(Jérusalem) « Je suis un soldat des forces israéliennes et je suis ici pour te ramener chez toi. Tu es en sécurité ». Israël se prépare avec méthode et précaution à récupérer ses premiers enfants otages, potentiellement traumatisés par leur détention et les conditions de leur enlèvement.

Du manuel sur le traumatisme psychique au soutien médical élémentaire, même les premiers mots des soldats, quand ils entreront en contact avec les enfants, ont été soigneusement choisis. Car les experts soulignent que les petits risquent de mettre longtemps à se remettre de cette terrible épreuve et qu’il convient, à tout le moins, de soigner la sortie.

Selon l’accord de trêve qui devait entrer en vigueur vendredi matin à 7 h locales, un premier groupe de 13 otages sera libéré dans l’après-midi contre des prisonniers palestiniens, après sept semaines de captivité.  

À la demande des autorités, des spécialistes des abus sur les enfants de l’institut Haruv de Jérusalem ont préparé des consignes sur la meilleure façon d’appréhender les mineurs à leur libération.

« Lorsque les soldats rencontrent l’enfant », souligne le manuel, « ils doivent se présenter poliment et tenir des propos rassurants du type : “je suis là pour m’occuper de toi” ».  

Les soins médicaux d’urgence mis à part, ils sont censés leur apporter la nourriture de leur choix, de la pizza au schnitzel de poulet. À défaut, ils doivent se présenter avec du pain, du fromage et des fruits.

Beaucoup d’entre eux ont perdu des proches.  

Mais il n’appartient pas aux militaires de répondre de ce qu’il est advenu de leur frère, de leur sœur ou de leurs parents le 7 octobre, lorsque les combattants du mouvement islamiste palestinien du Hamas ont entrepris la pire attaque sur Israël depuis la fondation de l’État en 1948.

Et ce, même si les soldats connaissent la vérité. Car ils devront se cantonner à l’essentiel : « mon travail est de t’emmener en Israël, dans un endroit sûr, où des gens que tu connais répondront à toutes tes questions ».   

Évidemment, tout accès aux médias est interdit.  

Le manuel s’appuie sur des expériences accumulées par le passé, notamment au Nigeria, avec les enfants enlevés par le groupe islamiste Boko Haram, explique Ayelet Noam-Rosenthal, une des auteures.

« Nous avons besoin d’éléments de langage commun » compatibles avec un traumatisme, estime-t-elle. « Nous devons tout faire pour ne pas provoquer de traumatisme supplémentaire ».  

Lieu « sombre et effrayant »

De nombreuses questions restent sans réponse sur le type de soutien dont les petits auront besoin.

« Personne ne sait si les enfants et les parents seront libérés séparément ou ensemble », explique ainsi Moty Cristal, un officier à la retraite. « On ne sait pas si les femmes ont été soumises à des violences sexuelles en captivité ».

Et « compte tenu de la nature des attaques, nous ne pouvons que nous préparer au pire ».

Environ 240 personnes ont été enlevées le jour de l’attaque sur des postes militaires, des villages, des kibboutz et dans un festival de musique. L’AFP a confirmé les identités de 210 d’entre eux.  

Au moins 35 sont des enfants, dont 18 ont moins de 11 ans. L’anniversaire de certains est intervenu en captivité.  

« Des enfants ont été emportés juste après avoir vu leurs parents se faire brutalement assassiner », a déclaré à la presse locale Zion Hagai, président de l’Association médicale d’Israël.

Ils ont ensuite été emmenés. « Non seulement ils vivent ce traumatisme, mais ils l’expérimentent dans un lieu étrange, sombre et effrayant ».  

« Ça dépasse mon imagination »

Un des otages les plus jeunes s’appelle Kfir Bibas, un bébé de neuf mois, enlevé avec son frère Ariel et ses parents Yarden et Shiri dans le kibboutz Nir Oz, près de la frontière avec Gaza. Shiri apparaît dans une vidéo, serrant ses enfants dans ses bras, entourée d’hommes armés.

Le manuel de l’institut Haruv et les experts soulignent que les professionnels de santé eux-mêmes seront vulnérables.

Ofrit Shapira-Berman, psychanalyste et professeure de l’Université Hébraïque, a reçu en séance un adolescent qui, le 7 octobre, avait entendu ses sœurs hurler au téléphone avant d’être abattues.  

Elle se souvient dans une vidéo postée sur le site d’un think tank israélien : « je suis assise là et j’essaye de me servir de mon expérience pour l’aider ».

« Ce garçon aura besoin de nous pour de nombreuses années », assure-t-elle. « Je fais au mieux et puis je sors et je commence à pleurer parce que ça dépasse mon imagination. »