Même si les terrains sont rares et chers, densifier la ville ne veut pas toujours dire construire de hautes tours de copropriétés. Dans Rosemont, la firme L. McComber a trouvé le moyen d’abriter quatre familles… dans une ancienne cour arrière. Une réalisation audacieuse, qui comportait son lot de défis.

L’immense cour du voisin, avec ses arbres à maturité, montre ce qui se trouvait là où s’élèvent aujourd’hui les deux duplex identiques du projet Les répliques, conçus notamment par l’architecte Olivier Lord, du cabinet L. McComber. Les habitations ont en effet été construites sur une partie d’un ancien lot traversant, qui s’étendait de l’avenue Jeanne-D’Arc à l’avenue Charlemagne, tout près du Jardin botanique.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

L’architecte Olivier Lord, devant les duplex qui abritent quatre logements de trois chambres, tous sur deux niveaux

En plein cœur de la ville, on trouve encore ici et là des parcelles prêtes à accueillir de nouvelles constructions, qui représentent autant d’occasions de densifier la ville pour éviter l’étalement urbain et protéger les derniers milieux naturels du Grand Montréal. « On a eu une commande d’un promoteur pour développer ce terrain, explique Olivier Lord. Pour des enjeux de rentabilité, mais aussi de densification, nous avons visé son potentiel maximal. »

Les duplex occupent ainsi l’essentiel des deux nouveaux lots, peu profonds, créés par subdivision. À l’avant, les façades sont à peine en retrait et les cours arrière, minuscules, ne sont accessibles que par les logements. Afin de compter sur quatre étages sans détonner dans le voisinage, riche en duplex, les architectes ont opté au dernier niveau pour un revêtement métallique plus discret que la brique orangée utilisée sur les trois premiers. « Ça nous a donné l’espace pour proposer quatre logements assez grands pour des familles », se félicite Olivier Lord.

Le pari de la qualité

Si l’on perçoit l’effort pour maximiser l’utilisation du terrain à l’extérieur, on ne se sent absolument pas à l’étroit une fois à l’intérieur. Au contraire. Lumière abondante, vue dégagée, plafonds élevés, terrasse, balcon et pièces polyvalentes... Josianne Pelletier se pince encore d’habiter un appartement de près de 1900 pi2 sur les deux derniers étages de l’un des duplex, avec son conjoint et leur fils. « On n’en revient pas d’avoir trouvé cette propriété ! », lance-t-elle.

  • Le bloc de service abrite une salle de lavage et une salle d’eau, en plus de la plomberie qui dessert la salle de bains familiale, à l’étage du dessus. Il sépare l’espace consacré à la cuisine et à la salle à manger, à droite, et le salon, au fond à gauche.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Le bloc de service abrite une salle de lavage et une salle d’eau, en plus de la plomberie qui dessert la salle de bains familiale, à l’étage du dessus. Il sépare l’espace consacré à la cuisine et à la salle à manger, à droite, et le salon, au fond à gauche.

  • Le salon, en partie en saillie, profite de grandes fenêtres.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Le salon, en partie en saillie, profite de grandes fenêtres.

  • Ce bureau a été converti en atelier par la famille, mordue de vélo. À l’arrière, on aperçoit la cuisine et la grande porte-fenêtre qui donne sur une terrasse.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Ce bureau a été converti en atelier par la famille, mordue de vélo. À l’arrière, on aperçoit la cuisine et la grande porte-fenêtre qui donne sur une terrasse.

  • Aménagé au-dessus du salon, ce petit balcon jouxte la chambre principale, au niveau supérieur.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Aménagé au-dessus du salon, ce petit balcon jouxte la chambre principale, au niveau supérieur.

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Passionnés de vélo, ils ont aménagé un atelier dans le petit bureau qui se trouve au premier niveau, où sont réunis la cuisine, la salle à manger et le salon.

Un bloc de service, qui abrite une salle de lavage et une petite salle d’eau, occupe le centre de cet étage. Recouvert de panneaux de chêne, ce volume divise les espaces communs sans gêner la circulation entre eux.

La plomberie qu’il abrite dessert aussi la salle de bains familiale située à l’étage du dessus. Les architectes ont eu recours au même procédé dans tous les logis. « On fait des économies avec ce genre d’astuces, ce qui nous permet d’opter pour des matériaux de plus grande qualité dans les salles de bains », explique Olivier Lord.

Le souci du détail dans la conception des lieux enchante la propriétaire. Une porte coulissante au sommet de l’escalier qui mène aux trois chambres de l’étage coupe ainsi, au besoin, le bruit qui provient des pièces de vie, en bas. « On sent partout la touche des architectes, on l’apprécie beaucoup », dit Josianne Pelletier.

Une contrainte à la fois

Densifier la ville avec des projets de qualité pour attirer de nouvelles familles dans des quartiers bien établis n’est pas une mince affaire, souligne l’architecte Laurent McComber, fondateur de la firme qui porte son nom.

Plus la ville est dense, plus il y a des défis d’intimité avec les voisins (vis-à-vis), d’espaces extérieurs intéressants, d’acoustique, énumère-t-il. Il faut aussi faire attention afin de ne pas endommager les fondations des vieux immeubles existants au moment des travaux. « C’est beaucoup plus difficile que de construire des bungalows comme on le fait depuis 50 ans, lance Laurent McComber. Ça demande plus de créativité. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Les projets d’insertion font face à des contraintes réglementaires particulières et les délais pour un permis peuvent être très longs, ce qui en menace certains.

Les projets d’insertion dans un milieu bâti font aussi face à des contraintes réglementaires particulières. Les délais pour obtenir un permis sont imprévisibles et peuvent parfois dépasser les 12 mois, en fonction de décisions qui se prennent par les comités consultatifs d’urbanisme de chaque arrondissement. « C’est pire depuis la pandémie, assure Laurent McComber. Le système est devenu tellement complexe, difficile à maîtriser... Il faudrait embaucher davantage de professionnels compétents. »

Si rien ne change, des projets seront abandonnés, ajoute l’architecte. « La rentabilité est en jeu, précise-t-il. Déjà, avec la hausse des taux d’intérêt, il y a de petits promoteurs qui vendent à perte. » Laurent McComber salue néanmoins l’adoption de certaines mesures d’encouragement par les autorités municipales, dont celle qui récompense la construction de logements d’au moins trois chambres en réduisant certaines charges pour les promoteurs.

Pour une ville plus heureuse

Malgré les contraintes, la densification à échelle humaine de la ville, avec des projets comme Les répliques, vaut le coup, croit Laurent McComber. Elle dynamise un quartier, déjà bien vivant ou pas, davantage que ne le feraient des projets qui multiplient les petits appartements dans d’immenses constructions.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

La densification à échelle humaine dynamise davantage la ville que les projets qui multiplient les petits appartements dans de hautes tours, croit l’architecte Laurent McComber.

Insérer des tours dans des quartiers résidentiels, ça s’est fait dans les années 1960, autour du parc La Fontaine ou dans Côte-des-Neiges. Tout le monde s’entend pour dire que c’est malheureux.

Laurent McComber, architecte fondateur de la firme L. McComber

« Ça ne fait pas de beaux milieux de vie. Les grandes tours créent aussi des problèmes de vent extrêmement désagréables », ajoute-t-il.

« Habiter dans une tour avec un ascenseur, ça nous éloigne de la ville et de son foisonnement, poursuit l’architecte. Quand il suffit de descendre quelques niveaux, comme dans les villes européennes ou même dans plein de quartiers de Montréal, pour aller chez le fleuriste ou dans un petit commerce, on participe à la vie publique, on contribue à une vie heureuse en ville. Refaire des Griffitown à Montréal, Laval ou sur la Rive-Sud, c’est triste à mourir. »

Chose certaine, si les voisins du projet Les répliques, construit en pleine pandémie, songent à vendre une partie de leur terrain, les architectes de L. McComber sont tout à fait disposés à répéter l’expérience. « Les plans sont déjà faits », dit en rigolant Olivier Lord.

Consultez le site de L. McComber
En savoir plus
  • À partir de 775 000 $
    Le prix demandé pour les deux logements du bas du projet Les répliques était de 775 000 $, taxes incluses. Les deux logements du haut ont été mis en vente à 850 000 $.
    Source : L. McComber