L’isolation des maisons suscite beaucoup moins d’intérêt que leur décoration. L’entreprise Gaïaa Sources veut bouleverser les idées reçues en faisant découvrir une habitation témoin dont les murs, le plafond et les planchers ont été isolés avec des matériaux peu connus ici, biosourcés de surcroît. Les panneaux isolants naturels à base végétale ont en effet été fabriqués en se servant d’herbe inexploitée, d’ouate de carton et de papier compressé, ou encore de fibres de bois à haute densité.

Depuis la fin de mai, le prototype de l’entreprise, composé entièrement de produits biosourcés, soulève la curiosité dans le cadre d’une tournée panquébécoise qui se poursuit jusqu’au début de septembre. Trois des isolants mis en vedette (Gramitherm, fermacell et Steico) ne sont pas usuels de ce côté-ci de l’Atlantique. Ils sont pour l’instant de fabrication européenne. Mais Gaïaa Sources, établie à Sainte-Marie, en Nouvelle-Beauce, et présidée par Arnaud Gabrieli, qui a développé son expertise en Europe, espère stimuler la demande. Elle cherche parallèlement à démontrer les multiples avantages de la construction usinée.

« Notre but est de faire des constructions modulaires à faible empreinte environnementale avec des produits biosourcés, qui ont le meilleur bilan carbone possible et les meilleures résistances thermiques et hygrothermiques, explique Paul Roggeman, directeur du développement de l’entreprise. Les produits qui ont ces propriétés-là sont biosourcés. C’est pourquoi on les utilise. Ils sont très bons pour le bâtiment. On essaie de démontrer leur importance et le rôle qu’ils jouent, afin d’offrir de plus en plus de choix. »

Élargir les horizons

PHOTO FOURNIE PAR GAÏAA SOURCES

Trois types de panneaux isolants biosourcés (Gramitherm, Steico et fermacell) fabriqués en Europe se cachent derrière les murs, le plafond et sous le plancher. Les panneaux isolants Nature Fibres à base de chanvre, faits au Québec, n’ont pas été utilisés mais ils sont aussi mis de l’avant lors de la visite du module.

René Couture, conseiller stratégique principal de l’entreprise d’écomarketing E=MK2, encourage les efforts déployés par Gaïaa Sources pour élargir les horizons dans le domaine de la construction, au Québec. Paul Roggeman, faut-il préciser, est le fils du fondateur de Gramitherm, qui fabrique des panneaux isolants en fibres d’herbe, en Belgique. Il a fait ses études à HEC Montréal.

« Les matériaux biosourcés viennent de l’agriculture ou de la foresterie, explique sommairement M. Couture, qui accompagne les manufacturiers désirant prendre un virage vert. Le bois est un matériau qui vient de la nature et est biosourcé. C’est dans l’ADN de ces matériaux de couper le froid, d’absorber la chaleur et de gérer l’humidité, ce qu’on appelle l’hygrométrie. »

L’acceptation de nouveaux produits prend beaucoup de temps, déplore-t-il, citant l’exemple des panneaux d’isolation à base de chanvre fabriqués à Asbestos par Nature Fibres (à découvrir également dans la maison témoin).

Est-ce qu’on peut arrêter de dire ce qu’on va faire d’ici 2030 et cesser d’affirmer qu’on va être carboneutres en 2050 ? Ce sont de faux mots de politiciens. On fait encore des toitures en bardeaux d’asphalte !

René Couture, conseiller stratégique principal de l’entreprise d’écomarketing E=MK2

PHOTO FOURNIE PAR GAÏAA SOURCES

La présence du bois saute aux yeux dans ce prototype usiné présenté par Gaïaa Sources. Ce qui paraît moins, ce sont les produits biosourcés utilisés pour l’isolation des murs, du plafond et du plancher. Les panneaux employés sont à base d’herbe inexploitée, d’ouate de carton et de papier compressé, ou encore de fibres de bois à haute densité.

« Il faut ouvrir les yeux sur ce qui se fait ailleurs et sur des concepts testés en Europe, comme ce que fait Gaïaa Sources avec des matériaux industriels, sains et naturels, ajoute-t-il. Il faut cesser d’utiliser des produits qui devront être jetés à la fin de leur cycle de vie. Les matériaux biosourcés sont compostables ou recyclables. »

L’architecte Pierre Leclerc sait trop bien à quel point il est difficile d’innover dans le domaine de la construction. Il a hâte que d’autres intègrent dans leurs projets son concept écologique de module MoveHome, qui permet de gagner de 25 % à 40 % d’espace de vie en agrandissant la cuisine et le salon, le jour, tout en dormant dans une chambre spacieuse la nuit. C’est par esprit de solidarité qu’il a offert à Gaïaa Sources d’installer son prototype sur un terrain qu’il possède à Saint-Hubert, du 22 au 26 août.

« Tout est long et ardu dans l’industrie, constate le fondateur de Groupe Leclerc architecture + design. Mais il y a une ouverture d’esprit dans le domaine de la maison usinée, qui a beaucoup évolué depuis 20 ans. Les habitations sont souvent mieux construites que dans un chantier, et on s’aperçoit qu’il s’agit d’une solution à considérer, en temps de pénurie de main-d’œuvre et de délais dans la livraison de matériaux. »

Du bois à profusion

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La maison de campagne d’Emmanuel Cosgrove, à Wakefield, en Outaouais, est biosourcée.

« Les maisons biosourcées ne sont pas nouvelles au Québec », fait remarquer Emmanuel Cosgrove, directeur général d’Écohabitation et évaluateur sénior LEED Canada pour les habitations. Sa propre maison de campagne, à Wakefield, en Outaouais, en est un exemple. Il s’agit d’un des modèles usinés offerts par l’entremise de l’organisme à but non lucratif. Construite en visant la certification LEED v-4 Platine, la résidence de deux étages affiche un bilan carbone neutre. Le bois utilisé à profusion, les panneaux isolants en fibre de bois haute densité de marque Steico, à l’extérieur, et la cellulose dans les murs, un isolant naturel issu du papier journal non distribué, figurent parmi les matériaux biosourcés utilisés.

Lisez l’article sur la maison de campagne biosourcée d’Emmanuel Cosgrove

« Populariser le terme “biosourcé”, je trouve cela excellent, souligne-t-il en faisant allusion à la démarche de Gaïaa Sources. Il y en a très peu qui avancent ce terme-là au Québec. Qu’une entreprise choisisse, comme angle dans le domaine de l’habitation, de mettre ce terme de l’avant, c’est super. »

Le prototype, ancré jusqu’au 25 juillet à Grand-Métis, poursuivra son chemin pour se rendre à Larouche, à La Malbaie et à Cap-Santé, avant de s’arrêter à Saint-Hubert à la fin d’août. Son long voyage, entrepris en mai, se conclura à Val-des-Sources, au début de septembre.

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