(Montréal) Les internautes soulagent le stress que leur cause leur utilisation de Facebook en se divertissant ailleurs sur Facebook, au lieu de carrément se débrancher, ont constaté des chercheurs européens.

Un examen des habitudes de 444 utilisateurs de Facebook a ainsi démontré qu’ils alternent entre une conversation avec des amis, la lecture de nouvelles et la mise à jour de leur profil au fur et à mesure que chaque activité devient stressante, ce qui augmenterait le risque de dépendance envers la technologie.

Les chercheurs de l’Université de Lancaster, de l’Université de Bamberg et de Friedrich-Alexander Univeristät Erlangen-Nürnberg précisent que Facebook devient alors un mécanisme d’adaptation au stress dont il est lui-même responsable.

Même si cela peut paraître paradoxal, il n’y a là absolument rien de surprenant, a assuré Nadia Seraiocco, une doctorante de l’UQAM.

« Les créateurs de ces plateformes-là les ont conçues, et de plus en plus continuent à les concevoir, pour retenir notre attention, a-t-elle dit. Le réseau qui […] est la cause de notre anxiété, au lieu de s’en distancier et d’aller faire autre chose, on va dire, “distrayez-vous ici”. Ça ne peut pas être sain. »

Dans le cas précisément de Facebook, poursuit-elle, on a essayé de reproduire le plus d’éléments possible de ce qu’était notre quotidien avant l’arrivée de telles plateformes gigantesques, à l’époque où notre activité en ligne était morcelée entre plusieurs lieux.

« On ouvrait notre ordinateur, on allait voir nos courriels, on allait sur le site d’un média, de là on allait voir ce qui se passait sur YouTube…, a-t-elle illustré. Tandis que maintenant, quand vous arrivez sur Facebook, vous pouvez rester captif de la plateforme pendant plusieurs heures parce que tout ce que vous voulez faire, même un peu de (magasinage) avec Marketplace, vous allez le trouver sur la plateforme. Tous vos amis pratiquement sont là, les causes et les médias que vous suivez ont aussi une présence sur Facebook. »

Et c’est ce que Facebook souhaite, ajoute Mme Seraiocco. Il n’y a aucun hasard à entendre Facebook évoquer la possibilité de présenter sur son site de la musique, des films ou même des séries télévisées.

« C’est l’idée de nous garder là, parce que plus vous êtes là, plus vous passez de temps, plus la publicité qu’on va vous diffuser ou les données que vous allez livrer à la plateforme ont une valeur marchande élevée. C’est ça l’intérêt de nous garder là tout le temps », a-t-elle expliqué.

Plusieurs anciens employés ne s’en cachent d’ailleurs pas : tout est pensé et conçu pour nous retenir le plus longtemps possible.

Il y a quelques années, lors de conférences sur l’utilisation des réseaux sociaux, Mme Seraiocco se souvient d’avoir conseillé à ses auditeurs d’aller prendre l’air quand une conversation en ligne devenait un peu trop difficile, au lieu de se lancer dans une argumentation sans fin.

« Là, ce qu’on va vous dire, c’est plutôt, “faites votre relaxation en ligne, sur notre site, et allez dont magasiner des vélos sur Marketplace”, ce qui n’est pas tout à fait sain, a-t-elle déploré. À un moment donné, il faut se détacher de ça, mais on a pris l’habitude de rester connectés. On est dans un univers un peu fermé, même si on ne s’en rend pas compte. »

Les conclusions de cette étude sont publiées par Information Systems Journal.