Manger une tomate stressée peut sembler peu tentant. Pourtant, les fruits et légumes qui vivent un stress - chaleur, rayons UV ou pression - se conservent plus longtemps, selon des recherches menées au Centre de recherche et de développement en horticulture d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Pourquoi? Parce que pendant que la plante est occupée à se défendre contre cette agression en activant différents mécanismes, elle consacre moins d'énergie à mûrir. «C'est une hypothèse à vérifier», indique Marie-Thérèse Charles, la chercheuse qui mène ces travaux innovateurs.

Exemple probant: des fraises ont été soumises à une chaleur de 45°C pendant une heure ou deux avant d'être entreposées à 4°C, comme si elles étaient dans votre frigo. Douze jours plus tard, ces fraises traitées thermiquement étaient nettement moins moisies que des fraises témoins. «Même si les agents pathogènes sont présents, leur croissance est inhibée», indique Mme Charles.

Des tomates ont également été traitées en laboratoire aux rayons UV-C, qui n'atteignent normalement pas les plantes puisqu'ils sont filtrés par la couche d'ozone. Un court traitement d'une minute a permis de ralentir d'une manière significative le processus de maturation. «Ça pourrait donner un avantage aux producteurs qui envoient leurs produits dans un marché éloigné, fait valoir Mme Charles. Ils ne veulent pas que la maturation se déclenche trop vite.»

Les vertus des UV

La scientifique a noté d'autres avantages: «Certaines molécules employées pour la défense des plantes sont aussi bonnes pour notre santé», souligne-t-elle. On a ainsi démontré une augmentation de la teneur en composés phénoliques (aux vertus antioxydantes) des tomates traitées aux UV.

Autre expérience: des tomates ont été placées sous pression pendant plusieurs jours, ce qui a aussi freiné leur maturation. Des différences significatives de poids, de couleur, de concentration de lycopènes et de fermeté ont été démontrées, à l'avantage des tomates ayant subi un traitement hyperbare.

«Plus la pression est élevée - jusqu'à un certain point -, plus marqué est le ralentissement du processus de maturation», indique Mme Charles. Intéressant pour les transporteurs de fruits et légumes, qui pourraient s'équiper de camions hyperbares.

Un créneau d'avenir

Sans danger pour les humains, selon la chercheuse, ces traitements ont fait l'objet d'articles scientifiques, mais ne sont pas encore appliqués à grande échelle. «Nous pensons que c'est un créneau d'avenir, dit Mme Charles. On me demande parfois si c'est réalisable technologiquement. Il y a du travail à faire, c'est sûr. Mais comme je le dis souvent à mes collaborateurs, on est allés sur la Lune, non?»