Israël rétablit une colonie de peuplement en Cisjordanie, symbole du durcissement de ses visées expansionnistes

(Homesh, Cisjordanie) Pour une colonie israélienne qui est devenue un symbole retentissant de la politique religieuse et de droite en Cisjordanie, Homesh n’est pas très attrayante.

Trois familles vivent dans des abris recouverts de bâches, remplis de lits superposés destinés à une cinquantaine de jeunes hommes qui étudient dans une yeshiva, une structure préfabriquée minable entourée de jouets abandonnés, de matériaux de construction et d’ordures.

Ils vivent ici à temps partiel au milieu des ruines et des déchets d’une colonie de peuplement située au sommet d’une colline et détruite en 2005 par l’armée et la police israéliennes. Il s’agit de l’une des quatre colonies de Cisjordanie démantelées lorsqu’Israël a retiré toutes ses troupes et ses colonies de la bande de Gaza. L’intention d’Israël, poussé par Washington, était alors de signaler que les colonies périphériques, trop difficiles à défendre, seraient consolidées dans le cadre d’un futur accord de paix.

PHOTO SERGEY PONOMAREV, THE NEW YORK TIMES

Bâtiments de fortune érigés par des colons israéliens à Homesh

La décision de les démanteler est aujourd’hui remise en question par les ministres les plus religieux et les plus à droite du gouvernement du premier ministre Benyamin Nétanyahou. Ils militent en faveur de la colonisation de nouvelles terres en Cisjordanie occupée par Israël, voire de l’expulsion des Palestiniens de Gaza pour qu’ils s’y réinstallent.

Homesh, perché sur les collines au-dessus de Naplouse, est devenu le symbole de leur détermination.

Au début de l’année dernière, le gouvernement israélien a décidé de permettre à nouveau à ses citoyens de s’établir à Homesh, mais la Cour suprême a alors exigé du gouvernement qu’il la démantèle et qu’il s’assure que les Palestiniens qui possèdent les terres sur lesquelles elle se trouve puissent y accéder en toute sécurité.

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La colonie de Homesh est devenue un symbole de la politique religieuse et de droite en Cisjordanie.

Au lieu de cela, les colons ont déplacé leur yeshiva préfabriquée sur une petite parcelle de ce qui est considéré comme un terrain public et défient l’ordre de la Cour, avec le soutien fervent du conseil régional de Shomron.

L’armée comme « barrière humaine »

Ce sont des colonies comme celles-ci que le ministre israélien des Finances d’extrême droite, Bezalel Smotrich, a promis d’étendre, annonçant à la fin de la semaine dernière des plans pour 3000 nouveaux logements, « approfondissant notre emprise éternelle sur l’ensemble de la terre d’Israël ». L’administration de Joe Biden a immédiatement réagi en s’opposant à toute expansion et en qualifiant les colonies existantes d’« incompatibles avec le droit international ».

Mais après les attaques du Hamas du 7 octobre, les colonies comme Homesh incarnent le changement de mentalité des Israéliens depuis l’époque, apparemment révolue, où le dialogue avec les Palestiniens se concentrait sur une solution à deux États.

La montée en puissance du Hamas à Gaza ainsi que la dérive religieuse et vers la droite de la politique israélienne ont changé la donne. Après le 7 octobre, davantage d’Israéliens se sont non seulement opposés à un État palestinien indépendant, mais une minorité plus importante est favorable à l’extension des colonies, y compris dans une bande de Gaza réoccupée.

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Une chaise jonche le sol dans la colonie de Homesh, longtemps négligée par Israël.

Enhardis, les colons comme ceux de Homesh se considèrent comme une avant-garde, entraînant l’armée dans leur sillage. Aujourd’hui, ils sont protégés par des soldats israéliens (presque plus nombreux qu’eux) qui s’ennuient, et qui disent que leurs ordres sont d’empêcher les contacts entre les colons et les Palestiniens locaux, afin d’éviter de nouveaux affrontements et des effusions de sang.

« Nos ordres sont d’être une barrière humaine entre les deux camps », a déclaré un soldat, qui a demandé l’anonymat pour avoir parlé sans autorisation.

Nous essayons de les séparer ; nous essayons d’empêcher les colons de descendre la colline. Et nous disons aux Palestiniens : ‟Vous n’avez pas besoin d’être ici.”

Un soldat israélien officiant à Homesh

La présence militaire a pour effet d’empêcher les Palestiniens d’accéder à leurs terres, et les nouveaux points de contrôle nuisent gravement aux entreprises situées le long de la route 60, la principale route nord-sud de Cisjordanie qui mène de Ramallah à Naplouse et à Jénine.

Intimidation dénoncée

Les nouveaux colons de Homesh croient qu’ils reprennent la terre que Dieu a accordée aux Juifs à l’époque biblique et ne se soucient guère de ce que pense leur propre gouvernement. Ils sont hostiles aux journalistes et ne s’intéressent pas aux croyances ou aux titres de propriété des Palestiniens.

Les Palestiniens qui vivent dans les villages près de Homesh et qui possèdent la plupart de ses terres disent que les colons sont agressifs et violents. Parfois armés de fusils, les colons se livrent par intermittence à des cambriolages de maisons, à des vols de moutons et à des actes de vandalisme. Ils coupent les oliviers, font rouler des pneus enflammés dans les collines pour brûler les récoltes et envoient même des sangliers déterrer les semis et les arbres fruitiers palestiniens, affirment les habitants.

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Des Palestiniens vivant près de Homesh accusent les colons israéliens notamment de couper des oliviers.

Salah Qararia, 54 ans, a montré aux visiteurs les fenêtres et les portes brisées de sa maison, située sur son propre terrain, à environ 200 mètres de Homesh. Des colons armés de pistolets sont venus souvent, criant des insultes racistes et jetant des pierres, et ont déraciné certains de ses 600 arbres fruitiers. Il a donc envoyé ailleurs sa femme et ses sept enfants, et il reste dans la maison pour la garder. Il a également acheté des chiens pour essayer d’éloigner les sangliers.

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La famille de Salah Qararia a quitté sa maison située près de Homesh – lui est resté dans l’espoir de la protéger des colons israéliens.

Ils essaient de nous effrayer. Ils veulent essayer de s’emparer de la maison et de la terre.

Salah Qararia, qui réside non loin de Homesh

Se plaint-il à l’armée ou à l’Autorité palestinienne, qui exerce un contrôle civil sur certaines parties de la Cisjordanie ? Il rit. « L’Autorité palestinienne est impuissante ici », a-t-il affirmé. Quant à l’armée, « vous ne pouvez pas lui parler, vous ne pouvez pas l’atteindre. Et il est certain qu’elle prendrait leur parti ».

M. Qararia et ses voisins ont créé un groupe WhatsApp pour s’avertir mutuellement si les colons approchent. « Mais il est très dangereux de venir les aider. Les colons ont des armes, dit-il. Nous n’en avons pas. »

Il a ajouté qu’il avait parfois vu des soldats tenter de maîtriser les colons, qui les repoussaient. « Ils n’écoutent pas les soldats », a-t-il dit.

« L’armée protège les colons »

Interrogée sur Homesh et les allégations de violence des colons, l’armée israélienne a déclaré dans un communiqué que les soldats, lorsqu’ils « sont témoins d’incidents de violation de la loi par des Israéliens, en particulier des incidents violents ou des incidents dirigés contre des Palestiniens et leurs biens, sont tenus d’agir pour mettre fin à la violation et, si nécessaire, de détenir ou d’arrêter les suspects jusqu’à l’arrivée de la police sur les lieux ».

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Un vendeur de rue conclut une transaction dans le village palestinien de Silat Ad-Dhahr, près de Homesh, dans le nord de la Cisjordanie.

« Toute affirmation selon laquelle l’armée soutient et autorise la violence des colons est fausse », poursuit le communiqué. Les Palestiniens peuvent également déposer une plainte auprès de la police israélienne.

Ghassan Qararia, chef du conseil du village d’Al Fandaqumiya, a déclaré qu’il avait accordé aux propriétaires terriens une réduction d’impôt « pour qu’ils restent sur leurs terres et y construisent des bâtiments, mais ils ont trop peur ».

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Le village palestinien de Silat Ad-Dhahr est situé au pied de Homesh.

Abdel Fatah Abu Ali, maire du village voisin de Silat Ad-Dhahr, également situé au pied de Homesh, a déclaré que depuis le 7 octobre, les points de contrôle militaires israéliens destinés à protéger les colons ont gravement nui au commerce et aux déplacements le long de la route 60.

« Je ne peux même plus aller à Naplouse ou à Ramallah, a affirmé le maire. Je ne peux pas aller prier à Al-Aqsa », citant la mosquée de Jérusalem, l’un des lieux les plus sacrés de l’islam. Il rit amèrement. « Les colons ont-ils fermé la route ? Non, c’est l’armée qui les protège. Il n’y a pas de différence entre eux. »

Abu Ali, 65 ans, a vécu un temps aux États-Unis. « J’y ai goûté à la liberté, dit-il. Ici, maintenant, c’est le goût de l’enfer. »

Ce texte a été publié à l’origine dans le New York Times.

Lisez l’article original du New York Times (en anglais ; abonnement requis)