D’un côté, la grisaille de novembre aggravée par une terrible pandémie. De l’autre, une petite lampe qui brille allègrement au petit matin. Les forces sont inégales, mais la modeste lampe peut jouer un grand rôle dans le combat contre la déprime.

« Je pense que la luminothérapie est un outil de plus que les gens peuvent utiliser », déclare la psychologue Marie-Pier Lavoie, spécialiste de la dépression saisonnière et de ses traitements. « En plus, en télétravail, c’est plus facile d’avoir sa lampe de luminothérapie sur la table de cuisine ou dans son bureau. »

La luminothérapie a fait ses preuves pour combattre la dépression saisonnière. « C’est en 1984 qu’on a vu les premières recherches scientifiques sur le sujet spécifique de la luminothérapie, raconte Mme Lavoie. Depuis ce temps, ç’a été étudié en long et en large, selon les différentes longueurs d’onde, les différents types de lumière. Ça fonctionne très bien, principalement pour les gens qui ont des symptômes de dépression saisonnière, mais on commence à voir d’autres utilisations. »

Il y a ainsi eu des études sur les effets bénéfiques de la luminothérapie pour celles qui souffrent du syndrome prémenstruel ou encore pour les gens qui sont déprimés lors de la récidive de certains cancers. « Il semblerait que ça fonctionne, mais ce sont des études plus limitées en fait d’échantillons, note Mme Lavoie. Mais pour la dépression saisonnière, on ne peut pas se tromper, ça marche pour 80 % des gens. C’est quand même bien. »

On ne sait pas trop pourquoi la luminothérapie ne fonctionne pas pour 20 % des gens.

Comme n’importe quelle médication, il y a toujours des gens pour qui le traitement ne fonctionne pas. Pour ceux-là, on va utiliser de la médication. Pour les symptômes de dépression saisonnière, l’idée d’aller dehors, de pratiquer une activité physique, on a aussi démontré que ça pouvait être efficace.

Marie-Pier Lavoie, spécialiste de la dépression saisonnière et de ses traitements

Petit problème, très souvent, les gens qui sont atteints de dépression saisonnière n’aiment ni le froid ni l’hiver. « Il faut un peu les motiver pour les faire sortir, pour qu’ils trouvent de nouvelles activités. »

Augmenter « l’hormone du bonheur »

Beaucoup de personnes se sentent un peu déprimées à l’approche de l’hiver. On parle de 20 % de la population dans les pays nordiques, comme le Canada ou les pays scandinaves. Cette déprime serait beaucoup plus aiguë et prendrait carrément la forme d’une dépression pour de 1,7 à 2,2 % de la population canadienne. La luminothérapie peut aider.

« Ce que les études montrent, c’est que la lumière traverse les différentes couches de l’œil et va vers la rétine, raconte Mme Lavoie. De là part un message au cerveau pour augmenter entre autres la production de sérotonine et inhiber la mélatonine, qui est l’hormone qu’on produit le soir. »

La sérotonine, c’est un peu « l’hormone de la bonne humeur ».

« Ça a un effet direct, ce n’est pas quelque chose qui prend 10 jours à fonctionner, rappelle Mme Lavoie. Ça influence l’humeur, l’énergie, l’appétit. »

D’ailleurs, les médecins qui prescrivent des antidépresseurs suggèrent parfois à leurs patients de faire de la luminothérapie en attendant que les médicaments fassent effet, ajoute-t-elle. Dans certains cas, ça peut prendre de quatre à six semaines.

Il y a évidemment certaines règles à suivre : il faut se procurer une véritable lampe de luminothérapie d’une intensité d’au moins 10 000 lux. Par comparaison, la lumière dans un bureau varie entre 300 et 500 lux.

Il existe des lampes qui simulent le lever du jour afin de faciliter le réveil, mais il ne s’agit pas de véritables lampes de luminothérapie. « Ce n’est pas mauvais, mais on n’est pas à 10 000 lux », dit Mme Lavoie.

Il faut s’exposer une trentaine de minutes, préférablement le matin.

Parfois, les gens me disent qu’ils ont une petite baisse après le dîner et qu’ils souhaiteraient alors faire de la luminothérapie. Ce n’est pas une bonne idée parce que ça pourrait occasionner de l’agitation et de la difficulté à dormir. C’est un peu comme prendre un ou deux cafés, c’est vraiment énergisant.

Marie-Pier Lavoie, spécialiste de la dépression saisonnière et de ses traitements

Autrement, il y a peu d’effets secondaires : une possibilité de maux de tête, de sécheresse oculaire. On recommande alors de reculer un peu la lampe au-delà de la distance recommandée de 30 centimètres et de la rapprocher graduellement au fil des jours.

Il y a certaines contre-indications, essentiellement pour les gens qui ont des problèmes oculaires comme la dégénérescence maculaire ou le glaucome, ou pour les gens qui prennent des médicaments qui entraînent une sensibilité à la lumière.

Marie-Pier Lavoie recommande à ceux qui souffrent de dépression saisonnière de ne pas attendre les jours sombres de novembre et de commencer la luminothérapie dès le début de l’automne, avant l’apparition des symptômes de dépression. « Après leur apparition, c’est plus difficile de les faire disparaître. »

Elle suggère également de ne pas mettre fin trop tôt au traitement et donc de le poursuivre jusqu’en avril. « Je recommande de diminuer graduellement, comme on fait avec un antidépresseur, soit de diminuer la durée de l’exposition ou de la faire une journée sur deux. »

Pas besoin de dépenser une fortune pour une lampe de luminothérapie : la plupart des lampes vendues dans les grandes chaînes de pharmacie (et même dans les grandes surfaces) font très bien l’affaire. Il suffit de vérifier qu’elles ont bien une intensité minimum de 10 000 lux, qu’elles ont une surface suffisamment grande et qu’il ne s’agit pas de lampes de type DEL qui émettent une lumière bleutée, qui pourraient endommager l’œil.

Chez Jean Coutu, les ventes de lampes de luminothérapie augmentent fortement en novembre et en décembre. On ne sait pas encore si les lampes s’envoleront plus rapidement en cette période de pandémie.

« On me dit que la situation pour ce produit a été stable au cours des dernières années, déclare Geneviève Grégoire, chef des communications du groupe. Il restera à voir si cette année sera différente. »