La construction d'édifices en copropriété a beau avoir le vent en poupe au Québec, la réglementation concernant l'installation de bornes de recharge pour voitures électriques n'a pas suivi la tendance.

Les législateurs semblent en effet avoir raté l'occasion de mettre leur politique à jour lors des ajustements au Code de construction, en juin dernier. Néanmoins, il y a de plus en plus de condos qui offrent des bornes et quand ce n'est pas le cas, il existe des solutions pour en faire l'installation.

«En ce moment, c'est la loi du marché qui prévaut, indique Me Miriam Robitaille, avocate spécialisée en droit immobilier au cabinet d'avocats Langlois, à Québec. Si les futurs acheteurs font valoir leurs craintes et s'informent au sujet de la présence de bornes de recharge, ça peut être inclus à la déclaration de copropriété. Mais si les gens ne sont pas à l'affût, on ne l'intégrera pas.»

Néanmoins, la demande est en hausse, et le marché semble se décoincer. L'entreprise RVE, de Laval, qui a mis au point un dispositif qui permet la recharge individuelle d'un véhicule électrique dans un immeuble de copropriétés, a jusqu'à maintenant installé son unité DCC (Demand Charge Controller) dans plus de 500 copropriétés. Cette unité fait la lecture en temps réel de la consommation d'énergie du panneau électrique du copropriétaire.

Par ailleurs, RVE travaille activement à inciter les gestionnaires et les associations de propriétaires à adopter une politique de recharge de véhicules électriques. «Avec une stratégie de recharge en place, la valeur de l'immeuble va s'en ressentir», assure Marie-Pier Corbeil, qui a fondé l'entreprise avec son frère David. 

«Dans cinq ans, un immeuble qui n'offrira pas de bornes de recharge n'aura pas la valeur de celui qui sera prêt à accueillir des autos électriques.»

Le Code de construction du Québec a été mis à jour en juin dernier, et il est désormais obligatoire dans les nouveaux logements individuels qui offrent une place de stationnement de prévoir le câblage et la dérivation électriques pour que l'on puisse installer une borne de recharge sans avoir à ouvrir les murs et les planchers. Dans le jargon, un logement individuel correspond à une maison unifamiliale, un jumelé, un duplex, un triplex ou un quadruplex. Au-delà de ça, rien n'oblige les entrepreneurs et les promoteurs à prévoir le coup (et les coûts) pour faire l'installation de l'infrastructure nécessaire à la mise en place de bornes de recharge. Tout est à la charge et sous la responsabilité du propriétaire.

«L'absence de bornes de recharge dans les édifices de copropriétés fait partie des craintes exprimées par les acheteurs de véhicules électriques, affirme Me Robitaille. Pourtant, comme c'est la volonté du gouvernement de voir davantage de voitures électriques sur les routes, il faudrait que les législateurs se penchent plus sérieusement sur les arrangements possibles pour augmenter les ventes de véhicules électriques. C'est crucial, 80 % de la recharge d'une auto électrique se fait à la maison.»

Propulsion Québec, grappe industrielle qui mobilise les principaux acteurs québécois en électrification des transports, poursuit par ailleurs ses démarches auprès des gouvernements pour faire accélérer les choses. Le regroupement met actuellement la dernière touche à son Étude comparative de la réglementation et des politiques publiques en transport électrique et intelligent au Québec, qui doit être dévoilée ce printemps: «C'est l'étape numéro un, c'est une étude sur laquelle on peut s'appuyer, après quoi on va faire le suivi de chacune de nos recommandations auprès des gouvernements, nous assure Sarah Houde, présidente-directrice générale. Ça va être une grosse année pour faire évoluer la réglementation. Une chose est sûre, c'est primordial d'encourager l'installation de systèmes de recharge dans les environnements densément peuplés.»

Politique de recharge

De son côté, l'entreprise RVE a entrepris des démarches pour convaincre les autorités municipales d'exiger l'aménagement de bornes dans les stationnements d'immeubles à logements en copropriété, à l'instar de ce qui se fait à Vancouver, où tous les emplacements de stationnement des immeubles à condos construits à partir du 1er janvier doivent être prêts pour l'installation de bornes de recharge. 

D'ici là, RVE souhaite coordonner le déploiement des installations de recharge dans les immeubles existants afin d'éviter les contrats à la pièce qui occasionneraient un salmigondis de fils électriques s'étalant un peu partout dans le stationnement. «On développe de nouveaux outils pour aider les syndicats de propriétaires à mettre en place une véritable politique de recharge qui va notamment prévoir comment déployer la solution en fonction de leurs besoins et comment tout cela sera financé», explique Marie-Pier Corbeil.

Pour l'instant, RVE recommande d'abord aux propriétaires de véhicules électriques de s'informer pour savoir si leur syndicat offre une politique de recharge. «S'ils se font dire non, c'est plus complexe, avertit la jeune entrepreneure. Si la politique est en place, c'est beaucoup plus rapide.»

Les bornes de recharge dans les condos

Selon le Code civil du Québec, un copropriétaire qui souhaite effectuer des travaux de transformation, d'agrandissement ou d'amélioration dans des parties communes de la copropriété - comme un stationnement - doit avoir l'appui de la majorité des copropriétaires représentant les trois quarts des voix de tous les copropriétaires, en fonction de la quote-part rattachée à chaque unité contenue dans la copropriété.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE