Steven Laureys est un neurologue belge qui enseigne à l’Université Laval. Il est aussi l’auteur de deux livres sur la méditation. Son plus récent, Méditer avec le DSteven Laureys, est paru plus tôt cette année. En entrevue avec La Presse, il explique pourquoi la méditation fait partie d’une bonne hygiène de vie.

Q. Comme neurologue, comment avez-vous pris contact avec la méditation ?

R. C’était au moment le plus difficile de ma vie, en 2012, après un divorce. J’étais tout seul avec mes trois petits enfants. Il y avait une voix dans ma tête qui tournait en rond et m’empêchait de dormir. Je buvais, je fumais et je prenais des somnifères. J’ai commencé le yoga pour en sortir. En 2013, Matthieu Ricard, le moine bouddhiste, m’a invité à une retraite. Lui était expert en méditation et moi, mon domaine d’expertise, c’était le cerveau et la conscience. Je l’ai invité à mon tour à mon labo du CHU de Liège. Depuis, je prescris, comme neurologue, non seulement des médicaments, mais aussi la méditation. On devrait l’enseigner à l’école, comme pour la gym.

Q. Est-ce que la dimension religieuse de la méditation est importante ?

R. Pour moi, c’est un besoin universel, la méditation n’a pas à être réduite au bouddhisme. Matthieu est bouddhiste, moi, je ne le suis pas. Mais il est vrai que la méditation est souvent liée à des traditions religieuses. En Occident, on consomme trop de calmants, au Canada, vous avez la crise des opioïdes. Il est dommage qu’on n’utilise pas les traditions qui existent déjà. J’étais en Australie, là-bas les autochtones connaissent une forme de la méditation pleine conscience [quand on porte attention à son corps]. J’aimerais mieux comprendre comment ça se passe pour les Canadiens, pour ceux qui lisent cet article.

Q. Et dans la tradition chrétienne ?

R. C’est vraiment quelque chose d’universel sur le plan religieux. Dans la tradition chrétienne, on appelle cela de la contemplation. Il y a un retour de popularité de ces pratiques. Je pense que ce n’est pas étranger au succès incroyable de mon premier livre [La méditation, c’est bon pour le cerveau, paru en 2019], qui a été traduit en 10 langues.

Q. Quelles sont les questions scientifiques en suspens par rapport à la méditation ?

R. On l’a vu avec l’imagerie médicale, ça change le cerveau. Il semble y avoir un effet sur la matière grise qui protège contre le vieillissement, mais aussi contre le développement des maladies dégénératives comme les démences. Mais comme soignant, j’aimerais prescrire plus d’études cliniques contrôlées sur les indications et les contre-indications, les effets secondaires de la méditation. Malheureusement, il n’y a de financement que pour les études cliniques sur les médicaments.

PHOTO FOURNIE PAR STEVEN LAUREYS

Le DSteven Laureys, neurologue et auteur de deux livres sur la méditation

Q. Y a-t-il vraiment des contre-indications à la méditation ?

R. L’histoire est remplie de gourous qui ont profité de personnes fragilisées. Il y a des gens qui veulent trop. Si vous partez faire 10 jours de méditation, ça peut être très confrontant, ce n’est pas indiqué pour tout le monde.

Q. Faut-il standardiser la méditation, un peu comme la psychanalyse a cédé la place à des psychothérapies plus quantitatives ?

R. John Kabat-Zinn, qui a standardisé la méditation pleine conscience, a beaucoup de mérite. J’ai beaucoup prescrit sa thérapie de réduction du stress en huit semaines. On l’a vu avec la COVID, les confinements, c’est bien, mais ils génèrent de gros manques émotionnels.

Q. Il y a eu justement au Québec des affrontements à propos des besoins spirituels durant le confinement.

R. Soyons clair, on a trop réduit la pandémie à l’angle du virus, de la pression sur le système de santé. Je travaille aux soins intensifs, je comprends ce dilemme.

Mais les enfants et les personnes âgées ont eu beaucoup de difficultés avec le confinement. J’ai cinq enfants et ma mère a plus de 80 ans avec le parkinson, c’est très dur. Certaines personnes sont mortes de la solitude plutôt que du virus. J’ai deux connaissances qui se sont suicidées parce qu’elles ont tout perdu. La réalité virtuelle, ce n’est pas une solution.

Q. Concrètement, quand méditez-vous ?

R. Dès que je peux, dans un embouteillage, quand j’attends quelque part. On ne peut pas méditer 20 minutes matin et soir et dire chérie je veux 20 minutes.

Méditer avec le Dr Steven Laureys

Méditer avec le Dr Steven Laureys

Odile Jacob

206 pages