« Votre propriété vendue, c’est garanti, ou je l’achète ! » Sur leur site web, des courtiers immobiliers annoncent des programmes de vente garantie pour attirer les clients. S’agit-il d’une avenue intéressante pour les vendeurs dans le marché actuel ?

Ils ne sont pas nombreux, mais ils sont quelques-uns à afficher sur leur site internet l’offre d’un « programme de vente garantie ». Un plan qui, dans un marché nettement à l’avantage des vendeurs, comme celui que l’on connaît actuellement, a surtout pour but de régler le dilemme immobilier auxquels plusieurs acheteurs font face : acheter ou vendre en premier ? Ils ne sont pas nombreux, mais néanmoins quelques-uns à afficher sur leur site internet l’offre d’un « programme de vente garantie ». Un plan qui, dans un marché nettement à l’avantage des vendeurs, comme celui que l’on connaît actuellement [il est trop tôt pour prédire l’impact qu’aura la COVID-19 sur le marché immobilier], a surtout pour but de régler le dilemme auquel plusieurs acheteurs font face : acheter ou vendre en premier ? Pour éviter d’avoir à payer deux hypothèques, un acheteur pourrait devoir déposer une offre d’achat conditionnelle à la vente de sa propriété, ce qui, dans un contexte de surenchère a de bonnes chances d’être refusée.

La plupart des programmes de vente garantie offerts par les courtiers fonctionnent comme suit : le courtier immobilier et le vendeur s’entendent sur le prix et le délai (généralement 120 jours) auxquels la maison doit être vendue, sans quoi le courtier immobilier l’achète pour une somme qui a été préalablement négociée avec le vendeur. En somme, le courtier présente une offre d’achat à son client pour sa propriété et celle-ci devient effective si la maison n’a pas trouvé d’acheteur à l’expiration du délai convenu.

Le courtier immobilier Stefano Lombardi, chez RE/MAX Alliance, observe que de telles garanties sont moins demandées dans un marché à l’avantage des vendeurs, puisqu’à moins de détenir une maison aux caractéristiques particulières, les propriétés se vendent très rapidement. Ainsi, même s’il annonce ce programme en grand sur son site web et sa page Facebook, il précise qu’aucun client ne lui a manifesté de l’intérêt pour cette garantie récemment. Trois autres courtiers immobiliers contactés dans le cadre de ce reportage n’ont pas rappelé La Presse.

Appel à la prudence

Unsal Ozdilek, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et spécialiste en évaluation immobilière, invite les vendeurs à être prudents avant d’accepter une telle offre. « Les courtiers font leur compte, ils prennent certains risques, mais au Québec, dans le cas actuel, c’est minime pour le courtier », remarque-t-il.

Si les vendeurs sont dans un contexte où le marché est en leur faveur, parce qu’ils sont sûrs, ou presque, de vendre à un prix donné, il peut y avoir une certaine attrape.

Unsal Ozdilek, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et spécialiste en évaluation immobilière

Il reconnaît que de telles ententes peuvent profiter à certains propriétaires qui, parce qu’ils ont pris des engagements, doivent vendre leur propriété à l’intérieur d’un certain délai. Pour les autres, il estime que le risque que l’évaluation de la propriété faite par le courtier soit faussée est trop grand, puisqu’il se retrouve aussi dans le rôle d’acheteur potentiel.

« Dès la négociation, l’expert [le courtier immobilier] pourrait biaiser le prix potentiel de vente de la propriété et les vendeurs ne sont pas nécessairement experts de l’état du marché et du potentiel de leur localisation », prévient M. Ozdilek.

Ils [les vendeurs] n’ont pas les comparables. Le courtier connaît beaucoup plus l’état du marché versus le vendeur, qui peut se faire prendre.

Unsal Ozdilek

Selon le Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, « le courtier ou le dirigeant d’agence doit conseiller et informer avec objectivité la partie qu’il, ou l’agence pour laquelle il agit, représente et toutes les parties à une transaction ». Or, selon Unsal Ozdilek, il peut être difficile de démontrer qu’un courtier a réellement fait preuve d’un manque d’objectivité. Il croit que les programmes de vente garantie pourraient être mieux réglementés, notamment en obligeant le recours aux services d’un évaluateur indépendant.

L’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) dit ne pas encourager cette pratique en raison des complications qu’elle peut occasionner. Un courtier immobilier qui s’entend avec un client sur une telle garantie devra inclure dans le contrat de courtage les détails des conditions de l’achat potentiel en cas de non-vente à un tiers. Dans un courriel envoyé à La Presse, une porte-parole de l’OACIQ précise que « le prix devra correspondre à la juste valeur marchande de l’immeuble et le courtier devra garder à son dossier les comparables ayant servi à le déterminer. Il devra aussi avoir l’accord de son agence avant de s’engager dans de telles garanties. »

RE/MAX Québec affirme pour sa part souscrire à la position de l’OACIQ. « Si les courtiers décident de l’offrir, ils doivent s’assurer qu’ils sont conformes », précise la directrice communications et marketing de RE/MAX Québec, Jessica Lavoie. Elle rappelle que les courtiers sont des travailleurs autonomes et indépendants et que la décision d’offrir ce genre de programmes leur appartient.

L’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) déclare de son côté ne pas intervenir « au niveau des modèles d’affaires de ses membres comme, par exemple, ce type d’offre promotionnelle ou encore, le taux de rétribution des courtiers immobiliers ». « Pour les offres promotionnelles de type “garantie de vente”, c’est aux courtiers de voir à détailler les conditions de l’achat potentiel en cas de non-vente à un tiers dans le contrat de courtage, souligne Julie Saucier, présidente et chef de la direction de l’APCIQ. Le choix final revient au consommateur selon ce qui répond le mieux à ses besoins. »