(Palo Alto, Californie) Les maisons Eichler incarnent le style le plus connu des maisons californiennes dans le monde. Ces pavillons d’un étage, aux vitres qui s’étendent du plafond au sol et brouillent les frontières avec l’intérieur et l’extérieur, ont même inspiré des architectes du Québec comme Roger d’Astous. Plus de 60 ans après leur naissance, elles suscitent toujours l’enthousiasme en Californie.

Seminole Way. Dans cette rue résidentielle et tranquille de Palo Alto, ville cossue au cœur de la Silicon Valley et berceau de l’Université Stanford, les maisons Eichler se succèdent et ne se ressemblent pas toujours.

Les points communs, d’abord : les maisons qui offrent à la rue une porte d’entrée souvent colorée, encadrée de bois et de piliers, dérobent à la vue des passants la vie de leurs occupants. Les « vouereux » devront se contenter de la porte de garage, côté rue.

Les différences, maintenant : certaines ont été retapées, remises au goût du jour, voire agrandies (avec un étage supplémentaire). D’autres ont gardé de l’époque de leur construction, dans les années 1950 et 1960, les couleurs marron.

PHOTO FOURNIE PAR MONIQUE LOMBARDELLI

Parce qu’on est aux États-Unis, la voiture et le garage (simple ou double) sont aussi des éléments clés des Eichler.

On compte pas moins de 11 000 maisons développées par le promoteur immobilier Joseph Eichler dans la Californie d’après-guerre. Ces maisons destinées aux classes moyennes se trouvent en grande partie à Palo Alto, dans la Silicon Valley, mais aussi au nord de San Francisco, dans les collines de Marin. Aujourd’hui, l’engouement pour ce style de maison inspiré de l’architecture moderne américaine ne se dément pas.

Âme

Depuis le début des années 2000 et le retour du style « Mid-Century Modern » — pensez au décor de la série Mad Men : meubles en teck, chaises Herman Miller, espaces ouverts et baies vitrées, ou encore, à certains intérieurs dans C’est comme ça que je t’aime —, les maisons Eichler connaissent un regain de popularité.

« Je me souviens de l’époque ou la moitié des propriétaires d’Eichler se plaignaient des problèmes qu’ils avaient dans ces maisons — chaleur radiante défaillante, toits plats qui coulent —, mais aujourd’hui, tout a changé », dit Marty Arbunich, propriétaire et éditeur d’Eichler Network, un magazine et réseau d’aide aux propriétaires de maisons Eichler depuis 1993.

Consultez le site d’Eichler Network (en anglais)

Comme le savent bien des propriétaires d’habitations au fort parti pris architectural, comme Habitat 67, la préservation et la modernisation d’une Eichler peuvent en effet présenter un certain défi. Le plus commun d’entre eux : l’incompréhension de ce design bien éloigné des maisons traditionnelles.

  • Cette maison Eichler située à Los Altos, dans la Silicon Valley, est actuellement affichée à 3,9 millions US.

    PHOTO FOURNIE PAR MONIQUE LOMBARDELLI

    Cette maison Eichler située à Los Altos, dans la Silicon Valley, est actuellement affichée à 3,9 millions US.

  • Elle a conservé ses attributs d’origine : forte présence de bois, baies vitrées sur toute la hauteur des murs et atrium.

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    Elle a conservé ses attributs d’origine : forte présence de bois, baies vitrées sur toute la hauteur des murs et atrium.

  • La cuisine est de taille plus modeste.

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    La cuisine est de taille plus modeste.

  • Cette maison offre un espace de vie ouvert et tourné vers le jardin.

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    Cette maison offre un espace de vie ouvert et tourné vers le jardin.

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Consultez la fiche de la maison actuellement en vente (en anglais)

Pensez espaces ouverts, mais aussi petites salles de bains et cuisines de taille plus modeste. Le toit est plat, et les maisons respectent un certain plan afin de préserver l’intimité des voisins. Un deuxième étage, qui peut être tentant pour les amateurs d’espace, peut ainsi offrir une vue sur les espaces de vie du voisin, ce qui dénature le concept. « Ce manque de compréhension est quelque chose que se partagent les nouveaux propriétaires et les entreprises de services qu’ils embauchent, croit M. Arbunich. Sans expérience de cette architecture et du style de vie qui va avec, ils ratent leurs travaux d’entretien et leur “remodels”, nouvelles cuisines et extensions. »

Style de vie

Quand il met la main sur sa maison Eichler de Los Altos, petite ville huppée située tout près de Palo Alto, au tournant des années 2000, Tanguy Leborgne, un Français expatrié aux États-Unis, décide de faire le moins de changements possible. La maison avait eu un seul propriétaire, qui l’avait achetée dès sa mise en vente, à la fin des années 1960.

« La maison était encore dans son état de 1968, et on a gardé tous les éléments d’origine, explique M. Leborgne. On ne connaissait pas ce style, mais on est tombés amoureux. »

Tanguy Leborgne élève avec sa femme leurs deux filles dans une maison tout ouverte sur un jardin avec piscine et atrium. Le couple décide de mettre sa maison en vente en 2016, après le départ de ses enfants. La maison est vendue rapidement, en surenchère, comme c’est habituellement le cas dans la baie de San Francisco. Mais la nostalgie est encore palpable quand tous deux évoquent le style de vie unique qu’ils ont pu avoir dans leur Eichler.

C’est un rêve de vivre dans ces maisons. On a l’impression de vivre presque à l’extérieur toute l’année. C’est un coup de cœur immense.

Virginie Leborgne, ex-propriétaire d’une maison Eichler

Visites

Dans la baie de San Francisco, l’une des régions où les salaires sont les plus élevés aux États-Unis, les maisons Eichler ne sont pas dans le haut de gamme immobilier. Mais il faut néanmoins être prêt à délier les cordons de la bourse pour devenir propriétaire de l’une d’entre elles, et être prêt à se lancer dans une guerre de surenchère.

PHOTO FOURNIE PAR MONIQUE LOMBARDELLI

À Palo Alto, plusieurs quartiers résidentiels ont été développés après la guerre par le promoteur Joseph Eichler.

Fait à noter, plusieurs agences sont spécialisées dans la vente et l’achat de ce type de propriétés, très demandées. « Le prix moyen d’une Eichler dans la Péninsule est de 2,6 millions US, et à ce prix, elles ne sont pas rénovées », prévient Monique Lombardelli, une agente immobilière de la Péninsule, qui a fait de ces maisons sa spécialité.

Monique Lombardelli estime que le marché moyen des maisons dans la région se situe autour de 6,7 millions US : « À moins de 3 millions US, les Eichler sont dans un sweet spot », croit celle qui compte dans ses inscriptions des maisons conçues par les maîtres de l’architecture moderne américaine.

Voyez les propriétés en vente de Monique Lombardelli (en anglais) Voyez la fiche d’une maison Eichler de Seminole Way vendue en 2019 (en anglais)

Vous n’êtes pas millionnaire : sachez que ces maisons se retrouvent aussi à la location, notamment près de Palo Alto. Selon nos observations, il faut compter au moins 4500 $US de loyer pour une maison moyennement rénovée qui respectera l’un des plans d’origine (1200 pi2, une chambre à coucher principale, deux petites chambres d’enfant, deux petites salles de bains), un prix qui n’a rien de délirant pour la région mais qui, on en conviendra, n’a rien d’une aubaine.

Nous en avons visité plusieurs, l’hiver dernier, dans les quartiers de Greenmeadow et Fairmeadow, à Palo Alto, mais aussi sur les collines de San Mateo, petite ville située au sud de San Francisco. Il y a un côté magique à voir les citronniers depuis sa chambre à coucher ; et avoir l’impression d’être en tout temps dehors, mais à l’abri des regards puisque les zones de vie sont tournées vers le jardin.

Les amateurs de rêverie immobilière peuvent aussi s’abonner à l’infolettre de Renée et Barry Adelmann, agents spécialisés dans les maisons modernes. Et se prendre à rêver d’un style de vie très californien…

Consultez le site d’Eichler Realtor (en anglais) Visitez une maison iconique de Roger D’Astous (en anglais)