Quand parasites et autres invités indésirables s’incrustent dans nos foyers, il faut parfois faire appel à un drôle d’oiseau pour s’en débarrasser : un exterminateur. Rompu à toutes les situations, même les plus critiques, ce professionnel vole au secours de ses clients, de résidence en résidence. Nous sommes montés dans la camionnette hyper équipée de Laurent Martin-Vaillancourt, fondateur de LM Extermination, le temps d’une journée, pour observer ses défis quotidiens. Au menu : un juteux cocktail punaises-fourmis-mites-souris.
Tôt en matinée, nous prenons place dans le véhicule gris comme une souris, parés pour une tournée montréalaise. Juché sur le tableau de bord, un raton laveur nous fixe d’un œil insistant. Ce n’est pas une énième proie de Laurent, mais une peluche semblant rappeler que le terme exterminateur est parfois excessif. Oui, il est souvent contraint d’éradiquer, mais quand les bêtes peuvent être simplement chassées, il le fait. « On est aussi les amis des animaux », rappelle-t-il, tout en démystifiant la kyrielle d’outils garnissant son coffre : cages à sens unique (au lieu d’enfermer l’animal, elles lui permettent de sortir de sa cachette sans qu’il puisse y retourner), pompe et tuyau d’arrosage, échelles, poisons, masques filtrants… et même un bâton de hockey, destiné aux rats ! Ainsi équipé, il bourdonne d’une adresse à l’autre, à la rencontre de clients en détresse.
Et s’il sait y faire avec toutes sortes de bêtes, des chauves-souris aux guêpes, le contact humain est tout aussi important. « On fait un peu de psychologie, c’est le fun, parce que tu es une porte de sortie aux problèmes des gens et tu les aides à retrouver leur tranquillité d’esprit. Certains vont te pleurer dans les bras, on est là pour les rassurer », explique-t-il.
Comme chaque automne, les demandes pour les animaux sauvages, la spécialité et le péché mignon de Laurent (« Ils nous en font voir de toutes les couleurs ! », lance-t-il), devraient bientôt pleuvoir. Mais aujourd’hui, c’est davantage une routine parasitaire qui l’attend au gré des arrondissements. Premier arrêt de la matinée : les très honnies punaises de lit.
Mission 1 : paniquantes punaises
Dans un appartement du nord de Montréal, où les locataires sont aux prises avec une infestation de punaises de lit, Laurent vient appliquer un deuxième traitement. « Je ne suis jamais allé dans un endroit en disant : “Ici, c’est impossible à régler.” Mais il faut que le client collabore et prépare les lieux », nuance l’exterminateur, qui transmet un ensemble de consignes avant son passage. Lors de sa visite, tout a été suivi à la lettre, et il peut aisément inspecter, telle une fouine, les matelas, tiroirs, meubles et tissus du logis. Pour lui, l’une des clés du métier, c’est la minutie ; non seulement pour la détection, mais aussi pour le traitement, aucun centimètre carré ne devant être omis.
Consacrant près de deux heures à la tâche, coiffé d’un masque filtrant, il transpire rapidement à force de soulever des meubles, les démonter et asperger les planchers. « C’est assez physique, il faut être mobile ! », prévient-il, tout en déplaçant seul un matelas double.
A-t-il déjà eu peur de ramener des nuisibles chez lui ? « Au début, j’en rêvais la nuit, dit celui qui exerce ce métier depuis le cégep. Mais on reste très vigilant, et ce n’est jamais arrivé. » Quitte à refuser de travailler dans des endroits mal dégagés ou préparés.
En tout cas, dans ce logement, pas de punaises en vue : le premier traitement a fonctionné. Laurent contacte le propriétaire, puis regagne sa camionnette pour établir son rapport. « C’est derrière nous », annonce-t-il au client par téléphone. Au suivant.
Mission 2 : fourmis fatigantes
C’est peu dire qu’il en a vu passer : les fourmis charpentières figurent au sommet de son palmarès d’interventions. Ce jour-là, une propriétaire souhaitait un traitement à titre préventif, après avoir aperçu quelques spécimens rôder autour de l’édifice. Laurent enfile sa casquette d’enquêteur : dedans ? dehors ? depuis quand ? aux étages aussi ? La communication s’avère un atout crucial. « Il faut vraiment se fier à ce que les gens nous disent, ce sont eux qui voient et entendent les insectes et rongeurs », précise-t-il. Autre protagoniste à sonder : la météo, puisque son traitement extérieur pourrait être compromis par la pluie. Après avoir fait le tour des questions, il entame celui du bâtiment, armé de son boyau d’arrosage, branché à une pompe électrique, pour répandre un pesticide aux endroits-clés.
Il retrouve en effet quelques insectes sur le terrain, puis demande à faire vider une remise extérieure pour y appliquer le produit. Ensuite, ce sera aux occupants de veiller au grain : s’ils aperçoivent des fourmis se balader à l’intérieur, un nid s’y est probablement déjà formé. L’exterminateur se montre toutefois optimiste. « Avec ce que j’ai mis, elles ne pourront plus rentrer », assure-t-il.
Mission 3 : la spirale des pyrales indiennes
Il y a les mythes alimentaires (manger des bananes attire les moustiques) et les mites alimentaires. L’expert de LM Extermination s’occupe des secondes, dont le vrai nom est pyrale indienne ; une sorte de petit papillon dont les larves infestent nos réserves de graines. C’est pour leur couper les ailes que Laurent est appelé dans un logement du centre de Montréal. Ici, l’importance de la collaboration prend plus que jamais son sens : la cliente a dû vider l’intégralité de ses armoires, fort garnies. Cela permet au professionnel de pouvoir apposer une poudre dans les meubles, tout en installant des pièges à phéromones. Au plafond, il repère un cocon confirmant la présence des indésirées.
Ce troisième logement traité montre aussi la diversité des milieux visités par l’exterminateur, qui passe aussi bien par de vieux immeubles d’appartements que par des maisons neuves. « Partout où il y a des humains, ça touche à notre travail : on voit toutes les classes de la société. Ce qui est sympathique aussi, c’est qu’on accède à des endroits où les gens ne vont pas habituellement : greniers, trappes, etc. » C’est justement derrière un frigo que le prochain rendez-vous a lieu.
Mission 4 : pas de sourire pour les souris
Cette fois-ci, un problème de souris déjà survenu par le passé semble avoir ressurgi. La propriétaire croit l’avoir entendu gambader derrière le réfrigérateur ; à moins que ce ne soit l’appareil qui ait produit ce bruit ? Pour en avoir le cœur net, Laurent déplace l’appareil et inspecte les sachets de poison déposés lors de son dernier passage. Un peu grignotés, mais rien n’indiquant une intense activité. Il se rend sur le balcon, pour examiner le calfeutrage extérieur qu’il avait recommandé. Ce type d’inspection l’amène parfois à se faufiler et se contorsionner dans des passages exigus ou peu accessibles. « Il ne faut pas être claustrophobe et plutôt agile », note-t-il, précisant que des compétences de bricoleur sont aussi requises, pour ouvrir des passages ou couper des accès. « Il faut que tu sois capable de visser, clouer, réparer, rendre étanche, poser du grillage… », énumère Laurent.
En tout cas, après contrôle des deux logements mitoyens, le retour des souris semble une fausse alerte. L’œil acéré de l’exterminateur détecte toutefois quelques menues failles à corriger dans le calfeutrage. Ce n’est pas pour rien que l’on dit que les souris passent… par un trou de souris !
En revanche, peu de candidats semblent se frayer un passage vers ce métier, puisque LM Extermination dit avoir un mal fou à embaucher. Alliant terrain et contact humain, il devrait pourtant finir par en prendre au piège plus d’un.
Les risques du métier
Bien équipé, Laurent Martin-Vaillancourt s’est prémuni face aux risques du terrain, n’ayant souffert que de quelques piqûres de guêpes et de griffures d’écureuil. Le danger n’est d’ailleurs pas nécessairement animalier, car une échelle mal posée ou une exploration acrobatique peuvent constituer une autre source de menace. Enfin, gants et masques hyperperformants lui permettent de se protéger des produits toxiques manipulés.