Frapper, crier, cogner, taper, « varger » : voilà des gestes qui, dans un contexte sain et à certaines conditions, permettent de libérer des tensions et de canaliser sa colère. C’est d’autant plus vrai en temps de pandémie, alors que nos loisirs et nos exutoires sont limités. Coup d’œil – et de poing ? – sur les bienfaits et les limites du défoulement.

Déjà, le code promo offert par l’entreprise Sports de combats, à Montréal, donne le ton : FCOVID, comme dans « F*ck COVID ». Le rabais de 15 % s’applique à une séance de destruction dans une « Rage Cage », aussi appelée « Smash Room ». Le concept de l’activité, qui devrait reprendre après la « pause des Fêtes », le 11 janvier ? Fracasser divers objets destinés aux sites d’enfouissement – téléviseurs, ordinateurs, bibelots, vaisselle – sur le sol et contre les murs. Cris primaux en prime.

Lors du passage de La Presse, le centre d’entraînement proposait aux clients d’apposer le nom ou la forme du vil virus au mur pour en faire un ennemi à abattre. Ou alors d’inscrire les cinq lettres maudites sur des assiettes qu’il fera bon voir éclater en mille miettes. Une revanche métaphorique sur la pandémie. « On a aussi des activités de tir à l’arc ou de lancer de haches avec des cibles anti-COVID, explique Samadhi Ville, gérant chez Sports de combats. C’est à la fois drôle et un peu dramatique. »

  • Besoin de défoulement pendant la COVID-19 ? Chez Sports de combats, il est possible, entre autres, de lancer des haches, couteaux et lances à des cibles COVID-19 ou de se défouler en fracassant des assiettes ou d’autres objets avec des bâtons dans une cage spécialement conçue à cet effet.

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Besoin de défoulement pendant la COVID-19 ? Chez Sports de combats, il est possible, entre autres, de lancer des haches, couteaux et lances à des cibles COVID-19 ou de se défouler en fracassant des assiettes ou d’autres objets avec des bâtons dans une cage spécialement conçue à cet effet.

  • Besoin de défoulement pendant la COVID-19 ? Chez Sports de combats, il est possible, entre autres, de lancer des haches, couteaux et lances à des cibles COVID-19 ou de se défouler en fracassant des assiettes ou d’autres objets avec des bâtons dans une cage spécialement conçue à cet effet.

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Besoin de défoulement pendant la COVID-19 ? Chez Sports de combats, il est possible, entre autres, de lancer des haches, couteaux et lances à des cibles COVID-19 ou de se défouler en fracassant des assiettes ou d’autres objets avec des bâtons dans une cage spécialement conçue à cet effet.

  • Besoin de défoulement pendant la COVID-19 ? Chez Sports de combats, il est possible, entre autres, de lancer des haches, couteaux et lances à des cibles COVID-19 ou de se défouler en fracassant des assiettes ou d’autres objets avec des bâtons dans une cage spécialement conçue à cet effet. La cage est couverte de messages que des gens ont laissés.

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Besoin de défoulement pendant la COVID-19 ? Chez Sports de combats, il est possible, entre autres, de lancer des haches, couteaux et lances à des cibles COVID-19 ou de se défouler en fracassant des assiettes ou d’autres objets avec des bâtons dans une cage spécialement conçue à cet effet. La cage est couverte de messages que des gens ont laissés.

  • Besoin de défoulement pendant la COVID-19 ? Chez Sports de combats, il est possible, entre autres, de lancer des haches, couteaux et lances à des cibles COVID-19 ou de se défouler en fracassant des assiettes ou d’autres objets avec des bâtons dans une cage spécialement conçue à cet effet. François casse une assiette avec une barre d’acier.

    PHOTO DAVID BOILY, LAPRESSE

    Besoin de défoulement pendant la COVID-19 ? Chez Sports de combats, il est possible, entre autres, de lancer des haches, couteaux et lances à des cibles COVID-19 ou de se défouler en fracassant des assiettes ou d’autres objets avec des bâtons dans une cage spécialement conçue à cet effet. François casse une assiette avec une barre d’acier.

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Ce besoin de faire sortir le méchant, Russ Anber, propriétaire-fondateur de Rival Boxing, fondé en 2003, peut aussi en témoigner. Côté affaires, il n’a pas grand-chose de bon à dire sur la crise de la COVID-19. Une exception : jamais dans son histoire l’équipementier n’a vendu autant de sacs de frappe (punching bags) destinés à un usage privé. Rien pour compenser les ventes en grandes quantités aux gymnases et aux clubs de boxe amateur, « mais quand même »…

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Russ Anber, propriétaire-fondateur de Rival Boxing

« On sent que les gens veulent suer, frapper, libérer leurs frustrations, se garder en forme », observe l’entraîneur de 59 ans, qui continue à cogner chaque jour, au bénéfice de son corps et de sa tête.

Quoi d’autre pour se défouler ? Ceux qui ont déjà vu John Bonham, de Led Zeppelin, malmener sa batterie et Jimi Hendrix dompter sa guitare – ou la détruire sur scène – mesurent le potentiel « défoulatoire » de la pratique musicale.

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Jimi Hendrix en Suède, en 1967

Coup de fil chez Long et McQuade, à Québec, et chez Steve’s Music, à Montréal. Les deux détaillants, qui souffrent de la fermeture des salles de spectacle, observent néanmoins une hausse des ventes de claviers, de guitares et de batteries électroniques, qui ont l’avantage de ne pas courroucer la maisonnée, les voisins ou la police. « Mais pas besoin d’avoir un instrument pour s’improviser musicien, dit Lenny Lanteigne, responsable des drums, rue Sainte-Catherine. Dans le trafic, si vous voyez quelqu’un qui bat le rythme sur son volant, vous savez qu’il écoute de la musique. » Et qu’il n’est pas en train de contenir sa rage…

La science du défoulement

Sonia Lupien, fondatrice et directrice scientifique du Centre d’études sur le stress humain, explique que le défoulement est lié au concept de « mobilisation d’énergie ». « Les hormones de stress, comme le cortisol, permettent au corps de mobiliser de l’énergie pour deux options : combattre ou fuir. C’est ce qui a permis à nos ancêtres de survivre face aux mammouths, par exemple. »

Que l’on piaffe d’impatience au milieu de la circulation ou d’angoisse au milieu d’une crise sanitaire mondiale, la réponse la plus efficace pour « déstresser », c’est-à-dire pour libérer l’énergie accumulée, est physique.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

La Dre Sonia Lupien, fondatrice et directrice scientifique du Centre d’études sur le stress humain

Vous pouvez penser à l’haltérophile qui emmagasine de l’énergie pour soulever une charge de 250 livres. Lorsqu’il lâche la barre, il ne va pas marcher en sifflotant. Il va crier, sauter partout, se pitcher par terre. Il doit libérer le surplus d’énergie.

La Dre Sonia Lupien, chercheuse en neurosciences

Plus de la moitié des parents d’enfant de 0 à 5 ans affirment vivre un niveau de stress élevé ou très élevé pendant la deuxième vague de COVID-19, selon un sondage de la firme Léger réalisé pour le compte de l’Observatoire des tout-petits.

Le danger d’accumuler de l’énergie sans jamais la dépenser ? « Ça risque de sortir tout croche, dit la Dre Lupien. C’est d’autant plus vrai pendant la période que l’on traverse, avec les enjeux de santé mentale. »

Les maisons d’hébergement pour femmes rapportent d’ailleurs une escalade du nombre et de la gravité des cas de violence. En 2020, la direction de la protection de la jeunesse du Québec a quant à elle noté une hausse de 12 % des signalements par rapport à l’année dernière.

Quid de la colère ?

Si les séances de défoulement peuvent agir sur le stress, leur effet sur la colère s’avère peu bénéfique à long terme, selon des chercheurs. Il faut agir sur la source des frustrations, et non sur les frustrations elles-mêmes. « Oui, il faut savoir se défouler et dépenser son énergie, mais il faut aussi savoir comment éviter de se charger inutilement de frustrations et de se mettre à risque d’une implosion ou d’une explosion », explique le DGiancarlo Jr Collacciani, de la Clinique de psychologie du Grand Montréal.

Selon le psychologue spécialisé en gestion de la colère, « il est possible et normal », chez une clientèle fortement touchée par les mesures d’isolement, « de constater un sentiment général de débordement qui peut mener vers un épuisement existentiel et des frustrations ».

Décharger ce trop-plein par des formes de violence sécuritaires et contrôlées, note-t-il, a ses limites.

Comme toute activité physique ou mentale qui permet la décharge d’une accumulation de tension sans [faire mal] aux autres, ça ne peut pas nuire, mais ce n’est pas une méthode que l’on recommanderait à notre clinique.

Le DGiancarlo Jr Collacciani

S’il peut être « amusant ou défoulant » de détruire des objets pour monsieur et madame Tout-le-Monde, un individu antisocial ou pervers, par exemple, risque de n’en retirer aucune satisfaction. « Pour lui, le plaisir, ce n’est pas simplement de détruire des objets, mais plutôt d’infliger de la souffrance à un autre en détruisant des choses auxquelles il accorde une importance », explique le psychologue associé au Centre de gestion de la colère du Grand Montréal.

Samadhi Ville, gérant chez Sports de combats, observe que la grande majorité de ses clients ne sont pas en colère lorsqu’ils entrent dans la cage de destruction : ceux-ci, dit-il, recherchent plutôt un espace de distraction et de défoulement. Une nuance à laquelle fait aussi écho Russ Anber, de Rival Boxing. « Attention, on ne peut pas donner un sac de frappe à quelqu’un qui est frustré et qui ne sait pas comment l’utiliser. Il faut déjà avoir un certain amour de la boxe. »

Oui, « F*ck COVID ». Mais les vertus du défoulement nécessitent, elles aussi, un astérisque.

Et les jeux vidéo ?

Les détracteurs et les partisans des jeux vidéo violents s’échangent les études contradictoires comme des tirs de pistolets-mitraillettes dans Fortnite. Ceux qui manient la manette pour se défouler ont quelques armes scientifiques dans leur arsenal. L’année dernière, une étude publiée dans Frontiers in Psychology a mis en parallèle les effets cardiovasculaires et émotionnels des jeux Mortel Kombat et Tetris. Le célèbre jeu de combat a généré davantage d’émotions positives chez les participants que le jeu de puzzle. Une étude controversée publiée en 2010 dans European Psychologist va encore plus loin. Des chercheurs texans ont séparé 103 adultes en trois groupes : il a été demandé au premier de jouer à un jeu violent, au deuxième de jouer à un jeu non violent et au troisième de ne jouer à aucun jeu. Après avoir soumis tous les participants à une situation frustrante, ceux qui avaient joué au jeu violent ont présenté moins de réactions agressives ou dépressives, conclut l’étude. L’une des hypothèses est l’effet « cathartique » des jeux vidéo violents, qui permettraient aux joueurs de libérer leurs frustrations. Sur une note plus allègre, Jeunesse J’écoute a conçu le jeu minimaliste Défoule-toi. À coups de clics de souris compulsifs, les internautes peuvent simuler un jam de batterie ou de guitare, ou encore expédier des balles de baseball dans les gradins. Par la bande, les jeunes qui veulent de l’aide sont dirigés vers les ressources appropriées.

> Consultez l’outil Défoule-toi