit bilan sur bien des affaires dans ma vie. Et ça, je trouve ça important. Je trouve ça sain. »

Magazine Véro, Hors-série, Loto-Méno, octobre 2022

Marie-Soleil Michon

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Soleil Michon en septembre 2019

« J’ai toujours été assez anxieuse, alors je trouve ça très difficile de distinguer ce qui est dû à la ménopause de ce qui est dû à ce qu’on vit. Des bouffées de chaleur, de l’anxiété exacerbée, des petits moments d’absence, du brain fog. Moi, j’ai toujours été assez sharp dans la vie. Ça ne m’arrivait pas, avant, de chercher des mots. Parfois, je sais par quelle lettre le mot commence. “Comment ça s’appelle, donc, la grosse affaire qu’on met à l’Halloween devant la porte... Ça commence par un c, c’est orange...” Comme si je jouais à Pyramide sans arrêt ! »

Magazine Véro, Hors-série, Loto-Méno, octobre 2022