Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui marquent la vie urbaine.

Son implication est partout à Montréal, a-t-on souligné quand il a remporté le prix de l’Engagement social donné par l’Ordre des architectes du Québec en 2019.

La firme de Ron Rayside est effectivement derrière des projets d’un bout à l’autre de l’île, que ce soit la Corporation Maribourg, dans Pointe-aux-Trembles, qui donnera lieu à 700 logements à loyer abordable, la Maison d’Haïti, dans Saint-Michel, ou la conversion d’une église de Ville-Émard en salle de spectacle, le Théâtre Paradoxe.

Mais son quartier, c’est le Centre-Sud, où il vit depuis 45 ans – dans le même immeuble de la rue de la Visitation – et où sont les bureaux de Rayside Labossière (pour laquelle il est pratiquement bénévole depuis 24 ans). Son équipe compte parmi ses réalisations le pavillon de la mode de l’UQAM, le Refuge des jeunes, les locaux de l’organisme Cactus, du journal L’Itinéraire, etc.

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La firme Rayside Labossière, qui occupe le 1215, rue Ontario Est, se consacre à l’architecture sociale, à l’urbanisme communautaire, au design et au développement durable.

Pour le Montréalais de 76 ans, l’architecture est « de rendre physiques les aspirations de gens » et de les inspirer. « C’est aussi de donner une maison à une vocation sociale. »

« Il n’y a pas de petite ou grande architecture : elle est partout dans la vie quotidienne », plaide-t-il.

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Le bâtiment d’origine de la firme Rayside Labossière, rue Ontario, fut l’un des premiers certifiés LEED en 2005. L’an dernier, son projet d’agrandissement a aussi été certifié des normes du Bâtiment à carbone zéro (BCZ).

Au-delà de sa profession, Ron Rayside est un « développeur social », comme en témoigne la liste d’innombrables tables de concertation, de comités de quartier et de conseils d’administration dont il fait partie. Très impliqué dans le milieu de la santé, il a notamment été président du centre de santé et de services sociaux Jeanne-Mance.

Depuis ses débuts, Rayside Labossière est une entreprise privée portée par des valeurs écologiques et dont les profits sont majoritairement réinvestis à des fins sociales comme dans un OBNL.

Et pourquoi ne pas avoir plutôt choisi de dessiner les plans de maisons luxueuses ? lance-t-on à son fondateur. Ron Rayside souligne avoir été inspiré par Joseph Baker, son professeur de l’Université McGill. Ce dernier a nourri les premières réflexions sur le logement social dans une perspective d’équité, alors qu’on assistait à l’émergence des premières cliniques juridiques et communautaires.

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Ron Rayside, sur le toit vert de sa firme. Il a remporté en 2013 le prix Thérèse-Daviau, qui désigne la personnalité citoyenne montréalaise de l’année.

Dans les années 1970, Ron Rayside a été l’architecte du chantier de la ville de Fermont. Avant de délaisser quelque peu sa profession pour s’impliquer dans des presses militantes, il a prêté son expertise à l’ouverture d’une garderie dans le Mile End. C’était bien avant la création des centres de la petite enfance en 1997 – et ce fut la première d’une longue série (Sourithèque, Enfants Soleil).

En 1985, Ron Rayside a cofondé la firme BDPR et celle qui porte son nom a vu le jour en 2000, avant qu’Antonin Labossière devienne son associé.

Une crise du logement sans précédent

Que pense Ron Rayside de la crise du logement qui fait les manchettes chaque jour ? « Depuis que je pratique, c’est la première fois que la crise du logement est à ce point à l’échelle de la province et du pays », dit-il d’emblée.

Ce n’est pas une crise du logement, c’est une crise du logement abordable. Ce n’est pas juste l’offre et la demande. Il faut ajouter l’abordabilité dans l’équation.

Ron Rayside

On a assisté à une explosion des coûts de construction, mais aussi des terrains qui se vendent plus cher que leur valeur réelle (à cause de leur zonage, par exemple). Résultat : les acteurs de la construction immobilière veulent rentabiliser leur achat. « Si tu achètes un plex trop cher, tu vas davantage augmenter les loyers. Ça s’appelle la nature humaine », illustre-t-il.

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La firme Rayside Labossière a signé l’architecture de la Phase 1 de Cité Angus.

C’est pourquoi Ron Rayside croit fermement au dialogue et à la transparence quand il est question de densité et d’abordabilité, par exemple. « Il faut partager les connaissances, les données et les chiffres. Moi, je partage les calculs de mon raisonnement. »

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Rayside Labossière compte une cinquantaine d’employés : des architectes, des technologues, des dessinateurs, des designers, etc.

Il croit en la bonne volonté des élus, promoteurs et groupes citoyens, mais ces derniers doivent pouvoir partager leurs préoccupations et leurs intentions. Sinon, chaque acteur a des œillères sur sa plate-bande et est « en réaction » avec la vision de l’autre.

C’est utile que le milieu communautaire sache le potentiel que voient les promoteurs et que ces derniers connaissent les préoccupations des gens du quartier.

Ron Rayside

Et que pense-t-il de l’urgence de construire ? « C’est à géométrie variable, répond-il. Des fois, l’urgence n’est pas de savoir si les travaux vont commencer en 2025 ou en 2026, mais dans le temps écoulé depuis le début de l’annonce. »

Patience

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Ron Rayside est un membre fondateur du comité-conseil Tous pour l’aménagement du Centre-Sud (TACS). Il a aussi fait partie du Comité des abords du pont Jacques-Cartier et du Comité-conseil de la Maison Radio-Canada, pour ne nommer que ceux-ci.

La patience est certainement l’une de grandes qualités de Ron Rayside, qui ne compte plus les heures de rencontres citoyennes auxquelles il a participé (parfois tous les soirs de semaine !), notamment pour l’ancien site de l’Hippodrome

Oui, des zones avec des terrains en friche mettent du temps à se revitaliser. Or, les choses finissent par se faire… La preuve : quelques jours après notre entrevue, la Ville a annoncé son plan directeur pour l’Hippodrome.

Il y a aussi le CHUM, pour lequel Ron Rayside a plaidé en faveur d’un emplacement au centre-ville (après des années de débat) avant de faire partie du comité consultatif.

Un signe plus récent d’espoir ? La conversion à Laval de l’ancien couvent des Sœurs missionnaires de l’Immaculée-Conception en quartier général d’entreprises d’économie sociale par le Collectif Autour d’une tasse. Le nom du projet : Le Village au bord de la rivière. « Nous avons mis tout le monde autour de la table », se réjouit Ron Rayside.

Et « son » Village ?

L’architecte qui a toujours eu l’itinérance à cœur s’en fait toutefois pour son quartier.

Le Village, je ne l’ai jamais vu comme ça en 45 ans. C’est l’intensité des problèmes sociaux qui me frappe.

Ron Rayside

L’équilibre est si complexe entre le droit de vivre et la sécurité du voisinage, expose-t-il.

L’architecte se demande aussi si la population saisit à quel point le Centre-Sud sera transformé avec le futur Quartier des faubourgs (ce qui comprend les anciennes Brasserie Molson et Maison de Radio-Canada, et l’Esplanade Cartier). « Ce sont 13 000  logements et 25 000  personnes qui vont s’ajouter aux 50 000 personnes du Centre-Sud. Est-ce que les gens en saisissent l’ampleur ? »

C’est pourquoi il compte organiser un évènement avec tous les acteurs impliqués – des promoteurs aux citoyens en passant par la Corporation de développement communautaire du Centre-Sud – pour que tous aient la même vue d’ensemble. Il veut poursuivre ce pour quoi il a remporté de nombreux prix en carrière : « instaurer un climat de collaboration ».