L’armée israélienne a poursuivi vendredi ses bombardements massifs dans la bande de Gaza, où l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) a dénoncé les conditions d’acheminement de l’aide humanitaire à la population qui vit dans des conditions critiques.

Ce qu’il faut savoir

  • Israël multiplie les frappes sur la bande de Gaza, notamment sur Rafah, dans le sud du territoire assiégé.
  • Au moins 21 507 personnes ont été tuées depuis le 7 octobre dans la bande de Gaza, dont une majorité de femmes et de mineurs, et 315 Palestiniens en Cisjordanie occupée, par des soldats et des colons israéliens.
  • Une délégation du Hamas est attendue au Caire pour discuter d’un plan égyptien qui prévoit des trêves renouvelables, des libérations échelonnées d’otages et de prisonniers palestiniens et, à terme, une cessation des hostilités.
  • L’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens a affirmé que l’armée israélienne avait tiré sur l’un de ses convois d’aide dans la bande de Gaza.
Lisez « La désinformation déshumanise les victimes en Syrie et à Gaza »

Au 84e jour de la guerre, déclenchée par une attaque sans précédent menée depuis Gaza par le Hamas sur le sol israélien le 7 octobre, une délégation du mouvement islamiste palestinien se trouve au Caire pour discuter d’un projet égyptien visant à mettre un terme progressif aux combats.

Alors que les bombardements meurtriers se sont concentrés dans le centre et le sud de la bande de Gaza, des Palestiniens ont accouru vendredi à l’hôpital al-Aqsa, à Deir al-Balah (centre), pour identifier les corps de proches.

Des secouristes portaient des blessés – hommes, femmes et enfants –, aux vêtements tachés de sang. Certains ont été soignés à même le sol.

PHOTO MOHAMMED ABED, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des soignants prennent en charge un blessé à l’hôpital Koweït de Rafah.

Dehors, Suhair Nasser pleurait en tenant le corps de ses jumeaux, tués la veille dans une frappe israélienne, dit-elle.

« Nous dormions dans la chambre avec deux de mes enfants, mes jumeaux étaient dans une autre pièce. La maison a été bombardée et les décombres sont tombés sur eux », a confié cette femme.

La population « épuisée »

L’attaque menée par le Hamas le 7 octobre a entraîné la mort d’environ 1140 personnes en Israël, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir des derniers chiffres officiels israéliens disponibles. Environ 250 personnes ont aussi été enlevées ce jour-là, dont 129 sont toujours détenues à Gaza, selon l’armée israélienne.

En représailles, Israël a juré de détruire le Hamas et pilonne le territoire palestinien, où le mouvement islamiste a pris le pouvoir en 2007. Son armée y déplore la mort de 168 soldats depuis le début de ses opérations terrestres fin octobre.

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Au moins 21 507 personnes ont été tuées depuis le 7 octobre dans la bande de Gaza, dont une majorité de femmes et de mineurs, selon un dernier bilan du ministère de la Santé de l’administration du Hamas.

Au moins 21 507 personnes ont été tuées depuis le 7 octobre dans la bande de Gaza, dont une majorité de femmes et de mineurs, selon le dernier bilan vendredi du ministère de la Santé du Hamas.

Les quelque 2,4 millions d’habitants de la bande de Gaza, dont 85 % ont dû fuir leur foyer selon l’ONU, continuent d’être confrontés à une situation humanitaire désastreuse.

PHOTO IBRAHEEM ABU MUSTAFA, REUTERS

Les quelque 2,4 millions d’habitants de la bande de Gaza, dont 85 % ont dû fuir leur foyer selon l’ONU, continuent de faire face à une situation humanitaire désastreuse.

« La population traumatisée » et « épuisée » s’entasse sur « une parcelle de terre de plus en plus réduite » dans le sud du territoire, a déclaré vendredi sur X le chef des opérations humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths.  

Israël a imposé un siège complet à la bande de Gaza depuis le 9 octobre, et l’aide humanitaire n’entre qu’au compte-gouttes, après inspection, principalement via le poste-frontière de Rafah.

Face à l’insuffisance criante de l’aide, les Gazaouis sont en « grand danger », a averti l’Organisation mondiale de la santé (OMS), son chef se disant notamment « très préoccupé » par la menace croissante posée par les maladies infectieuses.

« La quantité d’aide acheminée, nécessaire et urgente, continue d’être limitée et rencontre de nombreux obstacles logistiques », a dénoncé le commissaire général de l’Unrwa, Philippe Lazzarini, rappelant que « toutes les parties » doivent faciliter l’accès de l’aide humanitaire.

PHOTO MARTIAL TREZZINI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Philippe Lazzarini

« Peur d’être violée »

Vendredi, l’agence de l’ONU a aussi affirmé qu’un de ses convois d’aide avait été visé par des tirs de l’armée israélienne. Interrogée, l’armée israélienne a indiqué « vérifier » l’information.

Alors que les opérations militaires israéliennes se poursuivent sans répit, une délégation du Hamas est arrivée au Caire selon une source proche du mouvement palestinien pour discuter d’un plan égyptien devant aboutir à un cessez-le-feu, une mince lueur d’espoir.

Doté de trois étapes, le plan égyptien prévoit des trêves renouvelables, des libérations échelonnées d’otages et de prisonniers palestiniens et, à terme, une cessation des hostilités.

Au Caire, la délégation du Hamas, mouvement classé comme terroriste par l’Union européenne, les États-Unis et Israël notamment, doit transmettre « la réponse des factions palestiniennes ». Celle-ci « comporte plusieurs observations », notamment « sur les modalités des échanges prévus et le nombre de prisonniers palestiniens qui seront libérés, et sur l’obtention de garanties pour un retrait militaire israélien total » de Gaza, a affirmé à l’AFP un responsable du mouvement islamiste ayant requis l’anonymat.

« Nous sommes en contact (avec les médiateurs égyptiens) », a déclaré de son côté jeudi le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou.  

« Nous travaillons à tous les ramener », a-t-il dit lors d’une rencontre à Tel-Aviv avec des proches d’otages.

Lors d’une entrevue sur une chaîne de télévision israélienne diffusée vendredi soir, une ex-otage du Hamas, Mia Shem, a raconté sa captivité et sa « peur d’être violée » par son geôlier. Cette Franco-israélienne avait été libérée fin novembre avec d’autres otages dans le cadre d’une trêve.  

La Cour internationale de justice a en outre annoncé vendredi que l’Afrique du Sud accusait Israël devant cet organe judiciaire des Nations unies de se livrer à des « actes de génocide contre le peuple palestinien à Gaza », des allégations rejetées « avec dégoût » par Israël.

Le Hamas a accusé de son côté Israël d’avoir détruit « plus de 200 sites » historiques et archéologiques sur les 325 que compte la bande de Gaza, selon eux, depuis le début de la guerre.

« Cessez-le-feu total »

À Rafah, Aburahman al-Ghabris dit espérer « un cessez-le-feu total ». « Le peuple palestinien espère que la sécurité sera rétablie, afin de vivre en paix comme les autres nations du monde », a-t-il dit à l’AFP.

PHOTO SHADI TABATIBI, REUTERS

Des Palestiniens déplacés, qui ont fui leurs maisons à cause des frappes israéliennes, s’abritent dans un camp de tentes à Rafah.

Alors que se sont multipliées depuis le 7 octobre les attaques contre Israël ou son allié américain au Proche et Moyen-Orient, menées par des groupes armés solidaires du Hamas, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est dit « sérieusement inquiet quant à une plus grande extension » du conflit, « qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur la région entière », selon son porte-parole Stéphane Dujarric.   

Vendredi, des sirènes ont notamment retenti plusieurs fois dans le nord du territoire israélien, selon l’armée israélienne qui a dit avoir identifié des tirs en provenance du territoire libanais.

En matinée, l’armée israélienne a dit avoir bombardé de nouveau des positions du Hezbollah, dans le sud du Liban, à proximité de la frontière, d’où le mouvement chiite et des groupes alliés effectuent des tirs vers Israël.  

Le groupe Djihad islamique a fait état de deux morts dans ses rangs dans le sud du Liban.

Deux Palestiniens ont en outre été tués vendredi par des tirs israéliens en Cisjordanie occupée, l’un après avoir été suspecté de mener une attaque à la voiture-bélier, et l’autre pour avoir tenté de lancer une bombe sur un poste militaire, selon l’armée israélienne.

Le gouvernement américain a annoncé vendredi avoir approuvé « d’urgence », sans passer par le Congrès, la vente à Israël de munitions d’artillerie pour un montant de 147,5 millions de dollars.

Il s’agit d’obus de 155 mm et de matériels militaires divers prélevés dans les stocks de l’armée des États-Unis, selon un communiqué de la US Defense Security Cooperation Agency, une agence fédérale chargée notamment des ventes militaires américaines aux États étrangers.

Le secrétaire d’État Antony Blinken a conclu « à l’existence d’une urgence nécessitant cette vente immédiate au gouvernement israélien », a justifié le communiqué.

Le 9 décembre dernier, Washington avait également donné son feu vert à la vente à Israël de près de 14 000 obus de chars servant dans sa guerre contre le Hamas à Gaza.