Après des années à voyager pour le travail, George Junior Armoyan désirait acquérir un condo haut de gamme à Montréal. Après un an de recherches, il a finalement acheté sa première propriété en juin dernier. Depuis, les prix ont monté, faisant de 2018 une année record dans le marché des copropriétés luxueuses.

Selon Royal LePage, le prix médian des condos de prestige dans le Grand Montréal s'est accru d'environ 115 000 $ l'année dernière, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2017. Le nombre de transactions a grimpé de 33,6 % durant la même période.

Lui-même actif dans le domaine immobilier, l'acheteur de 25 ans savait qu'il devait passer chez le notaire plus tôt que tard. «J'étais très au courant qu'il y avait beaucoup de transactions au centre-ville et dans Westmount, ce qui faisait croître les prix, dit-il. C'est évident que la quantité d'acheteurs étrangers pousse les prix vers le haut.»

Spécialiste en immobilier de luxe, Marie-Yvonne Paint explique que l'instauration à Toronto et à Vancouver d'une taxe de 15 % pour les acheteurs étrangers a encouragé cette clientèle à investir à Montréal. «Certaines tours sont prises d'assaut à 60 % par des Asiatiques, explique-t-elle. Plusieurs d'entre eux sont des investisseurs : ils achètent quatre, cinq ou six copropriétés en même temps pour avoir un bon prix et ils les louent ensuite entre 7000 et 8000 $ par mois.»

À l'inverse, les propriétaires d'unités au Ritz et au Four Seasons sont davantage issus de la communauté locale. «Ils sont prêts à investir dans du beau, avant de regarder le prix», précise-t-elle.

Ville-Marie, Westmount et Mont-Royal sont parmi les secteurs les plus populaires auprès des acheteurs asiatiques. «Il y a 10 ans, ce phénomène n'existait pas ici, affirme Simon Léger, directeur chez Remax. De plus en plus de Chinois veulent offrir une belle qualité de vie à leur famille et ils sont prêts à sortir leurs sous de Chine.»

Chers, mais...

Afin de devenir propriétaire d'un grand condo au septième étage d'un immeuble qui possède une piscine, un gym, un service de valet et de conciergerie, M. Armoyan a investi une somme substantielle. Toutefois, il considère Montréal comme une ville accessible. «Surtout dans le domaine du luxe, il y a encore un grand écart avec Toronto et Vancouver. Cela dit, je pense avoir acheté au bon moment. Les prix ont monté depuis juin.»

Si les constructions des dernières années ont fait croître le nombre de copropriétés haut de gamme, et donc le nombre de transactions dans le secteur, la confiance des acheteurs influe également sur la croissance immobilière.

«Montréal est une force tranquille qui monte progressivement. Le marché de l'emploi va bien, et le taux de chômage est au plus bas depuis les années 70. Les gens ont confiance en Montréal», explique Simon Léger, directeur chez Remax.

Il observe aussi un engouement pour les copropriétés en général. «Environ 8 acheteurs sur 10 veulent une propriété clés en main, ce qui crée une pression sur le marché des condos.» Et ce, tant chez les premiers acheteurs qui ne veulent pas faire de travaux que chez certains retraités qui vendent leurs maisons pour voyager davantage. «Si un couple vend sa maison 3 ou 4 millions après le départ des enfants, ils sont quand même habitués à un certain confort. Plusieurs d'entre eux se tournent donc vers des condos à plus de 1 million.»

L'année dernière, 136 copropriétés valant au moins 1 million ont été vendues dans le Grand Montréal, soit 38 de plus qu'en 2017. On remarque aussi que 24 des copropriétés vendues en 2018 ont franchi la barre des 2 millions.

Ces sommes illustrent la transformation de la clientèle, selon Mme Paint. «Il y a quatre ou cinq ans, jamais au grand jamais on n'aurait cru que Montréal pouvait atteindre de telles statistiques. On n'avait pas les acheteurs, et il manquait de condos de luxe.»

Les constructeurs ont fait des études de marché et constaté la très forte demande pour ces produits. «C'est pour cette raison que toutes ces tours se sont construites et très bien vendues», affirme-t-elle.

Royal LePage prévoit que le prix médian des copropriétés de luxe devrait augmenter de 8 % en 2019 pour atteindre environ 1,3 million. Les spécialistes interrogés croient, de leur côté, que les prix garderont la même tendance pendant des années. «Tant qu'il n'y aura pas de taxe pour les étrangers, l'essor va se poursuivre», dit Simon Léger.

Marie-Yvonne Paint parle de cette taxe comme d'une erreur à éviter. «Ça casserait le marché. Pour l'instant, Montréal bénéficie des hausses de prix et des taxes à Toronto et Vancouver. Il faut continuer de profiter de la vague!»

Photo Olivier PontBriand, La Presse

George Junior Armoyan