Louer avant d'acheter, voilà un concept familier quand on parle de voitures. Mais moins quand il est question d'immobilier. Pourtant, les contrats de location avec option d'achat se multiplient et répondent à plusieurs besoins: accompagnement pour une mise de fonds, solution à certains ennuis financiers ou simple période d'essai. Aperçu.

Une option qui fait des adeptes

De plus en plus d'agences se lancent dans la gestion de propriétés avec option d'achat. Elles sont parfois perçues comme une bouée de sauvetage par certains propriétaires surendettés ou comme une solution rêvée par des locataires incapables d'obtenir un prêt d'une institution financière, faute de mise de fonds. Mais qu'en pensent les experts ?

Plusieurs facteurs économiques favorisent la popularité des locations avec option d'achat : resserrement des règles hypothécaires, précarité des emplois qui fragilise la solvabilité auprès des banques, accès à la propriété plus difficile, accroissement du taux d'endettement, etc. « Avec des dettes étudiantes de plusieurs milliers de dollars, ça peut être très ardu d'accumuler une mise de fonds de 10 000 $ pour un condo de 200 000 $, souligne Matthew Leblanc, directeur régional chez Groupe Investors. Même si les jeunes générations forment une main-d'oeuvre plus éduquée et plus qualifiée que les précédentes, elles n'ont pas toujours la capacité d'acheter. »

Peu importe leur âge, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à se tourner vers la location avec option d'achat. « Les clients sont généralement des gens qui ont un mauvais crédit, qui ont fait faillite ou qui n'ont pas de mise de fonds encore », explique Dominique Coulon, gestionnaire de Louez pour acheter.

Comment ça fonctionne ?

Une entente sera prise entre le propriétaire-vendeur et le locataire-acquéreur pour que ce dernier paie une somme prédéterminée, en surplus du loyer mensuel, dans le but d'accumuler une mise de fonds qui permettra d'obtenir du financement auprès d'une institution bancaire. « Pendant la durée de l'entente, le locataire-acquéreur devra se comporter en propriétaire et effectuer à ses frais l'entretien et les réparations de la propriété. Cette option peut être utilisée à court ou à long terme », explique Sophie Boutin, gestionnaire chez PJL Management.

Les agences assurent évidemment leurs arrières en enquêtant sur les locataires. « Je tiens toujours une rencontre explicative avec eux et je prends la peine de connaître leur historique de crédit, dit M. Coulon. Je vérifie s'ils peuvent mettre une mise de fonds, s'ils ont fait faillite, s'ils gagnent assez pour payer quand ils seront propriétaires et pour payer la location mensuelle. Tout cela va déterminer ma stratégie, le prix de location, les responsabilités, la durée et le prix de vente. »

Sophie Boutin s'assure elle aussi que le locataire a un bon crédit. « En cas contraire, il aura du mal à s'acquitter de ses obligations, malgré sa grande volonté de devenir propriétaire. Pourrait suivre un non-paiement de loyer qui, avec les délais à la Régie du logement, s'étirerait sur plusieurs mois. Et la propriété pourrait être reprise dans une période non propice à la relocation ou à la vente. »

La gestionnaire prend aussi le temps de tout clarifier avec les futurs locataires-acquéreurs. « Ils doivent réaliser qu'une option d'achat n'est pas un dépôt remboursable. Si l'option n'est pas exercée, l'argent investi sera perdu. » Ils doivent également bien connaître les responsabilités d'un propriétaire. « Si quelque chose brise dans la propriété, il faudra le faire réparer à leurs frais, ajoute-t-elle. L'option d'appeler le propriétaire comme lorsqu'ils étaient locataires ne sera plus possible. »

Gagnant-gagnant

Un examen minutieux permet d'éviter les mauvaises surprises et de satisfaire les deux parties. « Pour le locataire-acquéreur, cela permet de devenir propriétaire dans un cadre moins rigoureux et moins coûteux, affirme Mme Boutin. Et le procédé peut convenir à un propriétaire qui veut vendre sa propriété au prix du marché ou plus. Surtout s'il n'est pas pressé, s'il souhaite obtenir des liquidités tout de suite pour faire un autre achat ou s'il veut toucher des revenus passifs pendant quelque temps. »

Le conseiller financier Matthew Leblanc juge que cette démarche tient la route. « C'est une belle option, spécialement pour ceux qui n'ont pas pu accumuler une mise de fonds », dit-il. 

Comme pour toute transaction immobilière, il faut un document légal pour unir les deux parties. À cet égard, l'Organisme d'autoréglementation de courtage immobilier du Québec conseille vivement de faire appel aux professionnels autorisés (courtiers immobiliers ou hypothécaires, notaires, etc.) pour consigner les conditions reflétant l'intention des parties.

Achat-rachat

L'option achat-rachat est offerte aux propriétaires qui ne peuvent plus financer leur propriété ou qui ont reçu un préavis de 60 jours, dans une période de fragilité financière. Au lieu de vendre rapidement leur propriété au rabais ou de remettre les clés de leur maison à la banque, en perdant leur équité en partie ou en totalité, ils peuvent conclure une entente d'achat-rachat avec des investisseurs privés. « Les investisseurs achèteront temporairement la résidence et loueront la propriété à " l'ancien " propriétaire durant deux ou trois ans, le temps que son crédit se rétablisse et qu'il puisse obtenir du financement conventionnel », explique Sophie Boutin.

Une voie qui ne séduit pas tout le monde. « C'est une option envisageable, mais ce ne serait pas mon premier choix, révèle le conseiller financier Matthew Leblanc. Je proposerais d'abord de refinancer l'hypothèque, de songer à une stratégie REER ou de communiquer avec l'institution financière pour voir si on peut différer le paiement du capital et payer seulement les intérêts pendant une période de temps. »

Il rappelle aussi que l'achat-rachat implique plusieurs dépenses très importantes, comme les frais du notaire et les droits de mutation qu'il faut repayer. « Il faut analyser les coûts et les bénéfices pour trouver la meilleure idée. Parfois, même si la position finale est plus coûteuse, ça peut peut-être valoir la peine si le procédé a permis de se libérer de ses dettes et de s'offrir une tranquillité d'esprit. »

Ils ont tenté le coup

Manon* cherchait une solution temporaire, le temps de vendre sa maison. Nicolas, fraîchement séparé, avait besoin de temps avant de se réengager... comme propriétaire. Pour sa part, Stéphane* souhaitait garder sa maison et redresser ses finances, après une perte importante de revenus. Leur solution : la location avec option d'achat.

Éviter de tout perdre

Après avoir perdu son emploi, Stéphane* a fait face à deux options : vendre sa maison ou trouver un moyen de la garder. Comme il était attaché à sa propriété, il s'est entendu avec un investisseur privé. Ce dernier a racheté sa maison en 2014 et la lui a louée pendant deux ans.

Le quart de la somme payée par l'investisseur a été placée dans un fonds fidéicommis par un notaire, afin de servir de mise de fonds pour le rachat de la maison au terme de la location. Pendant deux ans, Stéphane a payé 500 $ de location par mois, dont deux tiers étaient empochés par l'investisseur et un tiers était placé dans un fonds pour payer les frais à venir (notaires, droits de mutation, etc.). « Les paiements mensuels étaient bien inférieurs à mes mensualités hypothécaires, et ça m'a permis de me remettre à flot », souligne-t-il.

Grâce à son entente, il est récemment redevenu propriétaire de sa maison. « Je trouve ça extraordinaire comme méthode ! Mais il faut absolument savoir à qui on a affaire. Moi, j'avais de bonnes références et j'ai été très bien servi. »

Deux maisons à la fois

Pour des raisons familiales, Manon* a loué une maison dans la région de Québec en décembre 2012, pendant que son jumelé à Château-Richer se vendait... lentement. En plus d'établir le montant de l'achat éventuel de la maison de Québec dans le contrat, elle a accepté les clauses de sa location avec option d'achat : mise de fonds initiale de 15 000 $, mensualités de location de 1500 $ tout frais compris, dont 300 $ s'ajoutent chaque mois à la mise de fonds. « Le propriétaire récolte la différence et il fera aussi un profit à la vente, explique-t-elle. Pendant ce temps, on apprend à connaître la maison et le secteur. En cas de vice caché, on pourrait le découvrir. Et si je décidais de quitter la maison, je perdrais de l'argent, mais ça fait partie de l'entente. Je préfère ça à seulement louer et payer dans le vide. »

Toujours locataire, elle est très à l'aise avec sa situation. « Le propriétaire me fait sentir chez moi. Quand on a eu un dégât d'eau, il m'a fait choisir le plancher. On envisage d'acheter la maison, mais on n'est pas pressé. »

Période tampon

Au terme d'une longue relation amoureuse, Nicolas Tessier cherchait un nouveau logis, mais n'était pas pressé de redevenir propriétaire. En juillet 2014, il s'est donc entendu verbalement avec un ami pour louer une maison qu'il pourrait éventuellement acheter. « Mon ami habitait la propriété voisine. Il souhaitait ajouter à son terrain une portion du terrain de la maison où j'habite et qu'il possède, avant de la revendre, résume Nicolas. Donc, pendant ses démarches, il souhaitait louer à quelqu'un de confiance, et moi, ça me permettait de me revirer de bord après la séparation. »

À 700 $ par mois pour une maison avec trois chambres, un terrain et tous les frais inclus, M. Tessier se voyait mal refuser. L'aspect temporaire lui convenait aussi beaucoup. « J'espérais revivre en couple et trouver une maison qui conviendrait aux deux. Finalement, la location m'a permis de voir que je voulais ce type de propriété, mais j'ai aussi constaté qu'il y avait beaucoup de travail à mettre dans celle-ci et que c'était trop d'argent pour moi. » Avec le temps, le propriétaire a lui aussi changé son fusil d'épaule. « Ses démarches pour le terrain n'ont pas fonctionné avec la Ville, alors il a décidé de demeurer propriétaire et de louer la maison. »

* Prénoms fictifs