Mazout, cendres chargées de métaux, charbon, remblais issus de fonderies, déchets domestiques... Les risques d'habiter en terrain contaminé sont bien réels et plutôt difficiles à éviter.

Le Québec a beau être doté de lois environnementales très strictes, cela n'atténue que très peu le risque de se retrouver un jour propriétaire d'une maison entourée de sols contaminés. La réglementation est souvent ignorée et les dangers pour la santé sont très mal documentés.

En inspection préachat, l'inspecteur sera à l'affût d'odeurs d'hydrocarbures ou d'indices pointant vers un possible réservoir de mazout enfoui. À défaut de signes visuels ou olfactifs, toute autre forme de contamination de sol lui échappera.

Dans un nouvel ensemble résidentiel établi sur d'anciennes terres agricoles, les risques de contamination de sol sont plutôt faibles. Partout où il y a déjà eu activité commerciale, industrielle ou résidentielle, cependant, le sol peut très bien contenir des hydrocarbures, des métaux ou des biogaz.

«Sur un terrain destiné à des logements communautaires, on a découvert qu'une église avait brûlé dans les années 50. Les sols étaient contaminés au plomb. L'organisme a dû dépenser 200 000 $ seulement pour retirer les sols», indique Gilles Michaud, géologue consultant en terrains contaminés chez Envirodoc.

Quand la maison ou les logements sont déjà en place lors de la découverte du sol contaminé, il y a perte de valeur foncière, risques inconnus pour la santé et d'interminables procédures pour attribuer la responsabilité et obtenir réparation, sans l'appui des assureurs.

«Il y a peu d'études épidémiologiques pour établir les effets sur la santé d'un contaminant dans le sol, dit Gilles Michaud. L'aspect administratif de la gestion de ces sols est extrêmement contraignant et, souvent, la réglementation ne s'appuie pas sur la science.»

Voici les principales sources de contaminants qui peuvent se retrouver en zone résidentielle habitée.

• Cendres d'incendies

À beaucoup d'endroits, les cendres et le bois carbonisé de bâtiments incendiés ont été enfouis sur le lieu du sinistre. Le plomb de la peinture se retrouve dans le sol à des seuils qui dépassent l'admissibilité en secteur résidentiel. On y retrouve aussi souvent des métaux comme le zinc et le cuivre.

• Dépôts de charbon

À l'époque où l'on chauffait au charbon, il était pratique courante d'aller déposer les cendres encore chaudes au bout de la cour. Dans des quartiers comme le Plateau Mont-Royal ou Hochelaga-Maisonneuve, les enfants qui vont gratter la terre au fond du jardin peuvent entrer en contact avec des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et des métaux lourds.

• Mazout

De l'« huile à chauffage » peut avoir fui d'un tuyau de remplissage ou d'un réservoir, enfoui sous terre ou pas. «Quand j'entre chez les gens et qu'il y a une odeur de mazout, mon visage devient rouge et j'ai l'impression que ma pression monte. Souvent, l'odeur ne semble pas avoir d'effet sur ceux qui habitent là depuis des années», illustre l'expert Gilles Michaud. La décontamination est très coûteuse.

• Matières résiduelles

À Montréal et ailleurs, d'anciennes carrières ont servi de lieu d'enfouissement de matières résiduelles (déchets domestiques). On en a fait des parcs, mais aujourd'hui, plusieurs propriétaires découvrent que leur bout de rue repose sur un ancien dépotoir. C'est le cas notamment autour du parc Baldwin, par exemple, où le sol s'affaisse par endroits et où des biogaz s'échappent sans que le phénomène soit adéquatement documenté.

• Remblais industriels

Des fonderies ont longtemps distribué gratuitement ou presque certains de leurs résidus industriels comme remblais pour les routes ou les terrains résidentiels. À Joliette, on retrouve des sables de fonderie contenant du nickel et d'autres métaux à beaucoup d'endroits. À Varennes, une usine de phosphate a largement distribué des scories faiblement radioactives.

• Souvenirs d'une autre époque

Selon les lois québécoises, tous les lieux d'enfouissement et les sites d'activité à risque (station-service, activité industrielle et autres) doivent faire l'objet d'une réhabilitation selon des protocoles stricts avant d'être convertis à l'usage résidentiel. Cela n'a pas empêché des résidants d'un nouveau lotissement à Terrebonne de découvrir sur leur terrain, à partir de 2006, des éclats de verre, du métal tordu et des pneus provenant d'un ancien dépotoir illégal connu des autorités.

À qui la responsabilité?

Des sols qui auraient été contaminés avant que l'on devienne propriétaire peuvent représenter un vice caché. Cependant, selon Me Natale Screnci, en matière de vice caché, il n'y a rien d'automatique.

«S'il y avait des signes visibles comme des tuyaux ou un réservoir à mazout, des odeurs, une mention au registre foncier, ou si la contamination était connue du public, on pourra difficilement faire valoir qu'il s'agit d'un vice caché».

Pour exercer avec succès un recours en vice caché contre un ancien propriétaire, il faut démontrer que la contamination nuit à l'usage auquel l'acheteur destine la propriété lors de l'achat. S'il l'avait su, il n'aurait pas payé si cher, ou ne l'aurait pas achetée. La contamination doit avoir un impact à la baisse sur la valeur marchande de la propriété et doit en diminuer l'usage normal.

Un propriétaire qui a vendu sans garantie légale de qualité peut quand même faire l'objet d'une poursuite. Il doit avoir commis un dol en mentant ou en induisant en erreur l'acheteur au sujet de la qualité du sol.

Selon les circonstances, l'acheteur pourrait aussi choisir d'exercer un recours fondé sur une limitation de droit public, explique Me Screnci. Il fera alors valoir qu'on lui a vendu un bien qui, au moment de la vente, n'était pas conforme aux lois de l'environnement.